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Le regard des vaches rend les trains plus beaux

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Message  Raoulraoul Mar 17 Sep 2013 - 8:58

Le regard des vaches rend les trains plus beaux

Tout a tremblé sur la plage, un matin, dans le silence déjà brûlant.
C’était une apathie générale des corps, fondant sous le soleil. Chacun ensablé dans son absence ou livré à la morsure de l’air, celle qui n’autorise que des pensées molles, flottantes, éparpillées dans les granules de vent.
Puis une voix a crié, soudaine, brutale comme le jet d’une hache, créant une plaie dans ce bien-être paresseux. Les gens ont bougé leur regard. C’était déjà beaucoup. Moi-même, affalé, je me suis dressé sur les coudes.
Mais qui donc a crié si fort ? Qui a osé troubler le bord de mer, faisant la nique aux vaguelettes qui ce jour-là se déroulaient avec précaution, sans bruit, pareille à une crêpe moelleuse qui se déplie sur un rebord d’assiette ?
C’était un comble de bousculer ainsi notre repos en ce début de juillet.
Je l’ai vu celui qui a crié. D’abord ce n’était pas un cri. Une phrase plutôt. Une phrase constitué de cinq mots. Le plus insupportable avait été les mains mises en porte-voix par l’auteur de cette phrase, autour de sa bouche, afin que la phrase portât plus loin et atteignît son but.
L’auteur hurlant était un jeune homme. Dans l’immensité de la plage, il avait une cible précise. La phrase s’adressait à quelqu’un d’autre. Dans l’instant bref de cet éclat de voix je compris que la phrase visait un petit groupe de personnes installé sur le sable. Mais l’intensité de la lumière m’empêcha de distinguer les gens, réduits à leur silhouette de couleurs.
Après le choc de la surprise, celle de ce jeune homme brisant la torpeur quasi religieuse du farniente balnéaire, je suis parvenu à me concentrer sur la phrase, sa signification, l’agencement extraordinaire de chaque mot, produisant le miracle de l’unité de la phrase. Aucun artiste n’aurait pu faire mieux. Aucun philosophe, penseur, poète, n’aurait pu aussi brillamment avoir l’intuition imaginative d’une telle phrase. Pour moi, elle est devenue aphorisme, apophtegme. Je voulais la proclamer aussitôt à tous les vacanciers, écroulés sur la plage, dégoulinant dans leur crème solaire.  
« Avez-vous entendu ce jeune homme qui a hurlé sous le soleil ? Avez-vous réalisez le poids de ses cinq mots ? Ils construisent une phrase qui dorénavant vous empêchera de dormir ! Après cette phrase, rien ne sera plus comme avant ! Entendez-vous ? »
Je me voyais interroger tous les corps huileux sur les serviettes. La grand-mère qui ronfle, les couples d’amoureux, la ménagère, le boss, les retraités gaillards, les bellâtres, les solitaires amers, les jouisseurs de congés payés, les nymphettes aux seins nus, les ronchonneurs, les cruciverbistes, les homos, les cadres, les chefs de service, les glandeurs, les révolutionnaires soixante-huitard… Toute cette étrangeté mêlée, membrée, démembrée, sous les feux du cagnard, je me sentais la folie d’aller la provoquer pour une phrase imbécile de sagesse et de vérité, celle d’un inconnu, pourfendeur de calme sur le rivage sablonneux.   Mais de cette envie je n’en fis rien. Je la laissais filer cédant moi aussi à la torpeur sur ma serviette. Des questions seulement me taraudaient.
Pourquoi le jeune homme avait crier cette annonce ? Il ressemblait à n’importe quel jeune gens qui fréquentait ici la plage. Short de bain, le teint hâlé, cheveux noirs et sportif. Je me mis  à évaluer du regard la distance qui séparait le jeune homme du groupe de personnes auquel l’annonce s’adressait. Avec cette phrase, il était prévisible que chaque mètre qui allait rapprocher le garçon du groupe serait l’occasion d’une montée d’adrénaline. Jamais une attente ne sera vécue aussi intensément. J’ignorai la nature des personnes qui composaient le groupe, et accueilleraient l’arrivée du garçon. Des filles, des mecs, des femmes matures, des parents, de la famille, des potes ?... Ces gens n’étaient pas anodins pour le garçon, à en juger par cette précaution oratoire dont il ornait  son arrivée.
Quant aux trois derniers mots que comptait la phrase, ils me semblaient vertigineux. D’une banalité renversante, d’une évidence qui me plongeait dans des abysses de réflexion. Le jeune homme, lui-même, avait-il peser chacun d’eux ? Percevait-il l’engagement de sa personne, son image, la responsabilité que ce petit bout de phrase entraînait ?
