Le murmure des bergers (III) : Chap. 3, 4, 5
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Le murmure des bergers (III) : Chap. 3, 4, 5
Chapitre 3 : Le héros du jour
« Monsieur le maire, monsieur le maire ! C'est terrible ! » La voix venait de la porte principale embrasée d'un flot de soleil. Le maire identifia le timbre aigu de madame Bellemare, la concierge de l'hôtel de ville, avant que son opulente silhouette n'apparaisse en contre-jour. L'annonce tragique fut immédiatement relayée par la sirène des pompiers. Tous s'étaient retournés. Les enfants ne riaient plus. Un brouhaha grandissant s'efforçait de surmonter les hurlements de la sirène. Le maire escorté de son secrétaire fendit la foule pour rejoindre madame Bellemare prostrée au fond de la salle.
« Que se passe-t-il ? » La pauvre femme n'entendit pas la question couverte par la plainte mourante du centre de secours..
« C'est terrible ! »
« Mais parlez, bon sang ! »
« Un meurtre, dans la bibliothèque, un meurtre ! »
Le mot déclencha un sillage d'exclamations, le temps que les uns répètent aux autres.
« Comment ça, un meurtre ?. Vous voulez dire que quelqu'un a été tué ? »
« Vous savez, monsieur le maire » ironisa le secrétaire, « c'est souvent comme ça avec les meurtres... »
« Je sais, Brocquard, je sais ! »
« Le jeune Galichon, Hubert »,ajouta Madame Bellemare larmoyante.
s ' avisant de ce qu'en sa qualité d'élu il lui revenait de prendre une initiative, monsieur Patoureau se tourna vers l'assistance :
« Mes amis, il vient de se passer quelque chose de grave. La première chose à faire est de garder son calme. Je vous demande donc de conserver votre calme. Je vais de ce pas m'enquérir... »
Les conversations désormais allaient bon train, ponctuées de « quelle horreur ! - mon dieu ! - c'est pas possible ! » Un petit groupe s'était constitué autour de Basile Bertrand où dominait des remarques plus fatalistes : « Avec ce qui se passe en ce moment, ça devait arriver. » Et Bertrand de s'activer à reposer le problème « incontournable »de la sécurité dans la ville.
Lorsque le maire arriva à proximité de la bibliothèque, le véhicule des pompiers palpitait de son gyrophare. Devant lui les policiers s'engouffraient dans l'immeuble. Il se précipita à son tour dans les escaliers qui menaient deux étages plus haut. Montant les marches quatre à quatre, il distança non sans satisfaction le poussif secrétaire. Il allait avoir la primeur de l'information. Chez monsieur Patoureau la dimension dramatique d'un événement était source d'une grande excitation. C'est aussi pour cela qu'il avait souhaité être maire. Il préférait l'action au discours et s'était toujours montré efficace dans les situations justifiant une prise de décision rapide. Voilà pourquoi il admirait les pompiers. D'ailleurs ne se désignait-il pas souvent comme « le premier pompier de la ville ».
Lorsqu'il arriva dans la grande salle, Hubert Galichon était déjà sur un brancard. Penché sur lui, entre policiers et secouristes, un civil l'auscultait. À sa large tonsure couronnée d'un fer à cheval de cheveux blancs, le maire reconnut le docteur Sheppard.
« Ah, bonjour monsieur le maire ! » fit révérencieux le capitaine des pompiers.
« Que s'est-il passé ? »
« Ben, on sait pas trop » admit un policier, ajoutant, professionnel, que la victime avait une arme de sixième catégorie plantée dans la cuisse, juste au niveau de l'artère fémorale.
- « Une arme de sixième catégorie ? » interrogea le maire .
« Il veut dire un poignard ou un couteau » rectifia, essoufflé, Brocquard qui venait juste de le rejoindre.
« J'avais compris » rétorqua monsieur Patoureau non sans mauvaise foi.
« Il respire encore !» s'exclama le médecin. « Il a perdu beaucoup de sang, mais il respire. Vite, à l'hôpital ! Avec une injection, il devrait tenir le coup »
Précis et coordonnés, les pompiers soulevèrent la civière et d'un pas rapide emmenèrent le jeune homme.
« Eh bien, j'aime mieux ça. Vous voyez,Brocquard, c'est pas un meurtre »
« J'en suis ravi, monsieur le maire. N'empêche, ç'aurait pu. »
Dans la salle des archives, un policier s'affairait à prendre des mesures tandis que l'autre interrogeait les témoins.
« Ben, nous on n'a pas trop rien vu. Quand on est arrivé, il était parterre. Y bougeait plus. Sauf le sang qui coulait. »
« Alors, moi j'y ai fait un garrot pendant que le patron allait chercher les secours » ajouta le grand rougeaud en précisant que sa femme était infirmière.
« Monsieur, vous pouvez être fier et votre femme aussi. » pontifia le maire en s'avançant vers lui main tendue. « S'il s'en tire, ce garçon vous devra la vie. »
L'autre se laissa prendre la main que l'édile serra fermement en le regardant dans les yeux. Un flash illumina la pièce.
Ésope Galendon tenait sa photo ; il ne lui manquait plus qu'un titre pour la une de mercredi. « Tentative de meurtre à la bibliothèque ! » ça ferait pas mal ! Ou « Le héros de la salle des archives » ou bien les deux, sur cinq colonnes « Tentative de meurtre... » et sous la photo en première page « Le héros... »
« Bonjour, monsieur Galendon, toujours là au bon moment, n'est-ce pas ? »
Monsieur Patoureau n'aimait guère la presse, mais il appréciait les journalistes. Ils avaient comme lui le sens de l'action et de l'efficacité. En revanche, c'est lorsqu'ils reproduisaient ses discours qu'il les trouvait antipathiques. Rarement, il reconnaissait sa pensée.
« Bonjour, monsieur le maire, quelle histoire ! Accepteriez-vous de répondre à mes questions ? »
« Croyez-vous que ce soit le moment ? » objecta le secrétaire.
« C'est l'événement qui crée le moment, monsieur Brocquard » répliqua Galendon.
«Mais que faites-vous de la liberté de la presse, Brocquard, les gens ont le droit de savoir tout de même ! »
« Savoir quoi ? monsieur le maire, on ne sait rien nous-mêmes! »
« Mon cher Brocquard, ne croyez-vous pas qu'il serait temps de vous occuper de nos invités ? »
La question valait un ordre. Assurément, Broquard devenait indésirable. Il aurait bien insisté, mais tourna les talons après avoir salué d'un mouvement de tête un peu sec le journaliste, décoché un regard furieux vers le maire.
« Que voulez-vous savoir Monsieur Galendon ? »
« Eh bien ce qui s'est passé. »
Monsieur Patoureau se rendit compte qu'il n'avait pas grand-chose à dire. Après tout, Brocquard n'avait pas tort: on ne savait rien. Voilà ce qui était irritant avec lui, cette manière d'avoir toujours raison. Cependant, autant le maire détestait les discours, autant il savait répondre aux questions lorsqu'il n'avait rien à dire.
