Monsieur S.
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Monsieur S.
On peut tous s'y voir. Dans la vie seul le contexte compte.
Donc je vous présente cet individu (la 2ème la 1er n'étant pas accessible).
Après tant d'éloquence on pourrait croire que cette sombre gueule d'égout se targue d'avoir un coeur. Ce que nous appelons coeur est fait de chair et de sang, le sien tend vers une structure plus minérale. Prenez garde; vous ne le connaissez que depuis quelques lignes et il sucite déjà chez vous confiance et sympathie. Et si ce n'est pas de la sympathie c'est d'une autre substance de vôtre âme qu'il suce à chaque mot que vous parcourez. Mais sa malfaisance n'a d'égal que votre crédulité mon gentil lecteur. Selon l'angle de vue avec lequel vous lirez ce qui suit vous serez plus ou moins exposé. Cependant je n'ignore pas, aussi, très cher lecteur, vos interrogations aussitôt assimilées, pour poursuivre la pensée de l'auteur; comme certains points que vous jugez risibles tant votre esprit acéré tranche à vif pour faire transparaître la nature de l'homme.
Je sais que vous avez eu le bon goût de vous aventurer en dangereuse compagnie (ainsi qu'avec une plume fraîche et résonnante) et que vous irez au bout. Face à des tiques suppurantes, à la torture d'un jeune homme, aux femmes dénudées, aux pantins décharnés, ou à un bousier roulant un concombre sur une colline, votre intellect restera tendu comme ses doigts autour de votre cou; et s'il y en a un qui se sent vaciller en l'approchant qu'il s'arrête là! Maintenant! Vous risqueriez de ne plus vous relever!
Ces quelques axiomes ne vous ont visiblement pas décidé à abandonner. Soit, je vous l'offre. Avancez. Ce qui vous sautera aux yeux, si ce n'est déjà l'effrayante banalité qu'il dégage, est cette étonnante frisure qui darde hors de sa peau encroûtée. Une belliqueuse spirale capillaire qui porte en elle la rage de toute une espèce. Son nez est capable, sûrement en raison de sa taille imposante, de déceler les bêtes blessées à plusieurs kilomètres à la ronde; et ce poil vengeur concentrique, impérial, dur et tordu, s'était mis aux avants postes, féroce, étendu de tout son long tel une antenne radio captant les signaux de faiblesse des brebis égarée. La cerise sur le gâteau pourrait-on dire. Car son visage n'est point repoussant non plus, et grâce cette cerise il attire la sympathie. Ça lui donne un air quelque peu idiot, un air quelque peu humain.
Ses cheveux tombent grassement sur son front, vestige d'un rempart moyenâgeux, pour couvrir son regard rempli de vide. Descendez un peu et vous serez d'accord avec moi pour dire qu'il est impossible de décrire une forme d'émotion sur ce visage qui ne sait faire travailler ses muscles que pour étirer ses lèvres afin d'être en accord avec la bienséance sociale.
Son corps est long et arqué tel des serres d'un vautour. On pourrait qualifier ses mains de normales si elles n'était pas composées chacune de cinq longues cordes pouvant épouser idéalement toutes sortes de cou.
Appelez le comme vous voulez, un cauchemar incarné, ou une gueule de bois, ou un anniversaire surprise gâché, ou une beauté imaginaire, ou encore un trou d'air sur la terre, ou plutôt un ricanement dans la nuit, ou même un homme; aucun terme n'est assez précis pour satisfaire votre oeil perçant et je m'en excuse. Alors, bon appétit messieurs, je vous livre à lui sans tarder.
Donc je vous présente cet individu (la 2ème la 1er n'étant pas accessible).
