Le Temps [Nouvelle]

Le Temps

Je reste accoudée au rebord de la fenêtre. Il grince, il craque, il est rongé par les mites. Mais mes yeux sont rivés vers une seule chose...
Quand je la regarde, j’oublie tout. J’oublie mes soucis, j’oublie ton départ, j’oublie le temps qui passe. Il a longuement coulé depuis, le temps. Durant combien d’années ? De mois ? De jours ? Je ne sais pas, je ne sais plus. J’ai cessé de compter. Depuis, combien de fois est arrivé l’été ? Combien de fois est arrivé l’automne ? Combien de fois est arrivé le printemps ? Combien de fois est arrivé l’hiver ? Je n’arriverais jamais à le dire. Tout ce que je sais, c’est que j’ai passé tout ces instants sur le rebord de cette fenêtre, les yeux rivés éternellement sur la même chose.




Le feu brûlait dans la cheminée, réchauffant toute la pièce. Un homme l’attisait parfois, l’empêchant de s’éteindre et le froid de pénétrer dans le salon. Ses cheveux ébène, avec quelques touches blanches minuscules semblait appartenir à la nuit et aux étoiles elles-même. Ses yeux noirs scrutaient les flammes rougeoyantes, réduisant à l’état de cendres les bûches de chêne si faibles face à la chaleur intense qui dégageait de la combustion. Sa fille chérie, assise sur le fauteuil près de l’âtre, s’amusait à jeter les pelures des clémentines qu’elle grignotait depuis un moment à l’intérieur des langues écarlates, ce qui diffusait une douce odeur acidulée dans le séjour. Ses cheveux noirs et bouclés lui tombaient sur les épaules joyeusement. Ses grands yeux obscurs qu’elle devait à son père semblaient vides. Elle ne regardait rien de particulier. Elle pensait...
Pensait à sa mère, encore à faire un interminable voyage. Pensait à son chat, blottit au milieu des coussins du canapé. Pensait aux lasagnes qui cuisaient dans la cuisine. Pensait à qui elle invitera pour la fête de ses sept ans. En fait, elle pensait à des choses tout à fait normales pour une fillette de son âge.
La petite aiguille de l’horloge avait déjà atteint les huit heures, et la grande dépassait le quatre. L’homme venait de la regarder, s’approcha de sa fille et lui murmura à l’oreille :
<< Il est l’heure de manger ma chérie... >>



Le feu était éteint. La pièce était froide, dans une quasi-obscurité, la seule lumière provenant d’une bougie sur la table et de la lueur de la lune, le chauffage était désactivé. Elle le préférait comme ça lorsque la maison était vide. Elle était assise sur le parquet usé, en tailleur. Elle caressait son chat qui se trouvait juste à coté d’elle, vautré dans une couverture du canapé. Elle s’approcha de la cheminée, plongeant sa main droite dans les cendres grisâtres, entortillant de la main gauche une des mèches de sa chevelure avec anxiété. Sa mère avait arrêté de voyager pour rester auprès de son père. Père si terriblement malade. Il était à l’hôpital à ce moment là, pour la énième fois depuis peu de temps. Ses longs cheveux noirs et bouclés lui tombaient sauvagement sur les reins. Ses grands yeux ténébreux regardaient la poussière cendrée, en pensant.
Pensait à son passé heureux, à son présent confus et à son futur flou. Pensait au temps qui passait. Pensait au temps qui rongeait peu à peu son père si âgé. Elle ne pensait pas aux choses habituelles d’une fille d’une douzaine d’années.
La petite et la grande aiguille de l’horloge avaient toutes deux dépassé le douze. Mais elle n’était pas fatiguée.




Je reste accoudée au rebord de la fenêtre. Il grince, il craque, il est rongé par les mites,. Mais mes yeux rouges, entourés de larmes salées, coulant tellement lentement le long de ma joue, sont rivés vers une seule chose, triste, désespérante et maudite. Mes yeux rouges, entourés de larmes salées, coulant tellement lentement le long de ma joue, sont rivés vers une seule chose, apparue à cause du Temps... ta tombe.

Comme sur l'autre forum, j'adore cet écrit.
Les mots sont bien choisis, très émouvant aussi comme texte.
Enfin tu sais déja ce que j'en pense.

J'aime surtout ces deux paragraphes :

Je reste accoudée au rebord de la fenêtre. Il grince, il craque, il est rongé par les mites. Mais mes yeux sont rivés vers une seule chose...
Quand je la regarde, j’oublie tout. J’oublie mes soucis, j’oublie ton départ, j’oublie le temps qui passe. Il a longuement coulé depuis, le temps. Durant combien d’années ? De mois ? De jours ? Je ne sais pas, je ne sais plus. J’ai cessé de compter. Depuis, combien de fois est arrivé l’été ? Combien de fois est arrivé l’automne ? Combien de fois est arrivé le printemps ? Combien de fois est arrivé l’hiver ? Je n’arriverais jamais à le dire. Tout ce que je sais, c’est que j’ai passé tout ces instants sur le rebord de cette fenêtre, les yeux rivés éternellement sur la même chose.


