Samir (les enragés)
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bertrand-môgendre
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Samir (les enragés)
Samir
les enragés
les enragés
Panorama dégagé, libérant la vue sur la partie boisée du massif central, côté est, ici se dresse la roche d'Ajoux, tout au bord de la Saône. Tourné vers l'Atlantique , le regard se pose sur la chaîne ondulée dans le lointain.
Promontoire privilégié, la roche surplombe la multitude des monts érodés, tel un crâne chauve au-dessus de la mêlée. La roche y est glissante.
Romi, Anabelle et Samir randonnent avec un groupe d'enfants sourds et muets. En vacances à la colonie du col du Pilon, les « grillons » sont de sortie. Drôle de nom pour ces enfants-là, ou juste le nom qu'il faut ? Car ces êtres alourdis du silence qui les encercle, donnent la sensation étrange, à celui qui les tient par la main, de devenir une antenne parabolique propice aux enfants sons. Une pression des doigts contre la paume comprimée, indique un danger sur le chemin caillouteux ; l'avant bras attirant le corps à soi, assure les garçons du passage en sécurité d'une portion dangereuse. Sourds mais pas aveugles. Muets, mais très bavards, pas avares de mots-souffle, de cris brefs, traduisant le geste indicateur des désirs à satisfaire. Il reste le langage papier pour affiner la demande. Les plus débrouillards utilisent les signes, précis, universellement reconnus par ceux qui ont appris cette langue morte.
Arrivé au sommet avant tout le groupe, Franck se précipite avec son accompagnateur Samir, pour jouir du spectacle offert par la vaste nature, luxuriante. Une partie d'escalade à mains nues donne la mesure de la dangerosité du site, surtout sur le côté abrupte s'élevant à plus de vingt-cinq mètres au-dessus du sol boisé. Une inscription traduite par Samir, avertit les promeneurs :
« Interdiction absolue de s'approcher du grand toboggan »,
dénommé ainsi pour sa forme particulièrement appropriée à un tremplin dans le vide.
Frank, regarde là-haut, les buses qui planent sans donner un seul coup d'aile.
Le temps orageux imprime à l'ambiance lourde, une sensation de four sans air où seuls les courants ascendants permettent une telle propulsion aux rapaces du site.
Du chemin en contre-bas, les voix du restant du groupe parviennent aux oreilles des vainqueurs de l'étape.
Nez en l'air, tête dans les nuages, Franck trébuche une fois, deux fois, se déséquilibre et comprend trop tard la recommandation de son accompagnateur. Son pied ripe. Les mains agrippent aussitôt le sac de Samir. Tiré dans le dos, cloué au sol, l'adulte réussit par sa force, à bloquer le jeune garçon contre le rocher pentu. Muet, la bouche ouverte, les mains rivées aux bretelles, Franck étrangle Samir. Franck parle sans mot, sans geste, sans stylo... Franck hurle avec ses doigts serrés. Ses yeux tout ronds le font ressembler à une carpe hors de l'étang. Dos à la paroi, Samir parvient délicatement à se débarrasser du sac qui l'étouffe, retient avec sa forte poigne le gamin allongé sur sa gauche et doucement, pousse l'imprudent sur la petite corniche étroite. Crispé, pieds et mains collés comme ventouses sur corps malade, Samir en fâcheuse posture, ne bouge pas d'un millimètre, tant sa stabilité est précaire. Il regarde droit devant lui. Les nuages gris s'amoncellent vite, se cognent fort les uns contre les autres. Les buses ont plongé jusqu'à la cime des arbres.
Le tonnerre gronde fort, aussitôt après l'éclair violent. Les grosses gouttes qui roulent sur la roche d'Ajoux crépitent avant de glisser plus bas, au fond du précipice. La pente du toboggan naturel propulse le regard de Samir vers l'avant. Pas un mot ne sort de sa bouche.
Son envie de retour en arrière ne parvient pas à lui faire remonter la paroi encore empreinte du soleil précédent.
Son envie d'échappatoire suit une courbe bien lisse lubrifiée par l'eau rageuse.
Vitesse du mouvement accéléré par la peur devant l'inconnu.
Ai-je vécu assez fort pour partir si vite ?
Ai-je mérité cet appel précipité ?
- Samir, ton vide se comble d'images gaies,
du film ravissant de vingt-six années insouciantes.
Samir, je te le demande : pense à toi.
Ai-je mérité cet appel précipité ?
- Samir, ton vide se comble d'images gaies,
du film ravissant de vingt-six années insouciantes.
Samir, je te le demande : pense à toi.
L'eau abondante embrouille les pleurs de Franck dont la voix s'étrangle des appels au secours.
« Franck ! Samir ! On rentre à l'abri. Où êtes vous ? », hurle Romi.
« Franck, tu es fou, que fais-tu là ? Donne-moi la main. Attrape mon bras. Viens m'aider Anabelle. Tire, tire.
Et Samir où est-il ? »
Franck désigne le vide, il crie « amir, amir, amir » agite sa main inutile, tentant d'attraper Samir en chute libre depuis qu'il a glissé, en bas. C'est loin le bas, vu d'en haut.
Vertige des sens brutalisés par les images de chute, de rebonds et du sol peuplé de cailloux, sur lesquels se fracassent le torrent d'eau de pluie violente, empruntant à son tour le toboggan naturel.
Usure du temps, la nature draine son chemin de vie partout où l'eau passe.
Ça s'est passé comme ça pour Samir (bertrand-môgendre)
bertrand-môgendre- Nombre de messages : 7526
Age : 104
Date d'inscription : 15/08/2007
Re: Samir (les enragés)
Comme je viens de le dire après ton texte sur l'ange Margot, tu as une sacrée écriture, B-M !