Après tant d'éloquence on pourrait croire que cette sombre gueule d'égout se targue d'avoir un coeur. Ce que nous appelons coeur est fait de chair et de sang, le sien tend vers une structure plus minérale. Prenez garde; vous ne le connaissez que depuis quelques lignes et il sucite déjà chez vous confiance et sympathie. Et si ce n'est pas de la sympathie c'est d'une autre substance de vôtre âme qu'il suce à chaque mot que vous parcourez. Mais sa malfaisance n'a d'égal que votre crédulité mon gentil lecteur. Selon l'angle de vue avec lequel vous lirez ce qui suit vous serez plus ou moins exposé. Cependant je n'ignore pas, aussi, très cher lecteur, vos interrogations aussitôt assimilées, pour poursuivre la pensée de l'auteur; comme certains points que vous jugez risibles tant votre esprit acéré tranche à vif pour faire transparaître la nature de l'homme.
Je sais que vous avez eu le bon goût de vous aventurer en dangereuse compagnie (ainsi qu'avec une plume fraîche et résonnante) et que vous irez au bout. Face à des tiques suppurantes, à la torture d'un jeune homme, aux femmes dénudées, aux pantins décharnés, ou à un bousier roulant un concombre sur une colline, votre intellect restera tendu comme ses doigts autour de votre cou; et s'il y en a un qui se sent vaciller en l'approchant qu'il s'arrête là! Maintenant! Vous risqueriez de ne plus vous relever!
Ces quelques axiomes ne vous ont visiblement pas décidé à abandonner. Soit, je vous l'offre. Avancez. Ce qui vous sautera aux yeux, si ce n'est déjà l'effrayante banalité qu'il dégage, est cette étonnante frisure qui darde hors de sa peau encroûtée. Une belliqueuse spirale capillaire qui porte en elle la rage de toute une espèce. Son nez est capable, sûrement en raison de sa taille imposante, de déceler les bêtes blessées à plusieurs kilomètres à la ronde; et ce poil vengeur concentrique, impérial, dur et tordu, s'était mis aux avants postes, féroce, étendu de tout son long tel une antenne radio captant les signaux de faiblesse des brebis égarée. La cerise sur le gâteau pourrait-on dire. Car son visage n'est point repoussant non plus, et grâce cette cerise il attire la sympathie. Ça lui donne un air quelque peu idiot, un air quelque peu humain.
Ses cheveux tombent grassement sur son front, vestige d'un rempart moyenâgeux, pour couvrir son regard rempli de vide. Descendez un peu et vous serez d'accord avec moi pour dire qu'il est impossible de décrire une forme d'émotion sur ce visage qui ne sait faire travailler ses muscles que pour étirer ses lèvres afin d'être en accord avec la bienséance sociale.
Son corps est long et arqué tel des serres d'un vautour. On pourrait qualifier ses mains de normales si elles n'était pas composées chacune de cinq longues cordes pouvant épouser idéalement toutes sortes de cou.
Appelez le comme vous voulez, un cauchemar incarné, ou une gueule de bois, ou un anniversaire surprise gâché, ou une beauté imaginaire, ou encore un trou d'air sur la terre, ou plutôt un ricanement dans la nuit, ou même un homme; aucun terme n'est assez précis pour satisfaire votre oeil perçant et je m'en excuse. Alors, bon appétit messieurs, je vous livre à lui sans tarder.
euterpe- Nombre de messages : 117
Age : 38
Localisation : Au fond de la classe
Date d'inscription : 20/03/2007
Re: Monsieur S.
Par moments, je trouve ça un peu confus. Comme si tu ressentais un énorme besoin de dire beaucoup, peut-être trop, ce qui donne cette impression brouillonne de densité.
Sinon, j'aime ce ton sentencieux que tu utilises, cette grandiloquence pour t'adresser au lecteur.
Maintenant, je reconnais que ma lecture a été faussée par le titre "Monsieur S.", qui fait immédiatement penser à quelqu'un, ptit mec devenu grand chef, et que ça subjectivise le tout, car on part avec des préjugés, avant de lire. Dans mon cas, je cherchais donc quelque chose de grinçant, de pertinent (suis pas fan du bonhomme, même si je lui reocnnais quelques qualités) et je n'ai pas été complètement rassasiée sur ce point.
