Histoires brèves III
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Histoires brèves III
Bertrand Cantat
Les histoires people, ça ne l’intéressait pas, mais elle était intriguée par celle de Bertrand Cantat et de Marie Trintignant.
Elle était chez le dentiste et elle feuilletait un magazine. Elle tomba sur un nouvel article. On y parlait de la famille et des proches de Marie Trintignant. Ils n’avaient jamais accepté Cantat. Lui, ce n’était qu’un chanteur. Il ne faisait pas partie du même monde que les comédiens, que les acteurs, que les gens de cinéma. Sur le tournage de Colette, ça avait été très dur.
Elle ne lut que le début de l’article et ferma les yeux. Le rejet, c’était donc ça le problème. Une partie du problème du moins. Elle savait bien qu’il y avait autre chose. L’alcool, sûrement. La drogue, peut-être. Et la jalousie. On ne tue pas parce qu’on est rejeté. Bien sûr. Elle se sentit néanmoins soulagée. Le rejet peut donc engendrer des choses terribles. Elle commença à accepter sa propre violence intérieure. Elle commença à pouvoir nommer ce qui l’atteignait, elle, profondément. Le rejet. Un simple mot. Pourquoi ne l’avait-elle pas formulé avant ? C’est pourtant ce qui lui arrivait depuis qu’elle avait épousé Philippe. Toute la famille qui les fuyait. Elle oscillait entre la colère et des explications qu’elle voulait rationnelles. C’était à cause de la vie moderne, les gens n’avaient pas le temps de les voir. Elle savait que c’était du déni de sa part. Cette tristesse et cette colère qui l’habitaient ne la trompaient pas pourtant. Et le mariage de Sophie. Ils n’avaient pas été invités. Sa mère lui a avait dit :
- Tu comprends, ça ne se fait pas d’inviter la femme et pas le mari… Et ils n’ont pas envie de voir Philippe. Tu comprendras sûrement…
Rien que d’y penser, elle sentit la rage remonter en elle.
La dentiste ouvrit la porte.
- C’est à vous… je suis désolée, je vous au fait attendre… je vois que vous étiez assoupie…
- Ne vous inquiétez pas… il n’y a pas de problème. Il y a de la lecture chez vous.
Mais elle regrettait de ne pas pouvoir finir son article sur Cantat. Peut-être qu’elle aurait appris autre chose. Et c’était sa dernière séance de soin.
Estime de soi
Quand elle allait à la Fnac, ou dans toute autre librairie, elle allait au rayon sciences humaines. Elle feuilletait les livres sur l’estime de soi. Comment s’aimer, comment aider vos enfants à avoir confiance, comment élever vos enfants. Elle feuilletait tout. Elle était devenue très forte pour lire en diagonale et trouver rapidement ce qui faisait l’essence d’un texte. Elle avait trouvé des exemples de choses à ne pas faire, à ne dire pas à ses enfants. « Tu es nul. Tu es un ou une incapable. Tu es stupide.»
Mais les mots de sa mère, jamais. Elle ne les avait jamais trouvés.
Elle avait envie d’écrire à un auteur, n’importe lequel :
« Monsieur, (ou Madame),
J’ai lu votre livre avec beaucoup d’intérêt. Néanmoins, vos exemples de paroles, qui peuvent blesser un enfant, manquent parfois d’originalité. Je voudrais vous proposer un exemple qui pourrait vous différencier de vos confrères. Voici la scène :
J’étais adolescente. Je me disputais avec ma mère. Ça nous arrivait souvent. Soudain, elle m’a dit :
- Tu es méchante.
- Non, ce n’est pas vrai.
- Si, tu es méchante !
- Non, je ne suis pas méchante, les gens me trouvent gentille en général…
Et ma mère a haussé les épaules.
- Tu n’es pas gentille, tu es timide !
Je ne me souviens pas de la suite, de ce que j’ai dit, de comment j’ai été les jours suivants. Il me suffit juste de me rappeler ses paroles pour me sentir mal, pour avoir l’impression d’être une pauvre conne. Je vous prie de m’excuser pour ce mot un peu cru, mais je n’en trouve pas d’autre.
En espérant que ma lettre vous aura été utile,
Veuillez agréer, Madame (ou Monsieur), l’expression de mes salutations distinguées. »
Folle ?
Dites-moi, est-ce que je suis folle ?
En fait, ce n’est pas la peine de me le dire. Je le sais. Je suis un peu folle. Un peu bizarre. Un peu particulière. Juste un peu. Rien de très grave.
J’habite un logement que j’ai obtenu avec le 1% patronal. Je ne veux surtout pas déménager. C’est une occasion en or. Pas cher du tout et tellement bien situé.
Seulement, certains jours, me vient l’envie de changer. Juste une envie, un rêve. Je sais que c’est totalement déraisonnable et que je ne le ferai jamais.
La première fois que je suis allée dans une agence immobilière, en prétendant que je voulais acheter un appartement, c’était juste pour voir comment était le marché. Et puis, j’ai trouvé ça très agréable de se retrouver dans un appartement vide et de pouvoir fantasmer. Je mettrais mon lit ici… Là, il y aura la table… J’ouvrirais la fenêtre au printemps pour entendre les oiseaux du parc… et la cuisine… tellement lumineuse… je serais contente d’y préparer les repas…
Depuis, régulièrement, je vais visiter des appartements ou même des maisons. Je fais croire que je désire acheter, que je suis très motivée pour ça, que c’est un peu urgent. Je visite trois quatre logements par agence, parfois plus. Et puis je change d’agence, j’ai peur d’être démasquée.
Alors, suis-je folle ? En tout cas, à chaque fois, je retrouve le même plaisir.
Les histoires people, ça ne l’intéressait pas, mais elle était intriguée par celle de Bertrand Cantat et de Marie Trintignant.
