Valériane - "Compte de la tendresse ordinaire" n°1
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Modération
Infinitive
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Valériane - "Compte de la tendresse ordinaire" n°1
- « Tu m'entends Valériane, tu restes dans la voiture de Monsieur Jacques, mais tu ne touches à rien ! À rien ! »
Valériane hoche la tête, sa maman est encore grondeuse. Elle n'aime pas cette voix qu'elle a avec elle. Pas du tout la même que celle qu'elle prend avec Nanou. Peut-être que dans une famille, les mamans ont une voix par enfant. Une voix qui arrive dans son ventre en même temps que le bébé. Et plus le bébé est beau et plus la voix est douce. Valériane n'était pas un beau bébé. Cela, elle le sait. Maman le lui a dit.
- "Il faut couper tes cheveux, ils ne sont pas jolis" »
-" Cache donc tes genoux, ils sont laids"
-" Tu as de bien vilaines dents ma pauvre fille" »
Pourquoi ma pauvre fille ? Parce que moins on est jolie, moins on est riche ?
Valériane ne sait pas. Alors, comme elle n'est pas très jolie, du coup, elle est pauvre alors elle s'applique. À faire comme il faut. Tout comme il faut. Ne jamais rentrer dans la chambre de maman pour y faire un câlin dans le lit, bien ranger ses affaires, rire souvent pour montrer comme elle est de bonne humeur. Ne pas désobéir.
Donc aujourd'hui rester dans la voiture et ne rien toucher.
Mais il y a ce petit bonhomme en plastique bleu, tout rond, tout rigolo. Il est attaché au rétroviseur avec une ventouse. Maman a vu le regard de Valériane.
- Je t'interdis de toucher au petit bonhomme Antar ! Tu as compris ?
Valériane a compris, maman claque la portière et disparaît dans l'escalier de pierres. Valériane a compris alors elle le caresse des yeux, le petit bonhomme, elle le frôle de son cœur et lui parle de ses rêves. Il semble très attentif, il a même arrêté de gigoter au bout de sa petite chaîne. Il semble bien qu'il écoute ce que lui murmure la petite, mais comme il n'entend pas très bien, la ventouse se décolle et il tombe. Tout seul, tout droit dans le cendrier débordant de mégots sales.
Valériane sent son cœur qui s'arrête. Maman va revenir, elle l'accusera. Elle se faufile entre les deux sièges avant et de sa petite main maladroite essaie de recoller le bonhomme bleu. Il résiste, c'est qu'il ne veut pas, pense Valériane, il ne veut plus être accroché comme un saucisson. Il pleure sans doute d'être seul lui aussi. Ils se chuchotent tous les deux les plus belles promesses, elle ne l'abandonnera jamais. Maman est arrivée discrètement. (Sournoisement pense le bonhomme bleu).
Elle gifle Valériane, la gifle numéro trois d'aujourd'hui.
- Tu es vraiment, vraiment méchante ! Une très vilaine petite fille !
Monsieur Jacques est avec elle.
- Ce n'est rien, oh vraiment, ce n'est pas grave !! Il te plaît Valériane ? Alors, garde le !
Maman a enfoui le petit bonhomme dans son grand sac. Valériane ne pipe pas mot. Elle attend. Sur l'autoroute, maman a ouvert la vitre et a jeté le petit bonhomme par la fenêtre. Valériane l'a vu passé, elle l'a entendu crier. Elle croise dans le rétroviseur les yeux de maman, ses yeux noirs. Elle ne pleure pas. Elle a juste le cœur au bord des mots.
Valériane hoche la tête, sa maman est encore grondeuse. Elle n'aime pas cette voix qu'elle a avec elle. Pas du tout la même que celle qu'elle prend avec Nanou. Peut-être que dans une famille, les mamans ont une voix par enfant. Une voix qui arrive dans son ventre en même temps que le bébé. Et plus le bébé est beau et plus la voix est douce. Valériane n'était pas un beau bébé. Cela, elle le sait. Maman le lui a dit.