Sinon, j'aime ce ton sentencieux que tu utilises, cette grandiloquence pour t'adresser au lecteur.
Maintenant, je reconnais que ma lecture a été faussée par le titre "Monsieur S.", qui fait immédiatement penser à quelqu'un, ptit mec devenu grand chef, et que ça subjectivise le tout, car on part avec des préjugés, avant de lire. Dans mon cas, je cherchais donc quelque chose de grinçant, de pertinent (suis pas fan du bonhomme, même si je lui reocnnais quelques qualités) et je n'ai pas été complètement rassasiée sur ce point.
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Monsieur S.
Contrairement à Sahkti, je ne me retrouve pas dans le ton utilisé (un lyrisme que renierait pas Monsieur S. mais avec des mots moins compliqués pour capter l'électorat) qui use des mêmes "ficelles" que celles de Monsieur S. pour nous capter. "Que votre combat ne vous transforme pas en l'image de votre ennemi !", disait George Orwell. Néanmoins, on sent que c'est écrit avec les tripes et c'est tout à ton honneur de concilier "texte bien écrit-vocabulaire riche-beaucoup d'images" et ta "rage". A mon humble avis.
Dans le genre "textes sur Monsieur S." (si par Monsieur S., on désigne tous les deux Sarko), j'en ai écrit une série au printemps dernier en essayant d'éviter au maximum d'être grandiloquent (je ne sais pas si j'y suis parvenu). C'est pourquoi j'ai opté pour des récits. En voici un (les persos sont issus de mon projet de "roman-saga" dont je posterai bientôt le prélude sous le titre "Bodensee"):
A really sad "French Dream" - Episode Two
(Ce qui suit est le croisement, la mise en perspective dans le cadre d'une "fiction", voire le téléscopage de scènes que j'ai vécu, de 1999 à nos jours entre Rueil, Nanterre, Compiègne, Lyon, son métro et son tram et la ligne 1 du métro parisien.)
L'après-midi touche à sa fin et Constance Schmidt s'apprête à regagner son appartement suite à cette belle journée d'automne passée en compagnie de Katia. En montant dans le bus à la station "Homme de Roche" (ndTaki: à côté de la statue de Hans Cleberger, dit le Bel Allemand, grand humaniste de la Renaissance) après avoir jeté un dernier coup d'oeil à ce magnifique ciel et ses reflets d'or et d'argent sur la Saône, Constance allume son ipod pour se replonger dans Radiohead, un des groupes préférés de Karel et Pierre, auxquels elle pense beaucoup ces temps-ci.
Elle décide de se placer debout près de la porte du milieu de l'autobus, comme à son habitude, pour voir le trottoir défiler, comme une bobine d'un film où les acteurs ne savent pas qu'ils sont filmés. C'est son petit plaisir de "citadine", ce qui lui rappelle ses nombreux voyages en train puis en tramway, lorsqu'elle habitait encore en Allemagne et qu'elle naviguait sans cesse entre Berlin, Köln et le Hochrhein. Tout est calme.
2-3 stations (elle ne s'en rend pas compte, absorbée qu'elle est par son "film") défilent et voilà que trois mecs montent dans le bus. Ils sont "trop bien sapés", aurait dit Taki Chan en référence au film "La Classe Américaine" pour se moquer de ce style qui singeait celui de ces rappers ricains pour le moins caricaturaux dont la musique lui semblait faite de vacuité. Et ce n'est pas parce qu'elle jouait du violoncelle et écoutait principalement de la musique de chambre qu'elle émettait ce préjugé sur eux. Non, c'était au-delà des "genres". Karel, par exemple, écoutait beaucoup de hiphop de grande grande classe (Salif, Subtle, Beastie Boys, entre autres) et était le premier à dénigrer ces groupes-là.