« Voyez-vous, ce qui me paraît particulièrement important dans cette affaire, c'est qu'il ne s'agit pas d'un meurtre ! »
« Peut-on parler d'une tentative alors ? »
« Une tentative... Mon cher, c'est là toute la question. Peut-on parler d'une tentative ? Pour ma part, je dirais que cela y ressemble, mais de là à l'affirmer, il y a un pas que je me garde bien de franchir. Seule l'enquête qui comme vous le voyez est d'ores et déjà en cours sera en mesure de le révéler »
Ésope s'aperçut qu'il n'en tirerait rien de plus. Il s'apprêtait à partir lorsqu'il remarqua, sur le sol à quelques mètres de l'échelle un vieux livre à la reliure endommagée. L'ouvrage était ouvert, face contre terre.
« Vous avez vu, monsieur le maire, on dirait que ce livre est tombé... » Il leva la tête. « D'ailleurs, il y a un vide sur la dernière étagère. »
Monsieur Patoureau suivit son regard .
« C'est un livre qui est tombé ! » confirma un policier.
« Vous permettez ? » Ésope ramassa l'objet dont il examina la couverture.
« Ça, c'est un incunable ou je ne m'y connais pas. Regardez, la couverture a été brûlée . »
Le livre était resté ouvert tel qu'il était tombé,. Galendon allait jeter un oeil sur le texte lorsqu'il fut interrompu par le policier.
« Faut pas toucher, c'est une pièce à conviction. Donnez-moi ça ! »
À regret, il donna le bouquin.
« Monsieur le maire, monsieur le maire ! C'est terrible ! » La voix venait de la porte principale embrasée d'un flot de soleil. Le maire identifia le timbre aigu de madame Bellemare, la concierge de l'hôtel de ville, avant que son opulente silhouette n'apparaisse en contre-jour. L'annonce tragique fut immédiatement relayée par la sirène des pompiers. Tous s'étaient retournés. Les enfants ne riaient plus. Un brouhaha grandissant s'efforçait de surmonter les hurlements de la sirène. Le maire escorté de son secrétaire fendit la foule pour rejoindre madame Bellemare prostrée au fond de la salle.
« Que se passe-t-il ? » La pauvre femme n'entendit pas la question couverte par la plainte mourante du centre de secours..
« C'est terrible ! »
« Mais parlez, bon sang ! »
« Un meurtre, dans la bibliothèque, un meurtre ! »
Le mot déclencha un sillage d'exclamations, le temps que les uns répètent aux autres.
« Comment ça, un meurtre ?. Vous voulez dire que quelqu'un a été tué ? »
« Vous savez, monsieur le maire » ironisa le secrétaire, « c'est souvent comme ça avec les meurtres... »
« Je sais, Brocquard, je sais ! »
« Le jeune Galichon, Hubert »,ajouta Madame Bellemare larmoyante.
s ' avisant de ce qu'en sa qualité d'élu il lui revenait de prendre une initiative, monsieur Patoureau se tourna vers l'assistance :
« Mes amis, il vient de se passer quelque chose de grave. La première chose à faire est de garder son calme. Je vous demande donc de conserver votre calme. Je vais de ce pas m'enquérir... »
Les conversations désormais allaient bon train, ponctuées de « quelle horreur ! - mon dieu ! - c'est pas possible ! » Un petit groupe s'était constitué autour de Basile Bertrand où dominait des remarques plus fatalistes : « Avec ce qui se passe en ce moment, ça devait arriver. » Et Bertrand de s'activer à reposer le problème « incontournable »de la sécurité dans la ville.
Lorsque le maire arriva à proximité de la bibliothèque, le véhicule des pompiers palpitait de son gyrophare. Devant lui les policiers s'engouffraient dans l'immeuble. Il se précipita à son tour dans les escaliers qui menaient deux étages plus haut. Montant les marches quatre à quatre, il distança non sans satisfaction le poussif secrétaire. Il allait avoir la primeur de l'information. Chez monsieur Patoureau la dimension dramatique d'un événement était source d'une grande excitation. C'est aussi pour cela qu'il avait souhaité être maire. Il préférait l'action au discours et s'était toujours montré efficace dans les situations justifiant une prise de décision rapide. Voilà pourquoi il admirait les pompiers. D'ailleurs ne se désignait-il pas souvent comme « le premier pompier de la ville ».
Lorsqu'il arriva dans la grande salle, Hubert Galichon était déjà sur un brancard. Penché sur lui, entre policiers et secouristes, un civil l'auscultait. À sa large tonsure couronnée d'un fer à cheval de cheveux blancs, le maire reconnut le docteur Sheppard.
« Ah, bonjour monsieur le maire ! » fit révérencieux le capitaine des pompiers.
« Que s'est-il passé ? »
« Ben, on sait pas trop » admit un policier, ajoutant, professionnel, que la victime avait une arme de sixième catégorie plantée dans la cuisse, juste au niveau de l'artère fémorale.
- « Une arme de sixième catégorie ? » interrogea le maire .
« Il veut dire un poignard ou un couteau » rectifia, essoufflé, Brocquard qui venait juste de le rejoindre.
« J'avais compris » rétorqua monsieur Patoureau non sans mauvaise foi.
« Il respire encore !» s'exclama le médecin. « Il a perdu beaucoup de sang, mais il respire. Vite, à l'hôpital ! Avec une injection, il devrait tenir le coup »
Précis et coordonnés, les pompiers soulevèrent la civière et d'un pas rapide emmenèrent le jeune homme.
« Eh bien, j'aime mieux ça. Vous voyez,Brocquard, c'est pas un meurtre »
« J'en suis ravi, monsieur le maire. N'empêche, ç'aurait pu. »
Dans la salle des archives, un policier s'affairait à prendre des mesures tandis que l'autre interrogeait les témoins.
« Ben, nous on n'a pas trop rien vu. Quand on est arrivé, il était parterre. Y bougeait plus. Sauf le sang qui coulait. »
« Alors, moi j'y ai fait un garrot pendant que le patron allait chercher les secours » ajouta le grand rougeaud en précisant que sa femme était infirmière.
« Monsieur, vous pouvez être fier et votre femme aussi. » pontifia le maire en s'avançant vers lui main tendue. « S'il s'en tire, ce garçon vous devra la vie. »
L'autre se laissa prendre la main que l'édile serra fermement en le regardant dans les yeux. Un flash illumina la pièce.
Ésope Galendon tenait sa photo ; il ne lui manquait plus qu'un titre pour la une de mercredi. « Tentative de meurtre à la bibliothèque ! » ça ferait pas mal ! Ou « Le héros de la salle des archives » ou bien les deux, sur cinq colonnes « Tentative de meurtre... » et sous la photo en première page « Le héros... »
« Bonjour, monsieur Galendon, toujours là au bon moment, n'est-ce pas ? »
Monsieur Patoureau n'aimait guère la presse, mais il appréciait les journalistes. Ils avaient comme lui le sens de l'action et de l'efficacité. En revanche, c'est lorsqu'ils reproduisaient ses discours qu'il les trouvait antipathiques. Rarement, il reconnaissait sa pensée.
