En ville, au pied de l'eau

J'ai essayé Brest l'espace d'une heure, juste le temps de deux pressions dans un bar de pirate. Un vrai. Il y avait des perroquets de plastique sur des barriques remplies de caoutchouc. Et des serveuses qui tenaient une carte de bières à en faire pâlir le plus gros buveur.
Puis Le Conquet. A l'extrême ouest de la France, de l'Europe. Sur la plage il y avait mon ami punk-pisciculteur, mon ami cucul-la-praline et également pisciculteur et les chiens y étaient interdits. Pour lutter contre la pollution, officiellement. Ces gens n'ont jamais dû avoir de conversations avec des mouches. Mes amis m'ont dit qu'il y avait des fois des phoques sur les côtes bretonnes. Je ne les ai pas cru. Alors ils ont continué à cueillir des coquillages.

J'ai essayé San Sébastien, Donostia pour les autochtones, l'espace d'une journée. La plage était courbée comme une crique méditerranéenne. Pas une ride sur l'eau. Des baigneurs prenaient leur premier bain de l'année, le premier jour de l'année. La chienne les regardait avec des yeux que je ne lui ai pas revu. Elle qui ne se baigne même pas en été. Le jour précédent, Biarritz m'avait montré son élégance bourgeoise et décontractée. Aucun surfeur en vue. Il faut dire que l'eau est déjà comme un miroir. Le vent et elle sont en paix, ou tellement en guerre qu'ils se neutralisent jusqu'à l'immobilité totale.

J'ai essayé Marseille. Hegel avait parlé de l'architecture comme de la musique congelée. Il me semble que Marseille est la Méditerranée solidifiée, mise en hauteur. L'intimité, l'extravagance de cette petite mer quasi-close s'y retrouve. Les mouettes se baladent sur le toit des HLM. Le soir, toute la ville vient remplir le port en se laissant guider par les odeurs d'iode, les odeurs d'écailles sèches. Les vieux montrent les bateaux à leur petits-enfants, comme s'ils y avaient navigué toute une vie et vécu une belle odyssée laissant Ulysse pantois. Le sel se dépose sur le bord des verres et donnent aux boissons un goût incomparable.

J'ai essayé Barcelone, tout près de la terre natale. Avec son sable tellement jaune qu'on le sait artificiel. Tout fut construit sur des bancs de sable artificiels, comme Alexandrie. Et la comparaison pourrait se continuer encore. Les musculeux s'affairent sur le malecon, les pêcheurs les frôlent de leurs hameçons, prêts de dégonfler plusieurs années de travail. Les touristes en maillot se promènent en ville inconscients de n'être plus à la plage, sans savoir que la station balnéaire est plus loin. Pas de camping, juste des vendeurs de montres, de chocolat à fumer et de canettes décongelées-recongelées-décongélées. Et la capitale du sud.

Il n'existe pas une ville d'eau qui ne me mette dans un état de bien-être, dans une nostalgie sereine, avec l'envie de prendre le vent et de rester à quai. Ouverts sur la mer on est continuellement dans une grande gare avec le poil-à-gratter de l'au revoir. Pas nécessairement le sien mais toujours quelque chose est en train de fuir, perceptible, imperceptible, le temps, un ami, un coeur, un été.

Bien aimé ce petit tour des plages, il recèle un je-ne-sais quoi de doux et poignant à la fois, du sentiment, de l’espace et de l’observation.

Aie... je vais tenter d'être aussi douce que possible mais, ne suis pas certaine d'y parvenir.
A la sortie de votre texte Pescaire66, j'ai la sensation désagréable que me procurait les apéritifs chez ma marraine.
Ma marraine : presque 70 ans, catholique pratiquante, la langue toujours sèche de raconter avec force détails les choses les plus ennuyeuses de la sa vie.
Le genre de discours qui vous fait penser aux choses plus ou moins urgentes que vous auriez pu éliminer de votre liste si seulement vous n'aviez pas accepté de venir manger un p'tit biscuit salé avec le p'tit vin bio du patelin.
Ah oui ! J'ai parlé de douceur...
Je pense que si vous arrivez à mettre la retraitée à la porte en y intégrant un personnage plus djeun's et dynamique, le genre qui tremble en nous racontant qu'il a vécu tout ça, bah, ce sera beau à lire.

Il n'existe pas une ville d'eau qui ne me mette dans un état de bien-être, dans une nostalgie sereine, avec l'envie de prendre le vent et de rester à quai.Je pense à Vichy, Bourbon-l'Archambault ou Aix-les-Bains, des endroits qui risquent de te décevoir. N'y va pas.
Sûr que les lieux cités ont autrement plus d'attraits pour ton personnage.