Bref, les trois mecs montent et se dirigent automatiquement vers le fond du bus. Cinq places sont réparties horizontalement et sur celle de gauche, est paisiblement installé un jeune garçon au teint basané mais tout de même clair, un jeune métis comme on en croise beaucoup en France, ce pays dont on a le sentiment qu'il est cosmopolite lorsqu'on vit dans ces villes. Il écoute tranquillement son walkman en jetant de temps à autres des regards autour de lui, comme s'il s'attendait à quelquechose. Sinon, il regarde principalement par la fenêtre, tout en secouant la tête au rythme du beat du morceau qu'il écoute. Les trois mecs se posent au fond sur la droite de ces cinq places de l'arrière de ce bus, laissant un espace d'une place assise entre eux et lui.
Puis soudain, le premier des trois mecs tape sur l'épaule du jeune garçon et lui adresse la parole. Le garçon retire un écouteur et lui dit:
- Oui ?
- Il est comment, ton walkman, mec ? Il a l'air de cracher du bon son, fais stéka (ndTaki: "fais stéka"="fais voir" ou "fais péter", selon le contexte).
- Non, je ne te connais pas, laisse-moi tranquille, gars.
- Tu dirais pas ça si tu savais qui je suis, mec.
- Et qui es-tu ? La reine d'Angleterre, peut-être ? La réincarnation de Dark Vador ? Ou tout simplement un gros con ?
- Putain, le provoque pas, l'interrompt le deuxième des trois mecs. Et toi (en direction du premier mec), laisse ce mec tranquille, il t'a rien fait.
L'échange verbal a fait suffisamment de bruit pour tirer Constance de sa douce rêverie. Elle fixe la scène et se demande pourquoi personne ne bouge dans le bus.
C'est là que le troisième intervient:
- Il t'a rien fait mais il t'a traité de con. Tu peux pas laisser passer ça, ce serait la te-hon pour toi après ça, si ça venait à se savoir dans le tiékar.
- Oui, c'est vrai, se reprend le premier, donne-moi ton walkman, petit con.
Dit sur ce ton et aussi fort, Constance s'étonne de voir que personne ne bouge dans le bus. Pourtant, elle se souvient très nettement des images de l'élection française et d'un futur président applaudi lorsqu'il disait que la France ne laissera personne au bord du chemin, fidèle à sa grande tradition humaniste. Elle avait vu ça à la télé lorsqu'elle était gamine et ses parents avaient dit: "Des mots, rien que des mots, toujours des mots, les mêmes mots", à mi-chemin entre révolte et cynisme (exprimer sa colère sur l'air de "Paroles, paroles", faut le faire !, se dit Constance en cet instant).
"Il y a forcément des gens qui ont voté pour ce mec-là dans ce bus et qui croient au rêve français dur comme fer (en tout cas, suffisamment pour élire ce mec président de la république), c'est sûr.", se dit-elle en cet instant. "Dès lors, pourquoi on laisse faire ça ?"
Le troisième mec renchérit: "Allez, donne-le et on te fera rien, mec." "Non !!!" "Tu sais pas à quoi tu t'exposes", le menace alors toujours le troisième mec, feignant de prendre quelquechose dans sa banane Lacoste.
Constance met son ipod en pause, le range dans son sac et se dirige vers le fond du bus, décidée à tenter quelque chose pour dissuader les quatre protagonistes du fond de se mettre sur la gueule. A deux (voire trois contre un ?) qui plus est, pour la fierté en carton d'un mec dans son "tiékar" (d'ailleurs, Constance, en bonne Allemande, se demande ce qui signifie ce mot qu'elle n'a jamais vu écrit nulle part).
- S'il vous plaît, laissez-le tranquille. Il ne mérite pas que vous vous battiez et lui dérobiez son walkman, dit Constance dans un français qu'elle commence à bien maîtriser au bout de deux mois dans la capitale des Gaules, bien qu'il y ait toujours un relent d'accent typiquement "kölnisch" dans sa voix.