Je reste accoudée au rebord de la fenêtre. Il grince, il craque, il est rongé par les mites,. Mais mes yeux rouges, entourés de larmes salées, coulant tellement lentement le long de ma joue, sont rivés vers une seule chose, triste, désespérante et maudite. Mes yeux rouges, entourés de larmes salées, coulant tellement lentement le long de ma joue, sont rivés vers une seule chose, apparue à cause du Temps... ta tombe.

(je les adore!!!)

Merci Dinou !
Moi aussi, c'est mes paragraphes préférés. Il faut dire que ce sont un peu les "clés", les "supports" de ce texte. Sans eux, le reste ne vaut absolument rien.

Oui lol et puis la répétition est aussi très belle ca met en valeur le texte xD
et surtout que tu n'écris pas EXACTEMENT les mêmes mots. Tu changes un peu. Je trouve que ca met en valeur le texte

(aufaite ne fais pas la même erreur que moi il parait que c'est que 2 posts par semaine mais que si on veut en poster plusieurs faut le mettre sur le même topic

C'est mon style, les répétitions, Dinou. Tu devrais le savoir maintenant, non ? Et j'ai vu pour les deux histoires par semaine. Je vais mettre du temps pour toutes les mettre ici dans ce cas. Mais rien ne presse, j'ai encore toute la vie devant moi.
Par contre, je crois qu'il faudrait arrêter le HS, Dinou.

MoonD a écrit:Pensait à son passé heureux, à son présent confus et à son futur flou.

Joliiiiiiii !
Mais sans grande surprise, Dina nous avait prévenu :-)
Ma mère faisait griller les peaux d'oranges pour faire un apéritif maison, j'ai reconnu l'odeur.
Bon, les filles, je sens que ça va être difficile de démêler la part de vécu de celle de présenti et de celle du romantisme dans vos textes ! Mais ce qui est certain, c'est que ce sera un plaisir !

Merci mais tout ce que je fait est joli du compliment à tchaoum. Et tu dis que ce sera dur de démêler la part du vécu patati patata potatoes... C'est étonnant, surtout que là, c'est l'une de mes nouvelles purement fictives. Au départ, je l'avais écrit pour un concours à l'école, (concours annulé car j'étais l'une des seules participantes) et je n'avais aucune idée qui puisse convenir au sujet... le Temps. Je crois que c'est le texte qui m'a demandé le plus de travail parmi toutes mes nouvelles, et c'est aussi ma préférée.

Surprenant !!
Très très bien l'écho des premier et dernier paragraphe.

Deux petites remarques tâtillonnes :

Depuis, combien de fois est arrivé l’été ? Combien de fois est arrivé l’automne ? Combien de fois est arrivé le printemps ? Combien de fois est arrivé l’hiver ?

Est-il besoi nde faire totues les saisons ?

Père si terriblement malade. Il était à l’hôpital à ce moment là, pour la énième fois depuis peu de temps. Ses longs cheveux noirs et bouclés lui tombaient sauvagement sur les reins. Ses grands yeux ténébreux regardaient la poussière cendrée, en pensant.

Même si on comprend qu'on ne parle pas des cheveux du père, il serait peut-être bon de reformuler la phrase pour que ce soit absolument clair.

Ralalah Island... Tu as un talent pour faire des commentaires très constructifs, chose très agréable vu que j'en ai presque jamais eu depuis que j'écris.
Pour les quatre saisons, c'est dut au départ au fait que je tenais absolument à nommer ma nouvelle "Printemps, été, automne, hiver" (vous voyez le genre XD) et je n'ai pas modifié le texte après le changement de titre. Il est vrai que je pourrais arranger cela autrement. Je vais réfléchir à ta remarque.
Arg ! Je n'avais jamais vu l'erreur dans ta deuxième remarque auparavant ! Heureusement que tu la signales, sinon... ce serait resté comme cela pendant de longues années. Je vais reformuler ça quand j'aurai suffisamment de temps.

Quelques petits détails sans importance :
...j'ai passé tout (s) ces instants...
...ses cheveux semblait (-ent)...
...son chat, blottit (il me semble qu'il n'y a pas de t si, implicitement le verbe être est utilisé)...
...à coté (ô)...ce moment-là...

Réaction positive.
Ton histoire singulière, a le mérite d'être bien agencée. Ton écriture semble suspendue (répétitions constantes de mots forts pour toi : questionnement, pensée) une manière de hacher la lecture, comme si tu voulais retenir, un peu plus le temps, qui file.

Et bien Moon, je suis agréablement surprise par le potentiel de ton écriture, à douze ans, c'est prometteur. On pourrait reprocher à ce texte son romantisme un peu trop dilué, la volonté (qui se sent peut-être un brin trop fort) de vouloir à tout prix écrire un récit qui fleure bon la nostalgie et ces ambiances empreintes de passé et de mystère... mais, y a pas à dire, tu soignes le tout et ça sent le texte travaillé, bravo!