Je découvris une fois de plus que les plus profondes pensées émergent de l’insouciance, de la frivolité et de l’ordinaire. La plage, le soleil, le sable, les vagues qui viennent mourir à vos pieds sans se faire remarquer. Ces trois petits mots à eux seuls suffisaient à me faire parcourir un pan de notre histoire, des Grecs à Descartes et même jusqu’à aujourd’hui, l’aporie cocasse de ces trois mots secouant sans répit l’identité de l’homme moderne. Moi-même. Et tout ceux qui ont entendu, avec moi, le jeune homme, sur les sables mouvants d’un bord de mer, projeter à la cantonade, une lapalissade si gigantesque, que désormais les dieux devront considérer autrement les mortels. A cet instant je regardais les nuages. Un amoncellement discret de cumulus lentement se constituait. Comme une réponse à la phrase assassine du garçon en short qui dérangeait le monde.
N’importe quel enquêteur ou limier aurait pisté le garçon pour connaître la conclusion de cette histoire. Mais une distraction sans raison me détourna du sujet. Mes yeux quittèrent  ce qui m’avait subjugué. Autant cette phrase clamée m’avait extrait brutalement de mon sommeil, autant subitement mon attention l’abandonna. Je sombrai dans une flânerie, cette paresse mentale inhérente à tous les lieux de vacances. J’ignorai si le garçon avait rejoint le groupe de ses amis. Dans quel état émotionnel s’était-il présenté aux destinataires de sa phrase. Le garçon, pour moi, s’était dissout dans la chaleur de l’été.
Ne me restait que la rumination d’un apophtegme, non élucidé. A quoi bon révéler cette broutille ? Je la considérais pourtant d’un intérêt universel, à classer au patrimoine des pensées mondiales ?
Toutefois c’était mon corps tout entier s’activant qui allait rendre manifeste cette phrase.
Je me levai alors et je vins ne sachant pas vers quoi. Je venais dans le sable, tel que j’étais. J’étais comme je suis, c’est-à-dire ne sachant pas comme j’étais. Sur le moment je n’avais pas conscience de vivre une phrase. Ce n’est qu’après l’avoir vécue, que je compris que j’incarnai cette phrase. Une phrase volée à un inconnu, sous le soleil, une phrase que je m’appropriais, sans payer de droits d’auteur. Mais moi, j’étais sans destination sur la plage, à la différence de l’auteur. Je me destinais alors cette phrase à moi-même, puisqu’on va toujours quelque part  et que nous sommes toujours comme on est.
Les jours suivants, au seuil de chaque porte qu’il me fallait franchir, la phrase me revenait. Elle me donnait courage et sous les yeux des femmes et des hommes, je portais le vêtement qui me ressemblait. Je n’avais aucune crainte d’imaginer un écart entre ma peau et les organes qu’elle renfermait. L’organe de ma pensée, les artères de mes émotions, la tripaille de mes songes. Comme le garçon sur la plage, je me voyais musclé, bronzé, dans un short de circonstance. Mes muscles étaient ceux de mon affirmation, le bronzage, la coloration sentimentale que j’attribuais à chacun de mes actes envers mes amis, car une fois le seuil franchi tout le monde devenait mes amis.
« Je viens comme je suis » je leur disais, c’est-à-dire avec rien, donc avec tout ce qui peut venir. La colère, la mort, la déception, qu’il me suffira d’empêcher pour qu’elle se transforme, se dissipe dans le sable des maisons, car chaque maison est une plage, sans mur, où nos gestes ont la fugacité de l’air, nos paroles le chant du vent, et nos intentions, comme la trace de nos pas avant que la vague ne les efface.
D’autres fois je suis revenu sur la plage. Je me suis allongé sur ma serviette à l’écoute des conversations. Dans la brise marine elles me parvenaient par bribes.
Une femme racontait ses déboires avec Pôle emploi. Une fillette réclamait à sa mère un cône Smarties à la vanille. Plus loin un groupe de garçons se moquait avec éclats de la dernière défaite du XV de France. Des familles arrivaient pour s’installer. Certaines avec des accents incompréhensibles formaient des sons qui heurtaient mon oreille inhospitalière. D’autres parlaient flamand, espagnol, belge… musique ou rhapsodie dont je connaissais l’air mais pas les notes. Hélas, de ces trains de paroles qui traversaient l’espace, aucune voiture aphoristique ne me transporta. Je restai ensablé sur ma serviette. Un doute me troubla. Fallait-il savoir écouter pour que la valeur du sens existe ?  Est-ce le regard de la vache qui rend le train plus beau ?
Dans les plis de ma serviette je m’embrouillai. Les baigneuses autour de moi étaient jolies. Les baigneurs aussi mais pour eux je n’étais pas disponible. Je rabaissai ma casquette et j’ouvris nonchalamment un livre. Le parasol jeta la plus bienfaisante des ombres sur mes pages. Le caquètement des juilletistes se poursuivait sans moi, entre leurs jeux de plage et mes jeux de mots.