Elle était chez le dentiste et elle feuilletait un magazine. Elle tomba sur un nouvel article. On y parlait de la famille et des proches de Marie Trintignant. Ils n’avaient jamais accepté Cantat. Lui, ce n’était qu’un chanteur. Il ne faisait pas partie du même monde que les comédiens, que les acteurs, que les gens de cinéma. Sur le tournage de Colette, ça avait été très dur.
Elle ne lut que le début de l’article et ferma les yeux. Le rejet, c’était donc ça le problème. Une partie du problème du moins. Elle savait bien qu’il y avait autre chose. L’alcool, sûrement. La drogue, peut-être. Et la jalousie. On ne tue pas parce qu’on est rejeté. Bien sûr. Elle se sentit néanmoins soulagée. Le rejet peut donc engendrer des choses terribles. Elle commença à accepter sa propre violence intérieure. Elle commença à pouvoir nommer ce qui l’atteignait, elle, profondément. Le rejet. Un simple mot. Pourquoi ne l’avait-elle pas formulé avant ? C’est pourtant ce qui lui arrivait depuis qu’elle avait épousé Philippe. Toute la famille qui les fuyait. Elle oscillait entre la colère et des explications qu’elle voulait rationnelles. C’était à cause de la vie moderne, les gens n’avaient pas le temps de les voir. Elle savait que c’était du déni de sa part. Cette tristesse et cette colère qui l’habitaient ne la trompaient pas pourtant. Et le mariage de Sophie. Ils n’avaient pas été invités. Sa mère lui a avait dit :
- Tu comprends, ça ne se fait pas d’inviter la femme et pas le mari… Et ils n’ont pas envie de voir Philippe. Tu comprendras sûrement…
Rien que d’y penser, elle sentit la rage remonter en elle.
La dentiste ouvrit la porte.
- C’est à vous… je suis désolée, je vous au fait attendre… je vois que vous étiez assoupie…
- Ne vous inquiétez pas… il n’y a pas de problème. Il y a de la lecture chez vous.
Mais elle regrettait de ne pas pouvoir finir son article sur Cantat. Peut-être qu’elle aurait appris autre chose. Et c’était sa dernière séance de soin.
Estime de soi
Quand elle allait à la Fnac, ou dans toute autre librairie, elle allait au rayon sciences humaines. Elle feuilletait les livres sur l’estime de soi. Comment s’aimer, comment aider vos enfants à avoir confiance, comment élever vos enfants. Elle feuilletait tout. Elle était devenue très forte pour lire en diagonale et trouver rapidement ce qui faisait l’essence d’un texte. Elle avait trouvé des exemples de choses à ne pas faire, à ne dire pas à ses enfants. « Tu es nul. Tu es un ou une incapable. Tu es stupide.»
Mais les mots de sa mère, jamais. Elle ne les avait jamais trouvés.
Elle avait envie d’écrire à un auteur, n’importe lequel :
« Monsieur, (ou Madame),
J’ai lu votre livre avec beaucoup d’intérêt. Néanmoins, vos exemples de paroles, qui peuvent blesser un enfant, manquent parfois d’originalité. Je voudrais vous proposer un exemple qui pourrait vous différencier de vos confrères. Voici la scène :
J’étais adolescente. Je me disputais avec ma mère. Ça nous arrivait souvent. Soudain, elle m’a dit :
- Tu es méchante.
- Non, ce n’est pas vrai.
- Si, tu es méchante !
- Non, je ne suis pas méchante, les gens me trouvent gentille en général…
Et ma mère a haussé les épaules.
- Tu n’es pas gentille, tu es timide !
Je ne me souviens pas de la suite, de ce que j’ai dit, de comment j’ai été les jours suivants. Il me suffit juste de me rappeler ses paroles pour me sentir mal, pour avoir l’impression d’être une pauvre conne. Je vous prie de m’excuser pour ce mot un peu cru, mais je n’en trouve pas d’autre.
En espérant que ma lettre vous aura été utile,
Veuillez agréer, Madame (ou Monsieur), l’expression de mes salutations distinguées. »
Folle ?
Dites-moi, est-ce que je suis folle ?
En fait, ce n’est pas la peine de me le dire. Je le sais. Je suis un peu folle. Un peu bizarre. Un peu particulière. Juste un peu. Rien de très grave.
J’habite un logement que j’ai obtenu avec le 1% patronal. Je ne veux surtout pas déménager. C’est une occasion en or. Pas cher du tout et tellement bien situé.
Seulement, certains jours, me vient l’envie de changer. Juste une envie, un rêve. Je sais que c’est totalement déraisonnable et que je ne le ferai jamais.
La première fois que je suis allée dans une agence immobilière, en prétendant que je voulais acheter un appartement, c’était juste pour voir comment était le marché. Et puis, j’ai trouvé ça très agréable de se retrouver dans un appartement vide et de pouvoir fantasmer. Je mettrais mon lit ici… Là, il y aura la table… J’ouvrirais la fenêtre au printemps pour entendre les oiseaux du parc… et la cuisine… tellement lumineuse… je serais contente d’y préparer les repas…
Depuis, régulièrement, je vais visiter des appartements ou même des maisons. Je fais croire que je désire acheter, que je suis très motivée pour ça, que c’est un peu urgent. Je visite trois quatre logements par agence, parfois plus. Et puis je change d’agence, j’ai peur d’être démasquée.
Alors, suis-je folle ? En tout cas, à chaque fois, je retrouve le même plaisir.
Re: Histoires brèves III
j'ai beaucoup aimé ces histoires délicates et affirmées à la fois, qui tracent un moment avec sûreté et justesse. L'histoire sur Bertrand Cantat notamment m'a paru bien mieux menée que dans sa version précédente.
Mon histoire préférée est la dernière, avec un bémol sur l'insistance portée à la question ("Suis-je folle ?").
Mon histoire préférée est la dernière, avec un bémol sur l'insistance portée à la question ("Suis-je folle ?").
Invité- Invité
Re: Histoires brèves III
Beaucoup de plaisir à lire ces histoires, la deuxième et la dernière en particulier( je résiste toujours un peu à la saga Cantat, je n'arrive pas à dépasser le fait divers pour m'imprégner de la réflexion sur le rejet).