« Bonjour, monsieur le maire, quelle histoire ! Accepteriez-vous de répondre à mes questions ? »
« Croyez-vous que ce soit le moment ? » objecta le secrétaire.
« C'est l'événement qui crée le moment, monsieur Brocquard » répliqua Galendon.
«Mais que faites-vous de la liberté de la presse, Brocquard, les gens ont le droit de savoir tout de même ! »
« Savoir quoi ? monsieur le maire, on ne sait rien nous-mêmes! »
« Mon cher Brocquard, ne croyez-vous pas qu'il serait temps de vous occuper de nos invités ? »
La question valait un ordre. Assurément, Broquard devenait indésirable. Il aurait bien insisté, mais tourna les talons après avoir salué d'un mouvement de tête un peu sec le journaliste, décoché un regard furieux vers le maire.
« Que voulez-vous savoir Monsieur Galendon ? »
« Eh bien ce qui s'est passé. »
Monsieur Patoureau se rendit compte qu'il n'avait pas grand-chose à dire. Après tout, Brocquard n'avait pas tort: on ne savait rien. Voilà ce qui était irritant avec lui, cette manière d'avoir toujours raison. Cependant, autant le maire détestait les discours, autant il savait répondre aux questions lorsqu'il n'avait rien à dire.
« Voyez-vous, ce qui me paraît particulièrement important dans cette affaire, c'est qu'il ne s'agit pas d'un meurtre ! »
« Peut-on parler d'une tentative alors ? »
« Une tentative... Mon cher, c'est là toute la question. Peut-on parler d'une tentative ? Pour ma part, je dirais que cela y ressemble, mais de là à l'affirmer, il y a un pas que je me garde bien de franchir. Seule l'enquête qui comme vous le voyez est d'ores et déjà en cours sera en mesure de le révéler »
Ésope s'aperçut qu'il n'en tirerait rien de plus. Il s'apprêtait à partir lorsqu'il remarqua, sur le sol à quelques mètres de l'échelle un vieux livre à la reliure endommagée. L'ouvrage était ouvert, face contre terre.
« Vous avez vu, monsieur le maire, on dirait que ce livre est tombé... » Il leva la tête. « D'ailleurs, il y a un vide sur la dernière étagère. »
Monsieur Patoureau suivit son regard .
« C'est un livre qui est tombé ! » confirma un policier.
« Vous permettez ? » Ésope ramassa l'objet dont il examina la couverture.
« Ça, c'est un incunable ou je ne m'y connais pas. Regardez, la couverture a été brûlée . »
Le livre était resté ouvert tel qu'il était tombé,. Galendon allait jeter un oeil sur le texte lorsqu'il fut interrompu par le policier.
« Faut pas toucher, c'est une pièce à conviction. Donnez-moi ça ! »
À regret, il donna le bouquin.
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Hellian- Nombre de messages : 1858
Age : 74
Localisation : Normandie
Date d'inscription : 14/02/2009
Re: Le murmure des bergers (III) : Chap. 3, 4, 5
Chapitre 4 : L'ordonnée madame Schaefer
« Au revoir, madame Schaefer, et encore merci ! »
« A votre service madame Champion, et si vous avez encore besoin, n'hésitez pas ! »
La porte de la maison Champion se referma derrière madame Schaefer. La soirée n'avait pas manqué d'animation chez les Champion. On avait surtout parlé de l'événement et l'on s'était fait peur. Basile Bertrand avait surtout parlé de l'insécurité qui maintenant gagnait même les petites villes de province. C'était une évidence, des mesures fermes « voire draconiennes comme aux Etats-Unis » , s'imposaient. Le modèle américain s'affirmait comme une référence «incontournable» Tolérance zéro ! le mot avait presque rassuré avec cette façon que l'avocat avait de faire siffler le zéro comme une lame de sabre. Puis il avait évoqué sa dernière affaire d'assises, à la cour deParis, l'histoire du tueur au démonte-pneu un salaud qui avait égorgé trois femmes dans le cinquième arrondissement à l'aide de cet outil. Les dames avaient poussé des cris et madame Schaefer qui servait le potage, ne pouvant réprimer un frisson, avait renversé la moitié de la louche sur la nappe. Ce voyant, Bertrand en avait rajouté, émettant l'hypothèse d'un tueur rôdant dans Belmont. Le maître de maison s'était appliqué à proposer une version plus terre à terre. Selon lui, le jeune Hubert Galichon s'était probablement infligé cette blessure dans l'intention de bénéficier de l'assurance-maladie. Madame Schaefer n'en croyait rien. Ce n'était pas le style des Galichon, des gens tout à fait bien chez lesquels elle avait eu l'occasion de faire le service à la communion d'hubert.
Songeant aux propos de Basile Bertrand, madame Schaefer pressa le pas. Et si c'était vrai, cette histoire de rôdeur ? Elle imagina, la suivant, un maniaque avec un démonte pneu et la brûlure du fer fourrageant dans sa gorge. La tiédeur de la nuit illuminée d'une lune splendide dissipa ses angoisses. Dans cinq minutes, elle serait chez elle.
Elle avait quitté le centre-ville et ses rues bourgeoises bordées de hautes maisons à encorbellement qui lançaient sous la lumière célène des ombres tarabiscotées sur le bitume argenté. Devant l'église Saint-Romain, elle ne put réfréner un petit signe de croix. L'étroite petite rue des sources l'avala pour la conduire vers les faubourgs. Sur le boulevard Leclerc, elle croisa un couple la main dans la main, lança un petit bonsoir pour susciter le son d'une voix humaine, s'était crue rassurée de la réponse timide de la femme ; c'est là pourtant qu'une irrépressible panique l'avait saisie. L'envie de courir pour franchir les quelques centaines de mètres la séparant de son domicile précipita son pas. Madame Schaefer vivait seule depuis le décès de son mari voilà dix ans. Elle s'était accommodée de cette solitude trouvant à la vie une saveur nouvelle qui ressemblait fort à celle de la liberté. La petite pension que lui servait la caisse de retraite de son cher défunt ne lui permettant pas de joindre les deux bouts, elle s'était décidée à faire des ménages. Sa conscience professionnelle toute de méticulosité et d'honnêteté lui avait permis d'accéder très vite aux meilleures maisons . On se la disputait. Aussi avait-elle pu sélectionner ses employeurs et hausser ses tarifs. Il se disait même que certaines patronnes en faisaient leur confidente. Employer madame Schaefer était un signe de distinction. Elle faisait des extras le soir, lors des réceptions du tout Belmont. D'habitude, son travail terminé, elle regagnait son domicile entre onze heures et minuit, savourant cette petite promenade nocturne. Il lui était même arrivé, certaines fois, de s'offrir le luxe de petits détours quand la nuit était chaude et claire. Elle n'était guère craintive. « À mon âge, qu'est-ce que vous voulez qu'il m'arrive ? » plaisantait-elle quand on lui faisait remarque de son imprudence à se promener en ville, à des minuits passés. Elle avait ainsi acquis une réputation de bravoure qui ajoutait à la liste de ses qualités. Une fois, l'année dernière, il lui avait bien semblé être suivie. Elle s'était retournée et avait aperçu la silhouette d'un homme. Accélérant l'allure, elle avait brusquement tourné dans une petite ruelle et, le cœur battant, s'était cachée dans la pénombre d'un porche. Là, elle avait attendu en comptant jusqu'à deux cents puis avait repris son chemin sans encombre. Plus tard, elle s'était finalement convaincue d'un passant attardé et s'en était voulue d'avoir céder à la frousse. Et, comme pour se corriger de ce manque de confiance, elle s'était remise à flâner de plus belle lors de ses retours tardifs.