- Oh, toi, ta gueule ! Qui t'es, toi, hein ? Qu'est-ce que tu vas nous apprendre, sale allemande ! Mêle-toi de ce qui te regarde et pense à ce que ton pays a fait le siècle dernier, pétasse ! La solution finale, c'est pas nous ! Et me regarde pas comme ça, tu sais pas qui je suis ! Détourne le regard si cette affaire te gêne. Fais comme tous les Cé-fran qui sont dans ce bus et qui ferment leur gueule. Allez, casse-toi !
Ne comprenant pas tout ce que lui a été crié mais étant consciente de l'agressivité de ce mec, Constance fait face et garde le silence sans détourner le regard. "Toi, non plus, tu ne sais pas qui je suis, bonhomme. C'est pas parce que j'ai le physique d'une petite allemande de 21 ans que je ne sais pas ce que c'est la violence, la rage et compagnie. Alors, non, je ne détourne pas le regard, quand bien même j'ai peur de ce qu'il peut me faire...", se dit Constance en son for intérieur.
Pendant ce temps-là, la discussion s'engage entre nos trois mecs.
- Putain, c'est chaud, ce que tu viens de dire, la solution finale, c'est Sarko qui a dit ça. Ca craint grave que tu le répètes., dit le deuxième mec à son acolyte
- M'en fous, elle a pas à me péter les couilles et à jouer ses mères Teresa et prétendre nous éduquer à coup de Karcher. C'est allemand, ça aussi, non ?, répond le premier mec
- Putain, mec, tu confonds tout. Allez, laisse béton, tirons-nous, ça a trop duré, ça ne nous mènera à rien.
Constance reprend alors espoir que cela se termine et esquisse un soupir de soulagement.
- Tu te fous de notre gueule, c'est ça ?!?!, lui adresse le troisième mec
- Non, répond Constance d'une petite voix, qui sent ses genoux trembler.
- Répète !
- Non, toujours avec la même voix.
- Alors souris pas ! Tu sais pas qui on est.
- Mais merde, calme-toi, mec !, lui rétorque le deuxième mec. Tu vas pas te mettre à parler sur ce ton-là. A une fille, en plus.
- Rien à battre !
Pendant ce temps-là, le chauffeur du bus a pu joindre ses collègues qui ont, eux prévenu la police, qui arrive sur les lieux.
- Merde, les Schmitt !, s'écrie le premier. On se casse !, dit-il tout en arrachant des mains le walkman du jeune métis, qui ne s'y attendait plus
- Oh, putain de merde !, dit le troisième qui pousse violemment Constance hors de son chemin.
C'est ainsi que sous le regard médusé du deuxième mec, du métis et de Constance, les deux gars s'extirpent du bus sans qu'on leur barre la route.
Le bus est arrêté, les flics montent dedans. Tous les passagers accusent le deuxième mec d'avoir, avec ses complices du fond du bus, provoqué et insulté la jeune fille qui venait pour s'asseoir tranquillement. Puis ils l'ont poussé. Ni Constance ni le métis ni le deuxième mec ne parviennent à faire entendre le récit de l'histoire qu'ils viennent de vivre, étant donné la cohue produite par les passagers, soudain devenus volubiles en présence de personnes en uniforme. De plus, dans la bousculade, Constance est mal retombée et ressent une grosse douleur au niveau de la fesse droite. Constatant son impuissance devant cette cohue, c'est dégoûtée qu'elle descend du bus, se doutant que la suite ne sera rose ni pour le deuxième mec ni pour le métis.
On est arrivé à la Thibaudière, soit deux stations plus loin que là où elle habite. Elle se décide malgré la douleur à finir le trajet à pied vers Guillotière.
C'est là qu'une vieille l'interpelle: "Je voulais vous féliciter d'être intervenue, mademoiselle. Je n'aurais pas eu le courage de faire ce que vous avez fait."
"Laissez-moi tranquille, madame, avec tout le respect que je vous dois. Il a fallu qu'une jeune fille se fasse insulter, pour qu'on prévienne la police. Pourquoi ne reproche-t-on rien à la trentaine de personnes qui n'est pas intervenue ?"