Dans la deuxième, on ressent bien, même après des années, la blessure de l'adolescente, toute l'amertume qu'elle traîne depuis cet échange avec sa mère. Le dernier récit m'a fait penser à L'empreinte de l'ange (le film, pas le roman), je ne trouve pas du tout que cette attitude soit un signe de folie, juste un besoin de changer d'air, de s'imaginer la vie autrement. Dans la dernière phrase, j'aurais bien entendu : Alors, je suis folle ? Sans inversement du sujet. Une affirmation déguisée, une semi question apporteraient peut-être quelque chose d'équivoque à la conclusion, pimenterait la phrase qui suit, un peu trop sage.
Dans la deuxième, on ressent bien, même après des années, la blessure de l'adolescente, toute l'amertume qu'elle traîne depuis cet échange avec sa mère. Le dernier récit m'a fait penser à L'empreinte de l'ange (le film, pas le roman), je ne trouve pas du tout que cette attitude soit un signe de folie, juste un besoin de changer d'air, de s'imaginer la vie autrement. Dans la dernière phrase, j'aurais bien entendu : Alors, je suis folle ? Sans inversement du sujet. Une affirmation déguisée, une semi question apporteraient peut-être quelque chose d'équivoque à la conclusion, pimenterait la phrase qui suit, un peu trop sage.
Invité- Invité
Re: Histoires brèves III
Anne, je trouve que tu affirmes de plus en plus ton talent ! Cette nouvelle version de Cantat m'a tout à fait convaincue, alors que je n'avais pas accroché à la première. J'aime beaucoup aussi la dernière : mais rassure-toi, c'est très fréquent, tous les agents immobilier le savent ! Chaque fois que je vais en vacances dans un coin qui me plait " j'achète " ainsi une maison, parfois deux, quand je n'arrive pas à choisir ( pour le même prix, je ne vais pas me priver !) Je partage l'avis de Socque sur l'insistance du "suis-je folle", j'aurais juste remis le mot "Folle" avec ?
La deuxième, (bien aussi) me laisse cependant un peu sur ma faim, sans que je puisse dire pourquoi : j'ai un sentiment de quelque chose resté en suspens...
Mais un réel bravo pour ces textes !
La deuxième, (bien aussi) me laisse cependant un peu sur ma faim, sans que je puisse dire pourquoi : j'ai un sentiment de quelque chose resté en suspens...
Mais un réel bravo pour ces textes !
Invité- Invité
Re: Histoires brèves III
Merci pour vos remarques très constructives qui me permettront de reprendre ces textes.
Finalement, je vois que j'ai bien fait de retravailler sur "Cantat". Je voulais la laisser de côté et puis j'ai fini par trouver comment je pouvais faire à la suite de toutes vos remarques.
C'est formidable quand même ce genre de forum ! Je trouve que ça permet vraiment la réécriture.
Finalement, je vois que j'ai bien fait de retravailler sur "Cantat". Je voulais la laisser de côté et puis j'ai fini par trouver comment je pouvais faire à la suite de toutes vos remarques.
C'est formidable quand même ce genre de forum ! Je trouve que ça permet vraiment la réécriture.
Re: Histoires brèves III
La blessure non refermée de l'adolescente, oui.
Le dialogue, non.
Je ne vois pas ce qui a pu la blesser dans ces mots bien mignons. J'en ai entendu d'autres, bien affreux, qui me poursuivent encore. Et, donc, je passe à côté.
Désolée, Anne. Mais cela touche à quelque chose que je n'ai pas digéré et il me manque le truc pour faire mouche. Bien envie d'écrire un petit texte pour te faire écho... mais pas le temps.
Le dialogue, non.
Je ne vois pas ce qui a pu la blesser dans ces mots bien mignons. J'en ai entendu d'autres, bien affreux, qui me poursuivent encore. Et, donc, je passe à côté.
Désolée, Anne. Mais cela touche à quelque chose que je n'ai pas digéré et il me manque le truc pour faire mouche. Bien envie d'écrire un petit texte pour te faire écho... mais pas le temps.
Lucy- Nombre de messages : 3411
Age : 47
Date d'inscription : 31/03/2008
Re: Histoires brèves III
Je rejoins les autres, c'est bon- et votre style s'affirme.
Quelques menues réticences:
-(...) Peut-être qu’elle aurait appris autre chose. Et c’était sa dernière séance de soin.
Pas tout à fait convaincu, stylistiquement.
- Quand elle allait à la Fnac, ou dans toute autre librairie, elle allait (allez, allez ?)
- Alors, suis-je folle ? En tout cas, à chaque fois, je retrouve le même plaisir.
Cette fin ne me comble pas non plus.
Quelques menues réticences:
-(...) Peut-être qu’elle aurait appris autre chose. Et c’était sa dernière séance de soin.
Pas tout à fait convaincu, stylistiquement.
- Quand elle allait à la Fnac, ou dans toute autre librairie, elle allait (allez, allez ?)
- Alors, suis-je folle ? En tout cas, à chaque fois, je retrouve le même plaisir.
Cette fin ne me comble pas non plus.
pierre-henri- Nombre de messages : 699
Age : 66
Localisation : Raiatea
Date d'inscription : 17/02/2008
Re: Histoires brèves III
J'aimais déjà beaucoup tes précédentes histoires brèves, Anne, mais cette dernière fournée (avec le nouveau Cantat) est un vrai régal. Tu sembles avoir vraiment trouvé ton style dans ce format, une maîtrise et une assurance qui te faisaient un peu défaut. Pourtant j'aimais aussi l'espèce de fragilité et le doute qui perçaient sous tes mots et qui me touchaient beaucoup dans tes premiers textes. L'idéal (à mon avis) serait que tu parviennes à garder un équilibre entre les deux.
Je me demande si je suis bien claire, là... En tout cas, j'en redemande!
Je me demande si je suis bien claire, là... En tout cas, j'en redemande!