Non, madame Schaefer n'était pas peureuse, mais ce soir-là n'était pas comme les autres. D'abord, il y avait eu cette horrible histoire du fils Galichon, un bon petit gars, sérieux, qui avait d'autres choses à faire que de se donner des coups de couteau dans la cuisse, surtout depuis qu'il fréquentait... Et puis, ce Bertrand avec ses histoires de tueur. Il s'en donnait des airs celui-ci, tout avocat qu'il était. Sûr que si elle en avait besoin d'un, ce n'est pas lui qu'elle irait voir, un qui défend des tueurs, avec un démonte pneu!
Encore quelques dizaines de mètres et elle introduirait la clé dans la serrure, s'engouffrerait chez elle. Alors, elle allumerait toutes les lumières, car s'il y a bien une chose qu'elle ne supportait pas depuis le décès de monsieur Schaefer, c'était de rentrer la nuit dans une maison toute noire. Elle regarderait dans tous les placards, sous le lit et quand elle se serait assurée de sa sécurité, elle se préparerait une bonne tisane pour le coucher.
Il lui restait à traverser le square Saint-Vincent ; de l'autre côté se trouvait sa maison. Les matins d'été, lorsqu'elle ouvrait les volets, elle se plaisait toujours à respirer l'odeur sucrée du chèvrefeuille dans les bosquets du square. C'était son jardin à elle, tout fleuri de roses dès les premiers jours de juin. Elle poussa la petite barrière de métal qui se referma d'elle-même avec ce bruit sec qu'elle connaissait si bien, laissa crisser sous ses pas le gravier de l'allée jusqu'à l'autre barrière qu'elle franchit prestement. Lorsque le second portillon se rabattit, il lui sembla que le gravier derrière elle crissait encore. Il n'y avait plus que la rue à traverser. Au moment où elle posa le pied sur son trottoir, le claquement métallique de la barrière de nouveau se fit entendre. Cette fois, c'était sûr, quelqu'un la suivait. Ne pas se retourner de peur de rendre réel ce qui n'était sans doute qu'une impression.
Vite, mes clefs, dans mon sac ! Elle fouille à l'aveugle, sent au bout de ses doigts son porte-monnaie, son étui à lunettes, des accessoires de maquillage, une boîte de pastilles pour la toux, un paquet de mouchoirs, autant de choses à maudire. Mes clés, mon Dieu, mes clefs ! . Est-ce sa respiration haletante qu'elle entend, ou bien... Elle farfouille derechef. Enfin, sous la pulpe de ses phalanges les bossellements familiers du trousseau ! Elle l'extirpe vivement, dégage la plus grande des clefs qu'elle veut enfoncer dans la serrure. Le métal heurte le bois. Elle répète le geste en un petit tambourinement , à croire que la serrure a disparu. Il lui faut tâtonner de la main gauche pour en situer le logement. Ah, le voici ! Elle introduit la clef en appuyant de tout son poids pour ouvrir, entrer d'un seul mouvement. L'autre ne se presse pas. Il sait la femme comme la proie au pied de la falaise. C'est lorsqu'elle presse son corps sur le battant en y accolant son bassin qu'il lui enfonce l'épée, juste au niveau de la cambrure entre les deux vertèbres que l'on nomme lombaires. La lame pénètre avec l'aisance de la dague qui foudroie les animaux dans l'arène pour s'arrêter dans le bois de la porte qu'elle perfore de deux centimètres. Ainsi finit madame Schaefer épinglée comme un papillon de nuit sous la pleine lune de ce beau mois de juin.
« Au revoir, madame Schaefer, et encore merci ! »
« A votre service madame Champion, et si vous avez encore besoin, n'hésitez pas ! »
La porte de la maison Champion se referma derrière madame Schaefer. La soirée n'avait pas manqué d'animation chez les Champion. On avait surtout parlé de l'événement et l'on s'était fait peur. Basile Bertrand avait surtout parlé de l'insécurité qui maintenant gagnait même les petites villes de province. C'était une évidence, des mesures fermes « voire draconiennes comme aux Etats-Unis » , s'imposaient. Le modèle américain s'affirmait comme une référence «incontournable» Tolérance zéro ! le mot avait presque rassuré avec cette façon que l'avocat avait de faire siffler le zéro comme une lame de sabre. Puis il avait évoqué sa dernière affaire d'assises, à la cour deParis, l'histoire du tueur au démonte-pneu un salaud qui avait égorgé trois femmes dans le cinquième arrondissement à l'aide de cet outil. Les dames avaient poussé des cris et madame Schaefer qui servait le potage, ne pouvant réprimer un frisson, avait renversé la moitié de la louche sur la nappe. Ce voyant, Bertrand en avait rajouté, émettant l'hypothèse d'un tueur rôdant dans Belmont. Le maître de maison s'était appliqué à proposer une version plus terre à terre. Selon lui, le jeune Hubert Galichon s'était probablement infligé cette blessure dans l'intention de bénéficier de l'assurance-maladie. Madame Schaefer n'en croyait rien. Ce n'était pas le style des Galichon, des gens tout à fait bien chez lesquels elle avait eu l'occasion de faire le service à la communion d'hubert.
Songeant aux propos de Basile Bertrand, madame Schaefer pressa le pas. Et si c'était vrai, cette histoire de rôdeur ? Elle imagina, la suivant, un maniaque avec un démonte pneu et la brûlure du fer fourrageant dans sa gorge. La tiédeur de la nuit illuminée d'une lune splendide dissipa ses angoisses. Dans cinq minutes, elle serait chez elle.