Et Constance, laissant la petite vieille incrédule, reprend son chemin, reprenant la lecture de son ipod là où elle l'avait laissé.
"Just cause you feel it. Doesn't mean it's there...". Ces mots dans la voix de Thom Yorke sur "There There" lui semblent tout à fait appropriés lorsqu'il s'agit d'évoquer le "rêve français".
Dans le genre "textes sur Monsieur S." (si par Monsieur S., on désigne tous les deux Sarko), j'en ai écrit une série au printemps dernier en essayant d'éviter au maximum d'être grandiloquent (je ne sais pas si j'y suis parvenu). C'est pourquoi j'ai opté pour des récits. En voici un (les persos sont issus de mon projet de "roman-saga" dont je posterai bientôt le prélude sous le titre "Bodensee"):
A really sad "French Dream" - Episode Two
(Ce qui suit est le croisement, la mise en perspective dans le cadre d'une "fiction", voire le téléscopage de scènes que j'ai vécu, de 1999 à nos jours entre Rueil, Nanterre, Compiègne, Lyon, son métro et son tram et la ligne 1 du métro parisien.)
L'après-midi touche à sa fin et Constance Schmidt s'apprête à regagner son appartement suite à cette belle journée d'automne passée en compagnie de Katia. En montant dans le bus à la station "Homme de Roche" (ndTaki: à côté de la statue de Hans Cleberger, dit le Bel Allemand, grand humaniste de la Renaissance) après avoir jeté un dernier coup d'oeil à ce magnifique ciel et ses reflets d'or et d'argent sur la Saône, Constance allume son ipod pour se replonger dans Radiohead, un des groupes préférés de Karel et Pierre, auxquels elle pense beaucoup ces temps-ci.
Elle décide de se placer debout près de la porte du milieu de l'autobus, comme à son habitude, pour voir le trottoir défiler, comme une bobine d'un film où les acteurs ne savent pas qu'ils sont filmés. C'est son petit plaisir de "citadine", ce qui lui rappelle ses nombreux voyages en train puis en tramway, lorsqu'elle habitait encore en Allemagne et qu'elle naviguait sans cesse entre Berlin, Köln et le Hochrhein. Tout est calme.
2-3 stations (elle ne s'en rend pas compte, absorbée qu'elle est par son "film") défilent et voilà que trois mecs montent dans le bus. Ils sont "trop bien sapés", aurait dit Taki Chan en référence au film "La Classe Américaine" pour se moquer de ce style qui singeait celui de ces rappers ricains pour le moins caricaturaux dont la musique lui semblait faite de vacuité. Et ce n'est pas parce qu'elle jouait du violoncelle et écoutait principalement de la musique de chambre qu'elle émettait ce préjugé sur eux. Non, c'était au-delà des "genres". Karel, par exemple, écoutait beaucoup de hiphop de grande grande classe (Salif, Subtle, Beastie Boys, entre autres) et était le premier à dénigrer ces groupes-là.
Bref, les trois mecs montent et se dirigent automatiquement vers le fond du bus. Cinq places sont réparties horizontalement et sur celle de gauche, est paisiblement installé un jeune garçon au teint basané mais tout de même clair, un jeune métis comme on en croise beaucoup en France, ce pays dont on a le sentiment qu'il est cosmopolite lorsqu'on vit dans ces villes. Il écoute tranquillement son walkman en jetant de temps à autres des regards autour de lui, comme s'il s'attendait à quelquechose. Sinon, il regarde principalement par la fenêtre, tout en secouant la tête au rythme du beat du morceau qu'il écoute. Les trois mecs se posent au fond sur la droite de ces cinq places de l'arrière de ce bus, laissant un espace d'une place assise entre eux et lui.
Puis soudain, le premier des trois mecs tape sur l'épaule du jeune garçon et lui adresse la parole. Le garçon retire un écouteur et lui dit:
- Oui ?