Re: Histoires brèves III
cette lecture qui m'a captivée dès le départ et dieu sait que lire en diagonale je sais faire
tu peins notre mesquinerie à l'eau forte, c'est tellement vraisemblable que c'en est un peu déprimant, ce texte est éthologique
pas d'effets littéraires juste la pensée qui s'exprime, je trouve cela très fort et enviable
tu peins notre mesquinerie à l'eau forte, c'est tellement vraisemblable que c'en est un peu déprimant, ce texte est éthologique
pas d'effets littéraires juste la pensée qui s'exprime, je trouve cela très fort et enviable
Re: Histoires brèves III
Nouvellement inscrite je commence par lire ce qui se dit ici. Anne vos textes seront donc les premiers. Et ça commence bien il faut le dire. Trois textes d'instantanés, bien conduits qui attirent le lecteur dans ce qui est écrit et non dans le comment ils sont écrits. C'est pour ça que je vais me permettre de grogner un peu, non pas sur l'écriture mais sur le fond, parce que dans le premier texte vous réussissez à provoquer de la compassion : mais Zut alors, il a quand même tué une femme en la tabassant ce Cantat, non? Le porter ainsi sur le devant de la scène (pas seulement vous Anne, mais tous les médias)parce qu'il vient de ressortir le temps des cerises et une balade est à mon sens une manière de renier toutes les femmes qui sont victimes de compagnons violents. Sans parler de la famille Trintignant qui chaque fois qu'elle entendra le chanteur, se remémorera le deuil qu'ils doivent mener.
Ça fait du bien de le dire.
Et ne m'en voulez pas Anne, je crois que justement un texte devient bon quand il provoque débat sur son fond.
Ça fait du bien de le dire.
Et ne m'en voulez pas Anne, je crois que justement un texte devient bon quand il provoque débat sur son fond.
Roz-gingembre- Nombre de messages : 1044
Age : 62
Date d'inscription : 14/11/2008
Re: Histoires brèves III
Merci pour ces nouvelles remarques.
Non Eddy, je ne t’en veux pas (je ne vous en veux pas ? D’habitude, on se tutoie sur ce forum, là, je ne sais pas si je peux).
Je comprends ce que tu m’as écrit Arielle. Je suppose que tu fais référence aux textes sur l’écriture qui me sont plus personnels. Ces histoires là ne sont que des histoires et j’ai bien conscience de ne pas les écrire avec la même intention ni la même écriture.
J’ai repris ces trois textes avec vos remarques (le « suis-je » folle par exemple).
Je remets ici le texte « estime de soi » que j’ai complètement remanié à la suite des remarques de Lucie. Est-ce plus convainquant ? Moins ? Pareil ?
Estime de soi
Quand elle allait à la Fnac, ou dans toute autre librairie, elle se rendait au rayon sciences humaines. Elle feuilletait les livres sur l’estime de soi. Comment s’aimer, comment aider vos enfants à avoir confiance, comment élever vos enfants. Elle feuilletait tout. Elle était devenue très forte pour lire en diagonale et trouver rapidement ce qui faisait l’essence d’un texte. Elle avait trouvé des exemples de choses à ne pas faire, à ne dire pas à ses enfants. « Tu es nul. Tu es un ou une incapable. Tu es un idiot ou une idiote. »
Mais les mots de sa mère, jamais. Elle ne les avait jamais trouvés.
Elle avait envie d’écrire à un auteur, n’importe lequel :
« Monsieur, (ou Madame),
J’ai lu votre livre avec beaucoup d’intérêt. Néanmoins, vos exemples de paroles, qui peuvent blesser un enfant, manquent parfois d’originalité. Je voudrais vous proposer un exemple qui pourrait vous différencier de vos confrères. Voici la scène :
J’étais adolescente. Je me disputais avec ma mère. Ça nous arrivait souvent. Soudain, elle m’a dit que j’étais méchante. Evidemment, pour me dire ça, elle a fait sa bouche et ses yeux mauvais. Et il y avait beaucoup d’agressivité dans sa voix. Alors, je me suis défendue et j’ai répondu que les gens me trouvaient gentille. Elle a haussé les épaules. Elle a fait sa bouche et ses yeux encore plus mauvais. Avec un mépris parfait, elle m’a dit : « Tu n’es pas gentille, tu es timide ! ».
Peut-être allez-vous penser que ce n’est pas très grave, qu’il y a pire que ça, qu’il y a des parents qui traitent leur enfant de con ou de conne. Mais la phrase de ma mère était bien plus insidieuse. Elle m’avait fait comprendre que je n’étais pas une conne mais une pauvre conne. Sa phrase m’a touchée, profondément. J’ai douté de moi, encore plus qu’avant. Je ne savais plus qui j’étais. Elle m’avait collée une étiquette dont je n’arrivais pas à me défaire. Elle m’avait dit qui j’étais, comme si elle savait tout de moi. Tout ce que je pouvais dire me revenait en pleine figure. Gentille ? Même pas ! Juste timide. Pauvre fille !
Evidemment, cette phrase n’était pas isolée. Il y avait eu d’autres choses du même ordre. Mais c’est celle-là qui m’est restée.
En espérant que vous saurez utiliser cet exemple,
Je vous prie d'agréer, Monsieur (Madame), l'expression de mes salutations distinguées."
Non Eddy, je ne t’en veux pas (je ne vous en veux pas ? D’habitude, on se tutoie sur ce forum, là, je ne sais pas si je peux).
Je comprends ce que tu m’as écrit Arielle. Je suppose que tu fais référence aux textes sur l’écriture qui me sont plus personnels. Ces histoires là ne sont que des histoires et j’ai bien conscience de ne pas les écrire avec la même intention ni la même écriture.
J’ai repris ces trois textes avec vos remarques (le « suis-je » folle par exemple).
Je remets ici le texte « estime de soi » que j’ai complètement remanié à la suite des remarques de Lucie. Est-ce plus convainquant ? Moins ? Pareil ?