Elle avait quitté le centre-ville et ses rues bourgeoises bordées de hautes maisons à encorbellement qui lançaient sous la lumière célène des ombres tarabiscotées sur le bitume argenté. Devant l'église Saint-Romain, elle ne put réfréner un petit signe de croix. L'étroite petite rue des sources l'avala pour la conduire vers les faubourgs. Sur le boulevard Leclerc, elle croisa un couple la main dans la main, lança un petit bonsoir pour susciter le son d'une voix humaine, s'était crue rassurée de la réponse timide de la femme ; c'est là pourtant qu'une irrépressible panique l'avait saisie. L'envie de courir pour franchir les quelques centaines de mètres la séparant de son domicile précipita son pas. Madame Schaefer vivait seule depuis le décès de son mari voilà dix ans. Elle s'était accommodée de cette solitude trouvant à la vie une saveur nouvelle qui ressemblait fort à celle de la liberté. La petite pension que lui servait la caisse de retraite de son cher défunt ne lui permettant pas de joindre les deux bouts, elle s'était décidée à faire des ménages. Sa conscience professionnelle toute de méticulosité et d'honnêteté lui avait permis d'accéder très vite aux meilleures maisons . On se la disputait. Aussi avait-elle pu sélectionner ses employeurs et hausser ses tarifs. Il se disait même que certaines patronnes en faisaient leur confidente. Employer madame Schaefer était un signe de distinction. Elle faisait des extras le soir, lors des réceptions du tout Belmont. D'habitude, son travail terminé, elle regagnait son domicile entre onze heures et minuit, savourant cette petite promenade nocturne. Il lui était même arrivé, certaines fois, de s'offrir le luxe de petits détours quand la nuit était chaude et claire. Elle n'était guère craintive. « À mon âge, qu'est-ce que vous voulez qu'il m'arrive ? » plaisantait-elle quand on lui faisait remarque de son imprudence à se promener en ville, à des minuits passés. Elle avait ainsi acquis une réputation de bravoure qui ajoutait à la liste de ses qualités. Une fois, l'année dernière, il lui avait bien semblé être suivie. Elle s'était retournée et avait aperçu la silhouette d'un homme. Accélérant l'allure, elle avait brusquement tourné dans une petite ruelle et, le cœur battant, s'était cachée dans la pénombre d'un porche. Là, elle avait attendu en comptant jusqu'à deux cents puis avait repris son chemin sans encombre. Plus tard, elle s'était finalement convaincue d'un passant attardé et s'en était voulue d'avoir céder à la frousse. Et, comme pour se corriger de ce manque de confiance, elle s'était remise à flâner de plus belle lors de ses retours tardifs.
Non, madame Schaefer n'était pas peureuse, mais ce soir-là n'était pas comme les autres. D'abord, il y avait eu cette horrible histoire du fils Galichon, un bon petit gars, sérieux, qui avait d'autres choses à faire que de se donner des coups de couteau dans la cuisse, surtout depuis qu'il fréquentait... Et puis, ce Bertrand avec ses histoires de tueur. Il s'en donnait des airs celui-ci, tout avocat qu'il était. Sûr que si elle en avait besoin d'un, ce n'est pas lui qu'elle irait voir, un qui défend des tueurs, avec un démonte pneu!
Encore quelques dizaines de mètres et elle introduirait la clé dans la serrure, s'engouffrerait chez elle. Alors, elle allumerait toutes les lumières, car s'il y a bien une chose qu'elle ne supportait pas depuis le décès de monsieur Schaefer, c'était de rentrer la nuit dans une maison toute noire. Elle regarderait dans tous les placards, sous le lit et quand elle se serait assurée de sa sécurité, elle se préparerait une bonne tisane pour le coucher.
Il lui restait à traverser le square Saint-Vincent ; de l'autre côté se trouvait sa maison. Les matins d'été, lorsqu'elle ouvrait les volets, elle se plaisait toujours à respirer l'odeur sucrée du chèvrefeuille dans les bosquets du square. C'était son jardin à elle, tout fleuri de roses dès les premiers jours de juin. Elle poussa la petite barrière de métal qui se referma d'elle-même avec ce bruit sec qu'elle connaissait si bien, laissa crisser sous ses pas le gravier de l'allée jusqu'à l'autre barrière qu'elle franchit prestement. Lorsque le second portillon se rabattit, il lui sembla que le gravier derrière elle crissait encore. Il n'y avait plus que la rue à traverser. Au moment où elle posa le pied sur son trottoir, le claquement métallique de la barrière de nouveau se fit entendre. Cette fois, c'était sûr, quelqu'un la suivait. Ne pas se retourner de peur de rendre réel ce qui n'était sans doute qu'une impression.
Vite, mes clefs, dans mon sac ! Elle fouille à l'aveugle, sent au bout de ses doigts son porte-monnaie, son étui à lunettes, des accessoires de maquillage, une boîte de pastilles pour la toux, un paquet de mouchoirs, autant de choses à maudire. Mes clés, mon Dieu, mes clefs ! . Est-ce sa respiration haletante qu'elle entend, ou bien... Elle farfouille derechef. Enfin, sous la pulpe de ses phalanges les bossellements familiers du trousseau ! Elle l'extirpe vivement, dégage la plus grande des clefs qu'elle veut enfoncer dans la serrure. Le métal heurte le bois. Elle répète le geste en un petit tambourinement , à croire que la serrure a disparu. Il lui faut tâtonner de la main gauche pour en situer le logement. Ah, le voici ! Elle introduit la clef en appuyant de tout son poids pour ouvrir, entrer d'un seul mouvement. L'autre ne se presse pas. Il sait la femme comme la proie au pied de la falaise. C'est lorsqu'elle presse son corps sur le battant en y accolant son bassin qu'il lui enfonce l'épée, juste au niveau de la cambrure entre les deux vertèbres que l'on nomme lombaires. La lame pénètre avec l'aisance de la dague qui foudroie les animaux dans l'arène pour s'arrêter dans le bois de la porte qu'elle perfore de deux centimètres. Ainsi finit madame Schaefer épinglée comme un papillon de nuit sous la pleine lune de ce beau mois de juin.
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Hellian- Nombre de messages : 1858
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Localisation : Normandie
Date d'inscription : 14/02/2009
Re: Le murmure des bergers (III) : Chap. 3, 4, 5
chapitre 5 : Lulu
Il était dans une vaste bibliothèque et cherchait la sortie depuis des heures. Il n'y avait pas de porte, juste des fenêtres tout en haut des murs qui laissaient voir un morceau de ciel. Tantôt, le ciel se faisait bleu, tantôt gris ardoise. Il ne comprenait pas ces changements aussi rapides. Impossible d'ouvrir ces baies sans poignée. D'ailleurs, en auraient-elles eu, qu'il ne les eût pas atteintes. Trop petit. Il errait toujours à la recherche de la sortie de pièce en pièce. Dans les premières salles, des livres minuscules, étonnamment colorés dont la taille s’accroissait au fur et à mesure de sa progression. Maintenant, ils atteignaient sa hauteur, le dépassaient même. Un doute le saisit. N'était-ce pas lui qui rapetissait ? D'ailleurs, les salles étaient devenues immenses. Lorsqu'il levait la tête, c'est à peine s'il apercevait le plafond. Les fenêtres étaient encore plus inaccessibles. Devant lui, posé à même le sol un livre debout et fermé dont la couverture était garnie d’une serrure. -Voilà donc la sortie, se dit-il. Sur la poignée, il posa la main et entreprit d'ouvrir. Il dut mobiliser toutes ses forces pour entrebâiller la porte qui ne lui laissa qu'un étroit passage. Il allait parvenir à se faufiler entre les pages lorsqu'il entendit, venant du fin fond de la bibliothèque la sonnerie qui signalait la reprise du cours de latin. Il allait être en retard. De plus, il n'avait pas fait sa version. D’ailleurs il ne comprenait rien au latin. C’est toute la bibliothèque qui retentissait maintenant de la stridence de la cloche. Il lui fallait impérativement sortir, retrouver ses camarades. Les vibrations occupaient toute sa tête. C’était insupportable.