**
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Message  Invité Mar 17 Sep 2013 - 17:41

Indécollable impression que le narrateur en fait trop comparé aux enjeux. Dans ma tête résonne plutôt le caqueté des juillettistes, après dé-sablage de la serviette en grands clacs ! Le suspens insoutenable de la première partie n'est pas très soutenable. Le silence des bigorneaux. Le floc des râteaux en plastique.

Tu l'auras compris; RaoulRaoul, l'intensité dramatique du tout m'échappe.



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Message  Invité Mar 17 Sep 2013 - 17:44

Il ressemblait à n’importe quel jeune gens qui fréquentait ici la plage

bizarre cette phrase.

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Message  Invité Mar 17 Sep 2013 - 18:12

est-il possible que le jeune homme ait simplement été inspiré par le Come as you are de Nirvana ? (repris de façon discutable comme slogan publicitaire par Mc Donald's).
https://www.youtube.com/watch?v=YqN0ZOEO9oI

sérieusement, un questionnement digne d'intérêt, qui prend son temps à se faire expressément jour, commence comme une anecdote et évolue en une problématique philosophique ; comme pour le texte précédent, je trouve que le texte s'étire, il met du temps à se délier, le coeur du sujet à se livrer - reflet du trouble du narrateur, ses propres réflexions, doutes et interrogations.

après, pour le détail, je réfléchis de mon côté si ceci :
"Fallait-il savoir écouter pour que la valeur du sens existe ?"
et cela : "Est-ce le regard de la vache qui rend le train plus beau ?"
posés en parallèle ont même valeur.

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Message  Raoulraoul Jeu 19 Sep 2013 - 8:32

Bien sûr Easter ces deux phrases ont même valeur, la phrase des vaches étant métaphorique. Ces deux phrases sont le véritable contenu de ce texte. Notre qualité et intensité d'écoute qui donne sens... "je viens comme je suis" bien sûr. Ce texte est tout à fait réel !
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Message  Invité Jeu 19 Sep 2013 - 10:01

Merci Raoulraoul de faire autant confiance à mon entendement.
Pour te montrer comme j'avais bien compris la métaphore, et l'importance essentielles de ces phrases,  je me permets cette citation, qui m'est venue en cours de première lecture et résume parfaitement l'intention du texte : "Beauty is in the eye of the beholder".

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Message  Invité Jeu 19 Sep 2013 - 10:10

autrement dit : "la beauté est dans l'oeil de celui qui voit/regarde/observe"

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Message  Invité Jeu 19 Sep 2013 - 14:40

Irruption nettement audible dans un paysage sonore atone, dans une ambiance de farniente. Irruption dérangeante et incongrue d'un émetteur que l'on perçoit tout d'un coup, et au message duquel le receveur, abasourdi cherche un sens.
J'ai bien aimé le texte, même si j'ai regretté certaines longueurs.

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Message  Ba Sam 21 Sep 2013 - 6:24

On retrouve " l'atmosphère " de ces plages familières mi-parkings, mi garages à ranger les vacanciers.
Pour ce qui est de l'interrogation sur la " beauté " que l’œil renvoie ou pas; à chacun de voir.
Je garde la " beauté des trains " et les vaches.
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Message  Pussicat Dim 22 Sep 2013 - 15:18

désolée Raoulraoul, je n'accroche pas à ce tricotage de plage qui s'étire, s'étire comme un après midi sans fin...
et je ne crois pas du tout à :
Raoulraoul a écrit:Après le choc de la surprise,...
"le choc de la surprise" ???
lecture laborieuse
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Message  Pussicat Dim 22 Sep 2013 - 15:25

Easter(Island) a écrit:
sérieusement, un questionnement digne d'intérêt, qui prend son temps à se faire expressément jour, commence comme une anecdote et évolue en une problématique philosophique ;
voilà, je suis passée à côté de ce "questionnement" à cause de la longueur du texte, ses circonvolutions, voulues sans doute.
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Message  Raoulraoul Jeu 26 Sep 2013 - 8:26