- Il est comment, ton walkman, mec ? Il a l'air de cracher du bon son, fais stéka (ndTaki: "fais stéka"="fais voir" ou "fais péter", selon le contexte).
- Non, je ne te connais pas, laisse-moi tranquille, gars.
- Tu dirais pas ça si tu savais qui je suis, mec.
- Et qui es-tu ? La reine d'Angleterre, peut-être ? La réincarnation de Dark Vador ? Ou tout simplement un gros con ?
- Putain, le provoque pas, l'interrompt le deuxième des trois mecs. Et toi (en direction du premier mec), laisse ce mec tranquille, il t'a rien fait.
L'échange verbal a fait suffisamment de bruit pour tirer Constance de sa douce rêverie. Elle fixe la scène et se demande pourquoi personne ne bouge dans le bus.
C'est là que le troisième intervient:
- Il t'a rien fait mais il t'a traité de con. Tu peux pas laisser passer ça, ce serait la te-hon pour toi après ça, si ça venait à se savoir dans le tiékar.
- Oui, c'est vrai, se reprend le premier, donne-moi ton walkman, petit con.
Dit sur ce ton et aussi fort, Constance s'étonne de voir que personne ne bouge dans le bus. Pourtant, elle se souvient très nettement des images de l'élection française et d'un futur président applaudi lorsqu'il disait que la France ne laissera personne au bord du chemin, fidèle à sa grande tradition humaniste. Elle avait vu ça à la télé lorsqu'elle était gamine et ses parents avaient dit: "Des mots, rien que des mots, toujours des mots, les mêmes mots", à mi-chemin entre révolte et cynisme (exprimer sa colère sur l'air de "Paroles, paroles", faut le faire !, se dit Constance en cet instant).
"Il y a forcément des gens qui ont voté pour ce mec-là dans ce bus et qui croient au rêve français dur comme fer (en tout cas, suffisamment pour élire ce mec président de la république), c'est sûr.", se dit-elle en cet instant. "Dès lors, pourquoi on laisse faire ça ?"
Le troisième mec renchérit: "Allez, donne-le et on te fera rien, mec." "Non !!!" "Tu sais pas à quoi tu t'exposes", le menace alors toujours le troisième mec, feignant de prendre quelquechose dans sa banane Lacoste.
Constance met son ipod en pause, le range dans son sac et se dirige vers le fond du bus, décidée à tenter quelque chose pour dissuader les quatre protagonistes du fond de se mettre sur la gueule. A deux (voire trois contre un ?) qui plus est, pour la fierté en carton d'un mec dans son "tiékar" (d'ailleurs, Constance, en bonne Allemande, se demande ce qui signifie ce mot qu'elle n'a jamais vu écrit nulle part).
- S'il vous plaît, laissez-le tranquille. Il ne mérite pas que vous vous battiez et lui dérobiez son walkman, dit Constance dans un français qu'elle commence à bien maîtriser au bout de deux mois dans la capitale des Gaules, bien qu'il y ait toujours un relent d'accent typiquement "kölnisch" dans sa voix.
- Oh, toi, ta gueule ! Qui t'es, toi, hein ? Qu'est-ce que tu vas nous apprendre, sale allemande ! Mêle-toi de ce qui te regarde et pense à ce que ton pays a fait le siècle dernier, pétasse ! La solution finale, c'est pas nous ! Et me regarde pas comme ça, tu sais pas qui je suis ! Détourne le regard si cette affaire te gêne. Fais comme tous les Cé-fran qui sont dans ce bus et qui ferment leur gueule. Allez, casse-toi !
Ne comprenant pas tout ce que lui a été crié mais étant consciente de l'agressivité de ce mec, Constance fait face et garde le silence sans détourner le regard. "Toi, non plus, tu ne sais pas qui je suis, bonhomme. C'est pas parce que j'ai le physique d'une petite allemande de 21 ans que je ne sais pas ce que c'est la violence, la rage et compagnie. Alors, non, je ne détourne pas le regard, quand bien même j'ai peur de ce qu'il peut me faire...", se dit Constance en son for intérieur.