Estime de soi
Quand elle allait à la Fnac, ou dans toute autre librairie, elle se rendait au rayon sciences humaines. Elle feuilletait les livres sur l’estime de soi. Comment s’aimer, comment aider vos enfants à avoir confiance, comment élever vos enfants. Elle feuilletait tout. Elle était devenue très forte pour lire en diagonale et trouver rapidement ce qui faisait l’essence d’un texte. Elle avait trouvé des exemples de choses à ne pas faire, à ne dire pas à ses enfants. « Tu es nul. Tu es un ou une incapable. Tu es un idiot ou une idiote. »
Mais les mots de sa mère, jamais. Elle ne les avait jamais trouvés.
Elle avait envie d’écrire à un auteur, n’importe lequel :
« Monsieur, (ou Madame),
J’ai lu votre livre avec beaucoup d’intérêt. Néanmoins, vos exemples de paroles, qui peuvent blesser un enfant, manquent parfois d’originalité. Je voudrais vous proposer un exemple qui pourrait vous différencier de vos confrères. Voici la scène :
J’étais adolescente. Je me disputais avec ma mère. Ça nous arrivait souvent. Soudain, elle m’a dit que j’étais méchante. Evidemment, pour me dire ça, elle a fait sa bouche et ses yeux mauvais. Et il y avait beaucoup d’agressivité dans sa voix. Alors, je me suis défendue et j’ai répondu que les gens me trouvaient gentille. Elle a haussé les épaules. Elle a fait sa bouche et ses yeux encore plus mauvais. Avec un mépris parfait, elle m’a dit : « Tu n’es pas gentille, tu es timide ! ».
Peut-être allez-vous penser que ce n’est pas très grave, qu’il y a pire que ça, qu’il y a des parents qui traitent leur enfant de con ou de conne. Mais la phrase de ma mère était bien plus insidieuse. Elle m’avait fait comprendre que je n’étais pas une conne mais une pauvre conne. Sa phrase m’a touchée, profondément. J’ai douté de moi, encore plus qu’avant. Je ne savais plus qui j’étais. Elle m’avait collée une étiquette dont je n’arrivais pas à me défaire. Elle m’avait dit qui j’étais, comme si elle savait tout de moi. Tout ce que je pouvais dire me revenait en pleine figure. Gentille ? Même pas ! Juste timide. Pauvre fille !
Evidemment, cette phrase n’était pas isolée. Il y avait eu d’autres choses du même ordre. Mais c’est celle-là qui m’est restée.
En espérant que vous saurez utiliser cet exemple,
Je vous prie d'agréer, Monsieur (Madame), l'expression de mes salutations distinguées."
Re: Histoires brèves III
Estime de soi
... Elle était devenue très forte... experte ?
... de comment j’ai été les jours suivants... mal formulé. Pas de proposition.
Folle ?
... en prétendant ... prétextant ?
L'idée est bonne, bien amenée.
Dans l'ensemble, je trouve ton écriture, brève, sèche. Aucun jugement de ma part juste une impression.
... Elle était devenue très forte... experte ?
... de comment j’ai été les jours suivants... mal formulé. Pas de proposition.
Folle ?
... en prétendant ... prétextant ?
L'idée est bonne, bien amenée.
Dans l'ensemble, je trouve ton écriture, brève, sèche. Aucun jugement de ma part juste une impression.
bertrand-môgendre- Nombre de messages : 7526
Age : 104
Date d'inscription : 15/08/2007
Re: Histoires brèves III
(allait/rendait)
Sinon, je préfère la forme dialoguée...
"très forte" passe bien, pour moi, mieux que "experte".
Sinon, je préfère la forme dialoguée...
"très forte" passe bien, pour moi, mieux que "experte".
pierre-henri- Nombre de messages : 699
Age : 66
Localisation : Raiatea
Date d'inscription : 17/02/2008
Re: Histoires brèves III
j'aime surtout les chûtes des deux premier textes.
On a beau s'y attendre, elle sont quand même surprenantes. Comment tu as fait ça ?
Bravo
On a beau s'y attendre, elle sont quand même surprenantes. Comment tu as fait ça ?
Bravo
Re: Histoires brèves III
pierre-henri a écrit:(allait/rendait)
Sinon, je préfère la forme dialoguée...
"très forte" passe bien, pour moi, mieux que "experte".
Moi aussi je préfère quand c'est plus bref, plus concis. Mais je voudrais savoir si comme Lucie, vous avez trouvé que le dialogue paraissait bien gentil. En dehors de tout commentaire sur le texte ou sur l'écriture, je voudrais savoir ce que vous avez pensé de la phrase de la mère. Vous a-t-elle choquée ou vous a-t-elle semblé bien banale ?
Re: Histoires brèves III
Non, certainement pas banale. De toute façon si elle t'a marquée c'est qu'elle ne l'est pas. De la à poser un jugement sur l'intention tu comprendras que ce n'est pas vraiment facile. Je crois qu'on se trimbale tous des phrases comme ça, qui sous un habillage très banal sont chargées de non dit ou de trop dit qui font mal.
Pour ton texte je suis saisie par la différence entre son début et la partie épistolaire qui estompe un contenu douloureux soit, mais qui surtout contenait de la violence au départ. Une question de distanciation peut-être?
Pour ton texte je suis saisie par la différence entre son début et la partie épistolaire qui estompe un contenu douloureux soit, mais qui surtout contenait de la violence au départ. Une question de distanciation peut-être?
Roz-gingembre- Nombre de messages : 1044
Age : 62
Date d'inscription : 14/11/2008
Re: Histoires brèves III
Merci Eddy, ton commentaire m'éclaire bien.
Je profite que tu sois sur le forum pour te répondre tout de suite, en espérant que tu me liras. Je voulais te répondre aussi à propos de "Cantat". Ce que j'ai posté ici est la 3ème version, qui s'éloigne de ce que je voulais écrire au départ. Tes remarques m'ont donné des idées pour une 4ème version qui se rapproche de ce que je voulais au départ. Merci donc.