Oui cela commence par une anecdote, description d'un fait de plage avec ambiance... Puis une idée pointe son nez. Pas facile de hasarder une "idée" après le descriptif. Justement ce sont les anecdotes (du réel) qui provoquent les idées.
Il y a des lecteurs d'anecdotes et des lecteurs à l'affût de l'idée sous celle-ci...
Bien sûr il faut que je revois ce texte pour un dosage des genres. Merci
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Message  Louis Ven 27 Sep 2013 - 0:17

Cinq mots, entendus un matin sur une plage, bouleversants.

Cinq mots , une cognée sur le silence entaillé violemment, « comme le jet d’une hache »,  provoquent une blessure, « une plaie » ouverte dans le corps du « bien-être paresseux »,  forment un cri tranchant. Un cri fait de mots. Non des mots écrits sur le sable, mais des mots-cris dans la plage de sable, au bord de la mer silencieuse.  
Les mots criés émeuvent le narrateur, non par l'expressivité d'une peur, ou d'une angoisse, mais par leur signification, et par leur beauté.
Sur fond des sens alanguis, « une apathie générale des corps », et du sens défaillant, « des pensées molles, flottantes, éparpillées dans les granules de vent », un éclat, un coup de sens.

Les mots du cri ne paraissent pas décousus et sans lien, mais hors banalité des  propos communs ; ils composent une phrase, artistiquement, « agencement extraordinaire de chaque mot, produisant le miracle de l’unité de la phrase ».
Non seulement, la phrase paraît belle, d’une beauté convulsive dans un contexte de relâchement des corps et des esprits, mais aussi saturée de sens, perçue comme un « aphorisme » ou un « apophtegme ». En peu de mots, cinq mots, tant de choses paraissent être dites. Cinq mots concentrent en eux, dans leur agencement inouï, tant de pensées profondes. Ils suscitent chez le narrateur un enthousiasme qu'il voudrait communiquer aux autres estivants sur la plage, les mots proférés, criés, hurlés semblent si révolutionnaires, si bouleversants, « Après cette phrase, rien ne sera plus comme avant ! Entendez-vous ? »

Paradoxalement, les paroles proférées sont qualifiées de « banales » : « d’une banalité renversante, d’une évidence qui me plongeait dans des abysses de réflexion. » ; une «  lapalissade si gigantesque » !

Par cette profonde « banalité », tout est dit, non pas en deux mots, mais en trois. Les trois mots derniers du cri.
Quelle richesse de sens dans ce dire d'une parole impromptue, quelle profondeur dans ces « paroles à la cantonade » auxquelles on a prêté pour une fois attention !
Le narrateur se remplit de cette phrase. Le verbe se fait chair. Le corps prend le relais de la « rumination » intellectuelle. La phrase est alors vécue plutôt que pensée, « Je me levai alors et je vins ne sachant pas vers quoi. Je venais dans le sable, tel que j’étais. »

On comprend alors quelle est cette phrase étonnante au contenu si riche : « je viens comme je suis ».
Venir ainsi, comme « je » suis... et ces derniers mots : « comme je suis » avec le problème de son être, de son identité.... Il faudrait savoir ce que « je » suis, savoir qui je suis pour venir ainsi, pour se présenter dans son être authentique, sans altérité, sans aliénation, soi, le même, sans échappement à soi.
Mais le narrateur le reconnaît : il ignore ce qu'il est et qui il est. Cette ignorance ne l'écarte pas pourtant de ce qu'il est ; il est cette ignorance même : « J’étais comme je suis, c’est-à-dire ne sachant pas comme j’étais ».

Il ne cherche plus alors à paraître autre qu'il n'est, à donner aux autres une image valorisée de soi, non plus à se donner à lui-même une image de soi, l'image de celui qui sait, de celui qui se connaît. Il cherche à faire coïncider l'être et le paraître, « je portais le vêtement qui me ressemblait », sans crainte que «  sa peau » son être extérieur, visible pour les autres ne diffère de son être intérieur, de la chair et des organes de son intériorité, de toute sa subjectivité, « Je n’avais aucune crainte d’imaginer un écart entre ma peau et les organes qu’elle renfermait. L’organe de ma pensée, les artères de mes émotions, la tripaille de mes songes. ». Paraître ainsi ce que je suis ; être ce que je parais.
Le verbe s'est fait chair, et tout ainsi est organique, jusqu'à la pensée.
L'apophtegme est devenu précepte.