Ésope ouvrit un œil, puis l'autre. La mauve pâleur de l'aube repoussait les ténèbres de sa chambre. Sur son chevet, le téléphone obstiné répétait les mêmes notes. Il étendit le bras, fit tomber dans son lit une bouteille d'eau mal rebouchée, heurta divers objets qu'il renversa avant de poser la main sur le combiné.
« Ésope , c'est Raymond, du commissariat ! »
« Raymond ? Mais qu'est-ce qui se passe ? »
Ésope avait la voix rauque, comme à chaque fois qu'il avait trop fumé.
« Tu m'avais demandé de te prévenir s'il y avait un gros truc... »
« Ouais, s’qui s’passe ? »
« Ben, là, il y a un gros truc ! »
« Raconte ! »
« Tu connaissais la mère Schaefer ? »
« Celle qui fait des ménages chez les bourges de Belmont ? »
« Ouais, ben-là, c'est elle qu'a été nettoyée, elle fera plus de ménage. »
Ésope dont les fesses baignaient dans l'eau se réveilla complètement.
« Quoi ! Tu veux dire que... »
« Magne toi, si tu veux être le premier sur le coup. Bon, moi je raccroche, il y a le commissaire qui arrive. »
Rejetant les couvertures, d'un bond il bondit hors du lit, enfila jean et polo, saisit son appareil photo, renversa deux chaises sur son passage et jaillit dehors. Dans sa voiture, il s’aperçut qu'il ne savait pas où aller. Bien qu'il connût beaucoup de monde à Belmont, madame Schaefer n'avait jamais été de ses intimes et il ignorait où elle habitait. Dans le lointain, l'avertisseur d'une ambulance retint son attention. Il se guiderait à l'oreille. Avec ses douze mille habitants, Belmont n'avait rien d'une métropole. Il en aurait vite fait le tour, et ce serait bien la guigne s'il ne retrouvait pas l'ambulance.
Il ne lui fallut guère plus de cinq minutes pour gagner les lieux du drame. De l'autre côté du square Saint-Vincent, un attroupement barrait la chaussée, des femmes en robe de chambre et savates, des hommes en chaussons et pyjama. A proximité de l'ambulance s’affairaient brancardiers et policiers autour de ce qui devait être un corps allongé sous un imperméable. Un agent s'évertuait à expliquer aux badauds qui ne voulaient pas le croire qu'il n'y avait rien à voir et que le mieux serait sans doute de circuler. D'évidence, il manquait de persuasion car dans la rue portes et volets ne cessaient de s'ouvrir. Il se fraya un passage à coup de « pardon » , montrant ostensiblement son appareil photo. Non loin du corps se tenaient trois hommes . Il reconnut le maire qu'un réveil matinal avait privé de rasage. À côté, le commissaire ventre en avant sous une chemise mal boutonnée, donnait du « Monsieur le procureur » au troisième. Monsieur Patoureau silencieux regardait d'un air consterné la forme allongée.
« C'est terrible, monsieur le maire ! »
« Oui, et je vais devoir encore faire un discours... »
« Sait-on ce qui s'est passé ? »
« Cette fois, monsieur Galendon, c'est grave, très grave. Ce n'est plus une tentative. »
« Comment est-elle morte ? »
À coté d'eux, un homme d'une soixantaine d'années sous sa casquette parvenait difficilement à maîtriser son chien que le sang abondamment répandu sur le trottoir attirait.
« C'est ce monsieur qui a découvert le corps de cette pauvre madame Schaefer. »
L'homme devança la question qu’Ésope s’apprêtait à lui poser
« Je faisais ma petite promenade avec Lulu, comme tous les matins. Tiens, que j'ai dit à Lulu, on va passer par le square. Vous comprenez, Lulu, elle aime bien les plates-bandes pour ses besoins. Et puis, sauf votre respect, monsieur le maire, pour les roses ça fait comme qui dirait de l'engrais. Alors, Lulu, elle était pas comme d'habitude. Quant elle a eu fini, elle s'est mise à aboyer, et elle a tiré sur sa laisse. Je m'ai dit « tiens, c'est bizarre, elle est pas comme d'habitude ! ». Alors, j'ai été par où qu'elle tirait. Quand on est arrivé dans la rue à madame Schaefer, je m'ai dit « tiens, c'est bizarre, il y a madame Schaefer, elle est collée à sa porte ! ». Alors, je m'ai approché, et là ça m'a fait drôle. Ah oui alors, pour faire drôle ça m'a fait drôle. »
L'homme marqua un moment d'émotion. Il tira de sa poche un long mouchoir à carreaux bleus, racla sa gorge, porta le mouchoir à sa bouche et cracha avec application. Il replia le mouchoir comme autour d’un objet précieux, le remit dans sa poche avant de continuer.
- C'est que je la connaissais bien, moi, madame Schaefer. Son mari aussi, je le connaissais bien. Paul qu'il s'appelait. Je lui disais toujours : « Paul, tu sais pas la chance que t'as d'avoir une femme comme ça. ».
Ésope avait du mal à contenir son impatience. Alors que son maître parlait, le chien était parvenu à distendre sa laisse et léchait le sang à peine coagulé que l'ordonnée madame Schaefer avait laissé couler sur son trottoir habituellement impeccable.
« C'est pas pour dire, mais j'aurais jamais cru qu'elle finirait comme ça. »
À nouveau, l'homme racla sa gorge, porta sa main à sa poche pour saisir son mouchoir. N'y tenant plus, Ésope voulut l'interrompre.
« Qu'est-ce que vous avez vu ? »
Mais le bonhomme ne se laissa pas démonter, et refit le même geste avec autant d’application, déplia son mouchoir dans lequel il chercha un endroit propre pour y déposer consciencieusement le produit de sa nouvelle expectoration. Le mouchoir replié retrouva la poche.
« Eh ben, c'était pas joli joli ce que j'ai vu. En fait, c'était pas collé qu'elle était madame Schaefer, c'était clouée à sa porte, même que c'est moi qui lui avais repeinte. Si j'aurais su... Faut pas être humain pour faire des choses comme ça. »
« Elle avait une épée plantée dans le dos. Transpercée de part en part. L'arme était restée fichée dans la porte. L'assassin n'a pas dû pouvoir la retirer. »
La précision venait du maire.