Je profite que tu sois sur le forum pour te répondre tout de suite, en espérant que tu me liras. Je voulais te répondre aussi à propos de "Cantat". Ce que j'ai posté ici est la 3ème version, qui s'éloigne de ce que je voulais écrire au départ. Tes remarques m'ont donné des idées pour une 4ème version qui se rapproche de ce que je voulais au départ. Merci donc.
Re: Histoires brèves III
J'espère que tu nous donneras cette version à lire.
Roz-gingembre- Nombre de messages : 1044
Age : 62
Date d'inscription : 14/11/2008
Re: Histoires brèves III
Anne a écrit :
Ne te focalise pas sur mon point de vue. C'est toi la conteuse !! ^^
Si cela t'as marqué, c'est okay. J'ai parlé de mon ressenti en tant que personne. J'aurais aimée m'entendre " simplement " dire que j'étais timide ( on me l'a dit, d'ailleurs. Cela m'a agacé, puis en est resté là ). Pour ton perso, c'est cette petite chose qui est devenue " son " mauvais souvenir, et c'est bien correct. Je comprends son ressenti négatif mais je ne peux pas entrer dedans. Voilà tout. Ceci dit, ça fonctionne du point de vue des autres lecteurs, donc c'est okay.pierre-henri a écrit:
(allait/rendait)
Sinon, je préfère la forme dialoguée...
"très forte" passe bien, pour moi, mieux que "experte".
Moi aussi je préfère quand c'est plus bref, plus concis. Mais je voudrais savoir si comme Lucie, vous avez trouvé que le dialogue paraissait bien gentil. En dehors de tout commentaire sur le texte ou sur l'écriture, je voudrais savoir ce que vous avez pensé de la phrase de la mère. Vous a-t-elle choquée ou vous a-t-elle semblé bien banale ?
Ne te focalise pas sur mon point de vue. C'est toi la conteuse !! ^^
Lucy- Nombre de messages : 3411
Age : 47
Date d'inscription : 31/03/2008
Re: Histoires brèves III
Anne Veillac a écrit:pierre-henri a écrit:(allait/rendait)
Sinon, je préfère la forme dialoguée...
"très forte" passe bien, pour moi, mieux que "experte".
Moi aussi je préfère quand c'est plus bref, plus concis. Mais je voudrais savoir si comme Lucie, vous avez trouvé que le dialogue paraissait bien gentil. En dehors de tout commentaire sur le texte ou sur l'écriture, je voudrais savoir ce que vous avez pensé de la phrase de la mère. Vous a-t-elle choquée ou vous a-t-elle semblé bien banale ?
Choqué en rien.
Vous avez choisi une écriture délibérément "à plat"- et c'est ce qui fait en grande partie sa force, notamment en raison d'un léger décalage entre le dit et le pensé (ou ce que vous donnez à penser au lecteur) . Cette écriture à plat, donc, donne l'impression de coller aux faits, bref, utilise un procédé d'effet de réel. Le danger est, bien sûr, la banalité. Vous y échappez ici sans difficulté. J'ai été, d'autres fois, plus hésitant.
Pardon si ma réponse est un peu confuse, j'en suis conscient, mais, plaide-je(!), ma journée a été longue et mes trois neurones restant sont en berne.
pierre-henri- Nombre de messages : 699
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Date d'inscription : 17/02/2008
Re: Histoires brèves III
Au fait, tout le monde semble d'accord pour préférer quand "c'est" plus bref, plus concis.
Euh...? On parle de ton travail, là, je pense. Auquel cas je m'associe. Sinon, pas nécessairement. (Moi-même, je donne plutôt- et en général, on fait ce qu'on aime, sans exclusive pour autant- dans le trop que dans le moins...)
Euh...? On parle de ton travail, là, je pense. Auquel cas je m'associe. Sinon, pas nécessairement. (Moi-même, je donne plutôt- et en général, on fait ce qu'on aime, sans exclusive pour autant- dans le trop que dans le moins...)
pierre-henri- Nombre de messages : 699
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Date d'inscription : 17/02/2008
Re: Histoires brèves III
Cantat
Ils sont dans la salle d’attente du dentiste, elle et lui. Ils ne se connaissent pas. Ils lisent, tous les deux. Lui, un roman. Elle, un magazine qui traînait sur la table. Il se demande qui a rendez-vous en premier, alors il engage la conversation :
- Excusez-moi, à quelle heure vous aviez…
- A 10 heures 30.
- Moi c’était 10 heures, je passe avant vous…
- Tant mieux… j’aurais le temps de lire mon article…
- Sur…? … Excusez-moi… je suis très indiscret...
- Non… non… ne vous inquiétez pas… C’est un article sur Cantat.
- Cantat ?
- Oui, vous savez, le chanteur de Noir Désir, celui qui a tué Marie Trintignant.
- Encore cette histoire !
- Mais là, c’est intéressant. On donne un autre éclairage à l’histoire. Bertrant Cantat n’a jamais pu rentrer dans le clan Trintignant… dans le clan de la famille et des amis. Lui, il n’était qu’un chanteur alors… Pour les autres, ce n’était pas pareil que d’être comédien ou acteur. Il était rejeté, vraiment. Méprisé. Sur le tournage de Colette, ça été très dur pour lui…
- Et alors ? Vous croyez que l’on a le droit de tuer parce que l’on est rejeté ?
- Non… bien sûr… mais c’est un élément supplémentaire.
- De toute façon… les médias écrivent n’importe quoi… depuis le début ils essaient de lui trouver une justification… il n’y a pas de justification… un meurtre est un meurtre… quand monsieur Lambda tue sa femme, on trouve ça scandaleux. Mais si c’est un homme connu, alors là… on lui trouve toutes les circonstances atténuantes… et les gens gobent ça ! Et la famille Trintignant… personne n’y pense quand il y a un nouvel article dans les journaux… leur douleur… Vous n’y pensez pas vous ?