- "Il faut couper tes cheveux, ils ne sont pas jolis" »
-" Cache donc tes genoux, ils sont laids"
-" Tu as de bien vilaines dents ma pauvre fille" »
Pourquoi ma pauvre fille ? Parce que moins on est jolie, moins on est riche ?
Valériane ne sait pas. Alors, comme elle n'est pas très jolie, du coup, elle est pauvre alors elle s'applique. À faire comme il faut. Tout comme il faut. Ne jamais rentrer dans la chambre de maman pour y faire un câlin dans le lit, bien ranger ses affaires, rire souvent pour montrer comme elle est de bonne humeur. Ne pas désobéir.
Donc aujourd'hui rester dans la voiture et ne rien toucher.
Mais il y a ce petit bonhomme en plastique bleu, tout rond, tout rigolo. Il est attaché au rétroviseur avec une ventouse. Maman a vu le regard de Valériane.
- Je t'interdis de toucher au petit bonhomme Antar ! Tu as compris ?
Valériane a compris, maman claque la portière et disparaît dans l'escalier de pierres. Valériane a compris alors elle le caresse des yeux, le petit bonhomme, elle le frôle de son cœur et lui parle de ses rêves. Il semble très attentif, il a même arrêté de gigoter au bout de sa petite chaîne. Il semble bien qu'il écoute ce que lui murmure la petite, mais comme il n'entend pas très bien, la ventouse se décolle et il tombe. Tout seul, tout droit dans le cendrier débordant de mégots sales.
Valériane sent son cœur qui s'arrête. Maman va revenir, elle l'accusera. Elle se faufile entre les deux sièges avant et de sa petite main maladroite essaie de recoller le bonhomme bleu. Il résiste, c'est qu'il ne veut pas, pense Valériane, il ne veut plus être accroché comme un saucisson. Il pleure sans doute d'être seul lui aussi. Ils se chuchotent tous les deux les plus belles promesses, elle ne l'abandonnera jamais. Maman est arrivée discrètement. (Sournoisement pense le bonhomme bleu).
Elle gifle Valériane, la gifle numéro trois d'aujourd'hui.
- Tu es vraiment, vraiment méchante ! Une très vilaine petite fille !
Monsieur Jacques est avec elle.
- Ce n'est rien, oh vraiment, ce n'est pas grave !! Il te plaît Valériane ? Alors, garde le !
Maman a enfoui le petit bonhomme dans son grand sac. Valériane ne pipe pas mot. Elle attend. Sur l'autoroute, maman a ouvert la vitre et a jeté le petit bonhomme par la fenêtre. Valériane l'a vu passé, elle l'a entendu crier. Elle croise dans le rétroviseur les yeux de maman, ses yeux noirs. Elle ne pleure pas. Elle a juste le cœur au bord des mots.
Infinitive- Nombre de messages : 29
Age : 63
Date d'inscription : 05/10/2011
Modération- Nombre de messages : 1362
Age : 18
Date d'inscription : 08/11/2008
les comptes et les contes...
Bonjour !
Oui ! "Le compte de la tendresse ordinaire"
Ou comment comptabiliser les éclats de vie à travers un receuil de brèves échardes.
Plusieurs contes le composent toutefois...
Oui ! "Le compte de la tendresse ordinaire"
Ou comment comptabiliser les éclats de vie à travers un receuil de brèves échardes.
Plusieurs contes le composent toutefois...
Infinitive- Nombre de messages : 29
Age : 63
Date d'inscription : 05/10/2011
Re: Valériane - "Compte de la tendresse ordinaire" n°1
Parfait, merci.