« Alors, moi j'y ai dit : « bougez pas, madame Schaefer, on va vous tirer de là. » Alors, elle a pas bougé vu qu'elle était déjà morte, à ce qu'ont dit que les pompiers. Pourtant, moi, je suis sûr qu'elle était encore vivante. »
« Qu'est-ce qui vous fait dire ça ? »
« C'est Lulu, elle arrêtait pas d'aboyer. D'ailleurs, elle avait quelque chose dans la main, madame Schaefer... »
Ésope et le maire fixèrent leur interlocuteur avec une attention redoublée. Ensemble, ils interrogèrent :
« Quoi donc ? »
« Ben, un drôle de truc. Ça ressemblait, comme qui dirait, à une grosse ficelle. Mais c'était pas vraiment une ficelle. »
L'homme marqua un temps. On le sentait un peu gêné. Il continua :
« Ça n'a pas été facile d'y retirer »
« Comment ça ? »
« Ben oui, j'y ai retiré. Vous savez, ça peut toujours servir. »
« Mais alors, vous avez conservé ce bout de ficelle ? »
Ésope avait formulé la question avec précaution . Il sentait qu'il ne fallait pas effrayer le brave homme qui, soudain se sentait fautif.
« Ben oui... Peut-être y fallait pas ? »
« Mon cher monsieur, ajouta le maire, savez-vous que vous détenez probablement là un élément déterminant de l'enquête ? »
Manifestement, l'homme hésitait entre la fierté et la culpabilité. Il porta la main à sa poche, du côté du mouchoir, et sortit à regret, un bout de cordon.
« Tiens, là v'la, la ficelle. »
Ésope et le maire esquissèrent un pas en arrière. L’autre resta la main tendue avec le cordon qui pendait.
( A suivre)
Il était dans une vaste bibliothèque et cherchait la sortie depuis des heures. Il n'y avait pas de porte, juste des fenêtres tout en haut des murs qui laissaient voir un morceau de ciel. Tantôt, le ciel se faisait bleu, tantôt gris ardoise. Il ne comprenait pas ces changements aussi rapides. Impossible d'ouvrir ces baies sans poignée. D'ailleurs, en auraient-elles eu, qu'il ne les eût pas atteintes. Trop petit. Il errait toujours à la recherche de la sortie de pièce en pièce. Dans les premières salles, des livres minuscules, étonnamment colorés dont la taille s’accroissait au fur et à mesure de sa progression. Maintenant, ils atteignaient sa hauteur, le dépassaient même. Un doute le saisit. N'était-ce pas lui qui rapetissait ? D'ailleurs, les salles étaient devenues immenses. Lorsqu'il levait la tête, c'est à peine s'il apercevait le plafond. Les fenêtres étaient encore plus inaccessibles. Devant lui, posé à même le sol un livre debout et fermé dont la couverture était garnie d’une serrure. -Voilà donc la sortie, se dit-il. Sur la poignée, il posa la main et entreprit d'ouvrir. Il dut mobiliser toutes ses forces pour entrebâiller la porte qui ne lui laissa qu'un étroit passage. Il allait parvenir à se faufiler entre les pages lorsqu'il entendit, venant du fin fond de la bibliothèque la sonnerie qui signalait la reprise du cours de latin. Il allait être en retard. De plus, il n'avait pas fait sa version. D’ailleurs il ne comprenait rien au latin. C’est toute la bibliothèque qui retentissait maintenant de la stridence de la cloche. Il lui fallait impérativement sortir, retrouver ses camarades. Les vibrations occupaient toute sa tête. C’était insupportable.
Ésope ouvrit un œil, puis l'autre. La mauve pâleur de l'aube repoussait les ténèbres de sa chambre. Sur son chevet, le téléphone obstiné répétait les mêmes notes. Il étendit le bras, fit tomber dans son lit une bouteille d'eau mal rebouchée, heurta divers objets qu'il renversa avant de poser la main sur le combiné.
« Ésope , c'est Raymond, du commissariat ! »
« Raymond ? Mais qu'est-ce qui se passe ? »
Ésope avait la voix rauque, comme à chaque fois qu'il avait trop fumé.
« Tu m'avais demandé de te prévenir s'il y avait un gros truc... »
« Ouais, s’qui s’passe ? »
« Ben, là, il y a un gros truc ! »
« Raconte ! »
« Tu connaissais la mère Schaefer ? »
« Celle qui fait des ménages chez les bourges de Belmont ? »
« Ouais, ben-là, c'est elle qu'a été nettoyée, elle fera plus de ménage. »
Ésope dont les fesses baignaient dans l'eau se réveilla complètement.
« Quoi ! Tu veux dire que... »
« Magne toi, si tu veux être le premier sur le coup. Bon, moi je raccroche, il y a le commissaire qui arrive. »
Rejetant les couvertures, d'un bond il bondit hors du lit, enfila jean et polo, saisit son appareil photo, renversa deux chaises sur son passage et jaillit dehors. Dans sa voiture, il s’aperçut qu'il ne savait pas où aller. Bien qu'il connût beaucoup de monde à Belmont, madame Schaefer n'avait jamais été de ses intimes et il ignorait où elle habitait. Dans le lointain, l'avertisseur d'une ambulance retint son attention. Il se guiderait à l'oreille. Avec ses douze mille habitants, Belmont n'avait rien d'une métropole. Il en aurait vite fait le tour, et ce serait bien la guigne s'il ne retrouvait pas l'ambulance.
Il ne lui fallut guère plus de cinq minutes pour gagner les lieux du drame. De l'autre côté du square Saint-Vincent, un attroupement barrait la chaussée, des femmes en robe de chambre et savates, des hommes en chaussons et pyjama. A proximité de l'ambulance s’affairaient brancardiers et policiers autour de ce qui devait être un corps allongé sous un imperméable. Un agent s'évertuait à expliquer aux badauds qui ne voulaient pas le croire qu'il n'y avait rien à voir et que le mieux serait sans doute de circuler. D'évidence, il manquait de persuasion car dans la rue portes et volets ne cessaient de s'ouvrir. Il se fraya un passage à coup de « pardon » , montrant ostensiblement son appareil photo. Non loin du corps se tenaient trois hommes . Il reconnut le maire qu'un réveil matinal avait privé de rasage. À côté, le commissaire ventre en avant sous une chemise mal boutonnée, donnait du « Monsieur le procureur » au troisième. Monsieur Patoureau silencieux regardait d'un air consterné la forme allongée.
« C'est terrible, monsieur le maire ! »
« Oui, et je vais devoir encore faire un discours... »
« Sait-on ce qui s'est passé ? »
« Cette fois, monsieur Galendon, c'est grave, très grave. Ce n'est plus une tentative. »
« Comment est-elle morte ? »
À coté d'eux, un homme d'une soixantaine d'années sous sa casquette parvenait difficilement à maîtriser son chien que le sang abondamment répandu sur le trottoir attirait.