Pendant ce temps-là, la discussion s'engage entre nos trois mecs.
- Putain, c'est chaud, ce que tu viens de dire, la solution finale, c'est Sarko qui a dit ça. Ca craint grave que tu le répètes., dit le deuxième mec à son acolyte
- M'en fous, elle a pas à me péter les couilles et à jouer ses mères Teresa et prétendre nous éduquer à coup de Karcher. C'est allemand, ça aussi, non ?, répond le premier mec
- Putain, mec, tu confonds tout. Allez, laisse béton, tirons-nous, ça a trop duré, ça ne nous mènera à rien.
Constance reprend alors espoir que cela se termine et esquisse un soupir de soulagement.
- Tu te fous de notre gueule, c'est ça ?!?!, lui adresse le troisième mec
- Non, répond Constance d'une petite voix, qui sent ses genoux trembler.
- Répète !
- Non, toujours avec la même voix.
- Alors souris pas ! Tu sais pas qui on est.
- Mais merde, calme-toi, mec !, lui rétorque le deuxième mec. Tu vas pas te mettre à parler sur ce ton-là. A une fille, en plus.
- Rien à battre !
Pendant ce temps-là, le chauffeur du bus a pu joindre ses collègues qui ont, eux prévenu la police, qui arrive sur les lieux.
- Merde, les Schmitt !, s'écrie le premier. On se casse !, dit-il tout en arrachant des mains le walkman du jeune métis, qui ne s'y attendait plus
- Oh, putain de merde !, dit le troisième qui pousse violemment Constance hors de son chemin.
C'est ainsi que sous le regard médusé du deuxième mec, du métis et de Constance, les deux gars s'extirpent du bus sans qu'on leur barre la route.
Le bus est arrêté, les flics montent dedans. Tous les passagers accusent le deuxième mec d'avoir, avec ses complices du fond du bus, provoqué et insulté la jeune fille qui venait pour s'asseoir tranquillement. Puis ils l'ont poussé. Ni Constance ni le métis ni le deuxième mec ne parviennent à faire entendre le récit de l'histoire qu'ils viennent de vivre, étant donné la cohue produite par les passagers, soudain devenus volubiles en présence de personnes en uniforme. De plus, dans la bousculade, Constance est mal retombée et ressent une grosse douleur au niveau de la fesse droite. Constatant son impuissance devant cette cohue, c'est dégoûtée qu'elle descend du bus, se doutant que la suite ne sera rose ni pour le deuxième mec ni pour le métis.
On est arrivé à la Thibaudière, soit deux stations plus loin que là où elle habite. Elle se décide malgré la douleur à finir le trajet à pied vers Guillotière.
C'est là qu'une vieille l'interpelle: "Je voulais vous féliciter d'être intervenue, mademoiselle. Je n'aurais pas eu le courage de faire ce que vous avez fait."
"Laissez-moi tranquille, madame, avec tout le respect que je vous dois. Il a fallu qu'une jeune fille se fasse insulter, pour qu'on prévienne la police. Pourquoi ne reproche-t-on rien à la trentaine de personnes qui n'est pas intervenue ?"
Et Constance, laissant la petite vieille incrédule, reprend son chemin, reprenant la lecture de son ipod là où elle l'avait laissé.
"Just cause you feel it. Doesn't mean it's there...". Ces mots dans la voix de Thom Yorke sur "There There" lui semblent tout à fait appropriés lorsqu'il s'agit d'évoquer le "rêve français".
Re: Monsieur S.
takichan : je n'ai rien lu, ou du moins que les intros, mais d'emblée je pense qu'il serait intéressant de poster ton texte en nouveau sujet au lieu de le fourguer à la suite d'un autre, même s'il y a un rapport entre les deux. Si tu es d'accord, bien sûr ;-)
je prendrai un peu de temps ensuite pour commenter chacun de vous
je prendrai un peu de temps ensuite pour commenter chacun de vous
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