Modération- Nombre de messages : 1362
Age : 18
Date d'inscription : 08/11/2008
Re: Valériane - "Compte de la tendresse ordinaire" n°1
Tu parles d'échardes là où je sens une épine, une grosse épine dans le cœur. Autant te dire que j'ai souffert à la lecture de ce texte, parce qu'il fait mouche. Bravo pour la concision, l'absence de faux sentiments ou de pathos facile ; en plus, je trouve que le ton est juste, enfantin mais pas puéril, avec des réflexions qui me semblent pertinentes.
Juste ceci : "Valériane l'a vu passé" (passer)
Juste ceci : "Valériane l'a vu passé" (passer)
Invité- Invité
Excellent.
Parce que tout est juste, parce que j'adore ce genre (nouvelle courte, micro nouvelle devrais-je dire), parce que tu nous fait mal quand elle reçoit cette gifle et que nos doigts sentent encore le tabac à force de gratter dans ce foutu cendrier.
Merci
Merci
Marchevêque- Nombre de messages : 199
Age : 64
Date d'inscription : 08/09/2011
Vélariane ; compte de la tendresse ordinaire n°1
Que j'aime cette tranche de vie, bien écrite. Enfin on évite l'idolatrie de l'image maternelle. On n'a que faire des bons sentiments dans l'écriture. Et tu oses. Cet aspect de la mère existe. Avec des raisons bien sûr. Peut-être aurais-tu pu en évoquer une... Mais je me trompe. Cette séquence livrée à l'état brute est sûrement suffisante. Au lecteur de faire travailler son imaginaire. Le style est juste. Le vocabulaire simple correspondant au contexte réaliste. Merci.
RAOUL
RAOUL
Raoulraoul- Nombre de messages : 607
Age : 63
Date d'inscription : 24/06/2011
Re: Valériane - "Compte de la tendresse ordinaire" n°1
j'aime aussi !
ni mièvre ni pleurnichant
on est bien dans la tête - et dans la chair - de la vilaine petite fille mal aimée !
Je ne trouve pas qu'il faille expliquer pourquoi la mère est ainsi, ça n'irait pas avec le ton, la voix qui vient de la petite, surtout dans un texte aussi court. Elle ne peut que constater que voilà, c'est sa mère, c'est comme ça.
ni mièvre ni pleurnichant
on est bien dans la tête - et dans la chair - de la vilaine petite fille mal aimée !
Je ne trouve pas qu'il faille expliquer pourquoi la mère est ainsi, ça n'irait pas avec le ton, la voix qui vient de la petite, surtout dans un texte aussi court. Elle ne peut que constater que voilà, c'est sa mère, c'est comme ça.
Janis- Nombre de messages : 13490
Age : 63
Date d'inscription : 18/09/2011
Re: Valériane - "Compte de la tendresse ordinaire" n°1
``elle a juste le coeur au bord des mots.`` J'ai vibré avec cette enfant dont la souffrance est tangible et résonne dans mon coeur. Merci pour ce texte court mais très percutant et qui fait réfléchir...Bravo!
gaeli- Nombre de messages : 417
Age : 78
Date d'inscription : 21/05/2011
Re: Valériane - "Compte de la tendresse ordinaire" n°1
Bien dosé, juste, efficace !
Et mention spéciale pour :
Et mention spéciale pour :
Perle !Maman est arrivée discrètement. (Sournoisement pense le bonhomme bleu).
Invité- Invité
Re: Valériane - "Compte de la tendresse ordinaire" n°1
Je trouve l'ensemble parfaitement bien maitrisé, les mots choisis, sans aucune affectation. On reçoit cette impossibilité d'aimer comme un uppercut et forcément ça fait souffrir entre colère et impuissance.
Invité- Invité
Re: Valériane - "Compte de la tendresse ordinaire" n°1
Que vous dire à tous : merci d'aimer mes mots. (pas de smiley, mais il serait rougissant)
Oups pour le : "Valériane l'a vu passé(er)" bien sur !
Oups pour le : "Valériane l'a vu passé(er)" bien sur !
Infinitive- Nombre de messages : 29
Age : 63
Date d'inscription : 05/10/2011
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