Re: Samir (les enragés)
Bravo, chapeau bas. Tout simplement....
ninananere- Nombre de messages : 1010
Age : 49
Localisation : A droite en haut des marches
Date d'inscription : 14/03/2007
Re: Samir (les enragés)
Je préfère quand il n'y a pas de dialogues ni d'insertions de parenthèses ou de ruptures diverses. je préfère quand tu livres un texte continu qui raconte une histoire avec un certain recul, sans apporter d'éléments actifs. Ceci n'est bien sûr qu'un goût personnel, mais il fait que j'ai moins apprécié ce texte des Enragés.
Je trouve également que le mélange de la tournure poétique de certaines phrases, parfois presque trop lyrique, ne colle pas vraiment avec ce ton mélodramatique que tu emploies pour nous raconter ces destins brisés. Je préfère la froideur et la sobriété.
Je trouve également que le mélange de la tournure poétique de certaines phrases, parfois presque trop lyrique, ne colle pas vraiment avec ce ton mélodramatique que tu emploies pour nous raconter ces destins brisés. Je préfère la froideur et la sobriété.
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Samir (les enragés)
J'ai lu la plupart de tes textes des enragés. Entre parenthèses, je ne m'explique pas vraiment pourquoi tu les regroupes sous cette appellation qui ne me semble pas la plus judicieuse. Ce n'est que mon avis :-)
J'aime bien ce texte-ci qui me semble plus sobre que certains autres portraits. Ici, tu exposes des faits et le drame se lit entre les lignes.
Pour la fin, je suis d'accord avec Sahkti, la forme dialoguée dénote un peu.
J'aime bien ce texte-ci qui me semble plus sobre que certains autres portraits. Ici, tu exposes des faits et le drame se lit entre les lignes.
Pour la fin, je suis d'accord avec Sahkti, la forme dialoguée dénote un peu.
Kilis- Nombre de messages : 6085
Age : 78
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Samir (les enragés)
C'est très bon, avec une poètique de plus en plus présente.
Je commence a refroidir cependant sur l'utilisation intensive des
structures, comme ce petit démarreur coincé là:
Universel, populaire. A toi de voir si c'est une qualité que tu recherches.
Je suis toujours fan, bien sûr, puisque je suis dans l'univers.
Amicalement,
Je commence a refroidir cependant sur l'utilisation intensive des
structures, comme ce petit démarreur coincé là:
Alors, oui à la mixité des textes, mais il va nous falloir se sortir les tripes pour trouver de nouvelles passerelles. Les déjà établies sont criantes, et tu le sais bien, c'est pour cela que tu as conclu ton texte sur un dialogue: pour rétablir un équilibre. En résultat, ton texte ne me parait plus parfaitement écrit, il me parait parfaitement écrit pour faire plaisir à tout le monde. C'est différent.
Son envie de retour en arrière ne parvient pas à lui faire remonter la paroi encore empreinte du soleil précédent.
Son envie d'échappatoire suit une courbe bien lisse lubrifiée par l'eau rageuse.
Universel, populaire. A toi de voir si c'est une qualité que tu recherches.
Je suis toujours fan, bien sûr, puisque je suis dans l'univers.
Amicalement,
Invité- Invité
Re: Samir (les enragés)
je ne sais que répondre à toutes vos remarques.
Le dialogue (kilis), oui, je vais tenter de l'éliminer. Pour moi c'était un moyen de revenir sur terre, mais si la gêne s'installe, je n'ai pas réussi.
Le petit démarreur qui coince provoquant une toux chez pandaworks : une manière pour moi d'enfoncer le clou lorsque tout espoir disparait.
La note poétique relevée par Sahkti : j'aime raconter les destinés du commun des mortels et, de peur de trop m'impliquer dans une impudeur de vieux voyeur, je m'extirpe du contexte (en un seul mot). Ma sensibilité à fleur de peau me submerge parfois brisant la froideur que je tente de garder.
Merci ninanère, merci mentor pour vos lectures.
Le dialogue (kilis), oui, je vais tenter de l'éliminer. Pour moi c'était un moyen de revenir sur terre, mais si la gêne s'installe, je n'ai pas réussi.
Le petit démarreur qui coince provoquant une toux chez pandaworks : une manière pour moi d'enfoncer le clou lorsque tout espoir disparait.
La note poétique relevée par Sahkti : j'aime raconter les destinés du commun des mortels et, de peur de trop m'impliquer dans une impudeur de vieux voyeur, je m'extirpe du contexte (en un seul mot). Ma sensibilité à fleur de peau me submerge parfois brisant la froideur que je tente de garder.
Merci ninanère, merci mentor pour vos lectures.
bertrand-môgendre- Nombre de messages : 7526
Age : 104
Date d'inscription : 15/08/2007
Re: Samir (les enragés)
Le dialogue ne m'a pas géné, le petit démarreur non plus.
Attention effectivement à ne pas faire trop "lyrique" sur certaines phrases.
j'ai beaucoup aimé la description de la montagne, l'ambiance ... L'histoire aussi m'a plu. Mais tout ceci reste très "noir" et je te préfère dans des notes moins dramatiques ;-)
Attention effectivement à ne pas faire trop "lyrique" sur certaines phrases.
j'ai beaucoup aimé la description de la montagne, l'ambiance ... L'histoire aussi m'a plu. Mais tout ceci reste très "noir" et je te préfère dans des notes moins dramatiques ;-)
Charles- Nombre de messages : 6288
Age : 49
Localisation : Hte Savoie - tophiv@hotmail.com
Date d'inscription : 13/12/2005
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