- Si… si…
Elle ne se sent pas de répondre autre chose. Elle ne le peut pas.
La dentiste arrive à ce moment là :
- C’est à vous monsieur Limby.
Elle reste seule dans la salle d’attente à repenser à leur conversation et à ce qu’elle aurait dû répondre. Non ! Ce n’est pas une histoire lambda ! Ce n’est pas une simple histoire de violence conjugale comme il y en a malheureusement des tas. Cantat était un homme doux, sensible. Rien de cela n’aurait dû arriver. C’était une tragédie. Oui, voilà, le mot exact ! Une tragédie moderne… A la façon du théâtre ancien. Une vraie tragédie… et c’est pour ça que beaucoup de gens s’intéressent à cette histoire.
Il est allongé sur le siège de la dentiste, la bouche ouverte. Il repense lui aussi à leur conversation. Il a bien vu qu’il ne l’a pas convaincue. Dommage… Pourtant, c’était le bon sens ce qu’il a dit. Mais les gens sont tellement irrationnels parfois !
Estime de soi
Elles sont là, toutes les deux, à la terrasse d’un café. Elles se sont retrouvées il y a cinq minutes.
- Regarde ce que je viens d’acheter…
Elle sort un livre de son sac. Sa copine le prend dans ses mains.
- « L’estime de soi ou comment aider vos enfants » … Enceinte de cinq mois et tu achètes déjà ce genre de livre…
- Ben oui… comme ça, j’aurai le temps de le digérer.
Elles rient.
- Remarque… ce serait bien que tu me le prêtes… Bien que… ce que m’a dit un jour ma mère, je suis sûre de ne pas le trouver là dedans…
- Raconte…
- Mouai…
- Si… tu as commencé, tu termines…
- Ben… un jour, on se disputait… ça nous arrivait souvent quand j’étais adolescente… tu sais ce que c’est… elle m’a dit que je j’étais méchante… mais elle me l’a dit vraiment méchamment, avec ses yeux mauvais et tout et tout… elle me l’a balancé à la figure… je m’en souviens encore… alors, je lui ai répondu que ce n’était pas vrai, que les gens me trouvaient gentille…
- Tu n’as pas changé…
- T’es d’accord ? J’ai plein de défaut, mais je ne suis pas quelqu’un de méchant.
- Non, tu es même trop gentille…
- Non, je ne suis pas d’accord, on n’est jamais trop gentil… enfin bref ! Je continue mon histoire. Donc je dis à ma mère que les gens me trouvent gentille et là… tu sais ce qu’elle me répond avec ses yeux encore plus mauvais ? Elle me dit : « tu n’es pas gentille, tu es timide ! »
- Et alors ? Tu sais, moi, j’aurais bien aimé que ma mère me dise seulement ça, que j’étais timide… je te l’ai déjà dit… elle me traitait de conne, tout le temps…
- Mais là, c’était pareil… elle ne m’a pas traité directement de conne, mais je me suis sentie une pauvre conne… Et puis, elle ne m’a pas dit que j’était timide, ça c’est rien… elle m’a dit que je n’était même pas capable d’être gentille… que c’était une fausse gentillesse, juste de la timidité… c’est pas traiter sa fille de pauvre fille ça ? Ce jour là, elle m’a cassée… pas dans le sens où on l’emploie aujourd’hui… pire… j’étais comme cassée en deux…
- Attends… tu crois vraiment que c’est pire que d’être traitée de conne tout le temps !!?
- Non, pas pire… on ne va pas comparer nos mères…
- Non… bien sûr… Mais, on n’a rien de plus gai à se raconter… ça ne sert à rien de déterrer les vieilles histoires…
- T’as raison… Alors… tu commences à le sentir ton bébé dans ton ventre ? Il bouge ?
Ils sont dans la salle d’attente du dentiste, elle et lui. Ils ne se connaissent pas. Ils lisent, tous les deux. Lui, un roman. Elle, un magazine qui traînait sur la table. Il se demande qui a rendez-vous en premier, alors il engage la conversation :
- Excusez-moi, à quelle heure vous aviez…
- A 10 heures 30.
- Moi c’était 10 heures, je passe avant vous…
- Tant mieux… j’aurais le temps de lire mon article…
- Sur…? … Excusez-moi… je suis très indiscret...
- Non… non… ne vous inquiétez pas… C’est un article sur Cantat.
- Cantat ?
- Oui, vous savez, le chanteur de Noir Désir, celui qui a tué Marie Trintignant.
- Encore cette histoire !
- Mais là, c’est intéressant. On donne un autre éclairage à l’histoire. Bertrant Cantat n’a jamais pu rentrer dans le clan Trintignant… dans le clan de la famille et des amis. Lui, il n’était qu’un chanteur alors… Pour les autres, ce n’était pas pareil que d’être comédien ou acteur. Il était rejeté, vraiment. Méprisé. Sur le tournage de Colette, ça été très dur pour lui…
- Et alors ? Vous croyez que l’on a le droit de tuer parce que l’on est rejeté ?
- Non… bien sûr… mais c’est un élément supplémentaire.
- De toute façon… les médias écrivent n’importe quoi… depuis le début ils essaient de lui trouver une justification… il n’y a pas de justification… un meurtre est un meurtre… quand monsieur Lambda tue sa femme, on trouve ça scandaleux. Mais si c’est un homme connu, alors là… on lui trouve toutes les circonstances atténuantes… et les gens gobent ça ! Et la famille Trintignant… personne n’y pense quand il y a un nouvel article dans les journaux… leur douleur… Vous n’y pensez pas vous ?
- Si… si…
Elle ne se sent pas de répondre autre chose. Elle ne le peut pas.
La dentiste arrive à ce moment là :
- C’est à vous monsieur Limby.
Elle reste seule dans la salle d’attente à repenser à leur conversation et à ce qu’elle aurait dû répondre. Non ! Ce n’est pas une histoire lambda ! Ce n’est pas une simple histoire de violence conjugale comme il y en a malheureusement des tas. Cantat était un homme doux, sensible. Rien de cela n’aurait dû arriver. C’était une tragédie. Oui, voilà, le mot exact ! Une tragédie moderne… A la façon du théâtre ancien. Une vraie tragédie… et c’est pour ça que beaucoup de gens s’intéressent à cette histoire.