Le garçon qui a lancé la phrase à la cantonade : « je viens comme je suis »
a voulu dire une banalité : je viens tel que je suis habillé en cette heure, en ce jour, dans le paraître et la situation du moment, « Short de bain, le teint hâlé, cheveux noirs et sportif. », mais l'a formulée de telle sorte qu'elle peut être entendue dans une dimension philosophique et métaphysique. La phrase à signification événementielle est exprimée dans le langage de l'être, celui de l'ontologie, « comme je suis »...

Le narrateur, non seulement suit le précepte, le vit, mais s'identifie à son auteur, et se donne une intériorité, une consistance qui unifie l'être et le paraître, l'intérieur et l'extérieur : « Comme le garçon sur la plage, je me voyais musclé, bronzé, dans un short de circonstance. Mes muscles étaient ceux de mon affirmation, le bronzage, la coloration sentimentale que j’attribuais à chacun de mes actes envers mes amis »
Comme je suis... l'âme aussi bronzée que le corps.

Mais si l'être et le paraître ne font qu'un, l'être se dissout dans le paraître, toujours changeant, événementiel, ainsi l'être métaphysique, qui suppose identité à soi, immuabilité, permanence, n'est pas, n'est rien, « « Je viens comme je suis » je leur disais, c’est-à-dire avec rien », avec « tout ce qui peut venir », tout ce qui passe, tout ce qui s'en va, toute l'impermanence du vécu. Ce que je suis : ce qui vient, ce qui s'en va. Et  rien ne demeure, pas d'être, et toute demeure, toute maison n'est que plage, n'est que sable « où nos gestes ont la fugacité de l’air, nos paroles le chant du vent, et nos intentions, comme la trace de nos pas avant que la vague ne les efface. »

La plage estivale pour « juillettiste » serait-elle un lieu de sagesse, où les paroles les plus profondes et les plus belles peuvent surgir à l'improviste ? Serait-elle une école de vie ?
Le retour sur les lieux est décevant.
Un trouble naît,  « Un doute me troubla. Fallait-il savoir écouter pour que la valeur du sens existe ?  Est-ce le regard de la vache qui rend le train plus beau ? »
La richesse du sens n'est-elle pas dans l'écoute ? Comme la beauté est dans le regard ?
Mais ah, la vache ! Pourquoi ? La vache semble fascinée par les trains qui passent, mais a-t-elle le sens du beau ?!  La beauté est plutôt dans le regard de celui qui contemple la vache fascinée par le passage du train. Le train semble plus beau sous le regard de l'animal, pour l'homme. Ainsi « les trains de paroles qui traversaient l’espace » peuvent sembler plus beaux quand ils passent, non pour les estivants avachis, mais aux yeux de celui qui ne broute pas le sable, et qui est à l'affût  d'une mantique, maître d'un art de la clédonomancie.

Louis

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Le regard des vaches rend les trains plus beaux Empty re : Rectification par Louis

Message  Raoulraoul Mer 2 Oct 2013 - 17:03

Louis a écrit :
"La beauté est plutôt dans le regard de celui qui contemple la vache fascinée par le passage du train"
Cela veut dire qu'il me faudrait revoir la perspective de l'angle de vue de mon texte, car la remarque de Louis est totalement juste. Merci Louis pour la précision de ton commentaire. J'ai été un peu léger sur ce coup.

(S'il vous plaît pouvez-vous m'expliquer comment s'y prendre pour reporter une citation ? Après des tentatives j'ai échoué)
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Le regard des vaches rend les trains plus beaux Empty re : Pour Easter

Message  Raoulraoul Mer 2 Oct 2013 - 17:08

Easter aussi avait vu juste. J'aurais du déjà sentir venir mon pataquès rhétorique !
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Le regard des vaches rend les trains plus beaux Empty Re: Le regard des vaches rend les trains plus beaux

Message  Invité Mer 2 Oct 2013 - 17:37

Raoulraoul a écrit:
(S'il vous plaît pouvez-vous m'expliquer comment s'y prendre pour reporter une citation ? Après des tentatives j'ai échoué)
Raoulraoul, pour reporter une citation : à l'aide de la souris, copier le fragment à reporter, cliquer sur "citer" (première icône (en forme de bulle) du quatrième groupe dans la barre des tâches), coller le fragment entre les balises "quote" et "/quote" qui s'affichent alors ; ajouter éventuellement le nom de l'auteur dans "insérer".

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