Il est allongé sur le siège de la dentiste, la bouche ouverte. Il repense lui aussi à leur conversation. Il a bien vu qu’il ne l’a pas convaincue. Dommage… Pourtant, c’était le bon sens ce qu’il a dit. Mais les gens sont tellement irrationnels parfois !
Estime de soi
Elles sont là, toutes les deux, à la terrasse d’un café. Elles se sont retrouvées il y a cinq minutes.
- Regarde ce que je viens d’acheter…
Elle sort un livre de son sac. Sa copine le prend dans ses mains.
- « L’estime de soi ou comment aider vos enfants » … Enceinte de cinq mois et tu achètes déjà ce genre de livre…
- Ben oui… comme ça, j’aurai le temps de le digérer.
Elles rient.
- Remarque… ce serait bien que tu me le prêtes… Bien que… ce que m’a dit un jour ma mère, je suis sûre de ne pas le trouver là dedans…
- Raconte…
- Mouai…
- Si… tu as commencé, tu termines…
- Ben… un jour, on se disputait… ça nous arrivait souvent quand j’étais adolescente… tu sais ce que c’est… elle m’a dit que je j’étais méchante… mais elle me l’a dit vraiment méchamment, avec ses yeux mauvais et tout et tout… elle me l’a balancé à la figure… je m’en souviens encore… alors, je lui ai répondu que ce n’était pas vrai, que les gens me trouvaient gentille…
- Tu n’as pas changé…
- T’es d’accord ? J’ai plein de défaut, mais je ne suis pas quelqu’un de méchant.
- Non, tu es même trop gentille…
- Non, je ne suis pas d’accord, on n’est jamais trop gentil… enfin bref ! Je continue mon histoire. Donc je dis à ma mère que les gens me trouvent gentille et là… tu sais ce qu’elle me répond avec ses yeux encore plus mauvais ? Elle me dit : « tu n’es pas gentille, tu es timide ! »
- Et alors ? Tu sais, moi, j’aurais bien aimé que ma mère me dise seulement ça, que j’étais timide… je te l’ai déjà dit… elle me traitait de conne, tout le temps…
- Mais là, c’était pareil… elle ne m’a pas traité directement de conne, mais je me suis sentie une pauvre conne… Et puis, elle ne m’a pas dit que j’était timide, ça c’est rien… elle m’a dit que je n’était même pas capable d’être gentille… que c’était une fausse gentillesse, juste de la timidité… c’est pas traiter sa fille de pauvre fille ça ? Ce jour là, elle m’a cassée… pas dans le sens où on l’emploie aujourd’hui… pire… j’étais comme cassée en deux…
- Attends… tu crois vraiment que c’est pire que d’être traitée de conne tout le temps !!?
- Non, pas pire… on ne va pas comparer nos mères…
- Non… bien sûr… Mais, on n’a rien de plus gai à se raconter… ça ne sert à rien de déterrer les vieilles histoires…
- T’as raison… Alors… tu commences à le sentir ton bébé dans ton ventre ? Il bouge ?
Re: Histoires brèves III
Je ne sais pas si vous allez repasser par ici, mais voici ce que vos commentaires m'ont inspiré. Je poste ces nouvelles versions avec la ferme intention de ne plus y toucher (mais je ne tiens pas toujours mes engagements...)
Re: Histoires brèves III
J'ai aimé cette proximité qui se dégage de ces fragments, cette sensation que ça me parle, que cela fait partie en quelque sorte de mon quotidien parce que de près ou de loin, ce sont des situations vécues et tu les décris avec pas mal de justesse.
Il me semble qu'au fil des textes, ton écriture mûrit, que tu la maîtrises davantage et arrives à mieux l'utiliser pour faire passer certaines émotions, toutes simples (et la simplicité n'est pas chose aisée!)
Tu arrives aussi, et ce n'est pas rien, à puiser dans les commentaires pour en retirer de quoi compléter, corriger, modifier, améliorer (au choix) tes textes de manière efficace. Bravo pour cela! Et pour tout le reste aussi :-)
Il me semble qu'au fil des textes, ton écriture mûrit, que tu la maîtrises davantage et arrives à mieux l'utiliser pour faire passer certaines émotions, toutes simples (et la simplicité n'est pas chose aisée!)
Tu arrives aussi, et ce n'est pas rien, à puiser dans les commentaires pour en retirer de quoi compléter, corriger, modifier, améliorer (au choix) tes textes de manière efficace. Bravo pour cela! Et pour tout le reste aussi :-)
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Histoires brèves III
Je lis toujours tes histoires brèves avec plaisir. Parfois me reste un goût de trop peu. Comme par exemple dans ce dernier texte, sur les visites d'appartement. Je veux dire, c'est un sujet en or pour qui voudrait en faire une nouvelle ou pourquoi pas un roman.
Kilis- Nombre de messages : 6085
Age : 78
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Histoires brèves III
Merci pour vos commentaires.
Pour te répondre Pili, en ce moment j'écris plein de petites histoires courtes. Si j'en faisais une nouvelle ou un roman, ce serait autre chose. Je me sens bien avec ce format court. Je ne sais pas si j'aurais assez de souffle pour un roman un jour.
Pour te répondre Pili, en ce moment j'écris plein de petites histoires courtes. Si j'en faisais une nouvelle ou un roman, ce serait autre chose. Je me sens bien avec ce format court. Je ne sais pas si j'aurais assez de souffle pour un roman un jour.
Re: Histoires brèves III
Cela viendra peut-être un jour, à force de bien maîtriser le court, tu auras envie de plus long. Mais rien ne presse, le court te va très bien, en effet !Anne Veillac a écrit:Je ne sais pas si j'aurais assez de souffle pour un roman un jour.
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
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