« C'est ce monsieur qui a découvert le corps de cette pauvre madame Schaefer. »
L'homme devança la question qu’Ésope s’apprêtait à lui poser
« Je faisais ma petite promenade avec Lulu, comme tous les matins. Tiens, que j'ai dit à Lulu, on va passer par le square. Vous comprenez, Lulu, elle aime bien les plates-bandes pour ses besoins. Et puis, sauf votre respect, monsieur le maire, pour les roses ça fait comme qui dirait de l'engrais. Alors, Lulu, elle était pas comme d'habitude. Quant elle a eu fini, elle s'est mise à aboyer, et elle a tiré sur sa laisse. Je m'ai dit « tiens, c'est bizarre, elle est pas comme d'habitude ! ». Alors, j'ai été par où qu'elle tirait. Quand on est arrivé dans la rue à madame Schaefer, je m'ai dit « tiens, c'est bizarre, il y a madame Schaefer, elle est collée à sa porte ! ». Alors, je m'ai approché, et là ça m'a fait drôle. Ah oui alors, pour faire drôle ça m'a fait drôle. »
L'homme marqua un moment d'émotion. Il tira de sa poche un long mouchoir à carreaux bleus, racla sa gorge, porta le mouchoir à sa bouche et cracha avec application. Il replia le mouchoir comme autour d’un objet précieux, le remit dans sa poche avant de continuer.
- C'est que je la connaissais bien, moi, madame Schaefer. Son mari aussi, je le connaissais bien. Paul qu'il s'appelait. Je lui disais toujours : « Paul, tu sais pas la chance que t'as d'avoir une femme comme ça. ».
Ésope avait du mal à contenir son impatience. Alors que son maître parlait, le chien était parvenu à distendre sa laisse et léchait le sang à peine coagulé que l'ordonnée madame Schaefer avait laissé couler sur son trottoir habituellement impeccable.
« C'est pas pour dire, mais j'aurais jamais cru qu'elle finirait comme ça. »
À nouveau, l'homme racla sa gorge, porta sa main à sa poche pour saisir son mouchoir. N'y tenant plus, Ésope voulut l'interrompre.
« Qu'est-ce que vous avez vu ? »
Mais le bonhomme ne se laissa pas démonter, et refit le même geste avec autant d’application, déplia son mouchoir dans lequel il chercha un endroit propre pour y déposer consciencieusement le produit de sa nouvelle expectoration. Le mouchoir replié retrouva la poche.
« Eh ben, c'était pas joli joli ce que j'ai vu. En fait, c'était pas collé qu'elle était madame Schaefer, c'était clouée à sa porte, même que c'est moi qui lui avais repeinte. Si j'aurais su... Faut pas être humain pour faire des choses comme ça. »
« Elle avait une épée plantée dans le dos. Transpercée de part en part. L'arme était restée fichée dans la porte. L'assassin n'a pas dû pouvoir la retirer. »
La précision venait du maire.
« Alors, moi j'y ai dit : « bougez pas, madame Schaefer, on va vous tirer de là. » Alors, elle a pas bougé vu qu'elle était déjà morte, à ce qu'ont dit que les pompiers. Pourtant, moi, je suis sûr qu'elle était encore vivante. »
« Qu'est-ce qui vous fait dire ça ? »
« C'est Lulu, elle arrêtait pas d'aboyer. D'ailleurs, elle avait quelque chose dans la main, madame Schaefer... »
Ésope et le maire fixèrent leur interlocuteur avec une attention redoublée. Ensemble, ils interrogèrent :
« Quoi donc ? »
« Ben, un drôle de truc. Ça ressemblait, comme qui dirait, à une grosse ficelle. Mais c'était pas vraiment une ficelle. »
L'homme marqua un temps. On le sentait un peu gêné. Il continua :
« Ça n'a pas été facile d'y retirer »
« Comment ça ? »
« Ben oui, j'y ai retiré. Vous savez, ça peut toujours servir. »
« Mais alors, vous avez conservé ce bout de ficelle ? »
Ésope avait formulé la question avec précaution . Il sentait qu'il ne fallait pas effrayer le brave homme qui, soudain se sentait fautif.
« Ben oui... Peut-être y fallait pas ? »
« Mon cher monsieur, ajouta le maire, savez-vous que vous détenez probablement là un élément déterminant de l'enquête ? »
Manifestement, l'homme hésitait entre la fierté et la culpabilité. Il porta la main à sa poche, du côté du mouchoir, et sortit à regret, un bout de cordon.
« Tiens, là v'la, la ficelle. »
Ésope et le maire esquissèrent un pas en arrière. L’autre resta la main tendue avec le cordon qui pendait.
( A suivre)
Hellian- Nombre de messages : 1858
Age : 74
Localisation : Normandie
Date d'inscription : 14/02/2009
Re: Le murmure des bergers (III) : Chap. 3, 4, 5
Hellian, transformé pour le coup en orthophoniste:
Je me suis bien amusé à lire cette phrase de vive-voix. Il faudrait probablement simplifier. A votre appréciation.s ' avisant de ce qu'en sa qualité d'élu il lui revenait de prendre une initiative,
Invité- Invité
Re: Le murmure des bergers (III) : Chap. 3, 4, 5
C'est très drôle en l'état. Je vous recommande tout-de-même de changer était, car , forcément, quelqu'un l'y a placé.Lorsqu'il arriva dans la grande salle, Hubert Galichon était déjà sur un brancard.
Lorsqu'Hubert Galichon fit sont entrée dans la grande salle, il se trouvait déjà sur un brancard. (par exemple).
Invité- Invité
Re: Le murmure des bergers (III) : Chap. 3, 4, 5
Hellian, les incunables sont rangés derrière des vitrines dans les bibliothèques, ainsi, ils tombent rarement. Allez, vive la fiction, va. :-)
Invité- Invité
Re: Le murmure des bergers (III) : Chap. 3, 4, 5
Parfait.« Faut pas toucher, c'est une pièce à conviction. Donnez-moi ça ! »
À regret, il donna le bouquin.
Invité- Invité
Re: Le murmure des bergers (III) : Chap. 3, 4, 5
plus.car s'il y a bien une chose qu'elle ne supportait pas depuis le décès de monsieur Schaefer,
Invité- Invité
Re: Le murmure des bergers (III) : Chap. 3, 4, 5
Bon, il faut se rendre à l'évidence, vos histoires me plaisent bien et votre style me convient. J'y aime particulièrement cet humour qui trainaille aux quatre coins des chapitres. Certaines images sont vraiment biens et justes, comme l'écho du gravier qui crisse.
Je reproche au texte, en revanche, une ponctuation défaillante, il faudrait penser aux ajustements. Vous avez posté beaucoup d'un coup pour en faire une relecture millimétrée. Je repasserai.
Je reproche au texte, en revanche, une ponctuation défaillante, il faudrait penser aux ajustements. Vous avez posté beaucoup d'un coup pour en faire une relecture millimétrée. Je repasserai.
Invité- Invité
Re: Le murmure des bergers (III) : Chap. 3, 4, 5
Si un gentil modérateur pouvait modifier le début de la trentième ligne du chapitre 5 de la façon suivante :" rejetant les couvertures, il sauta du lit " ce serait sympa!
Hellian- Nombre de messages : 1858
Age : 74
Localisation : Normandie
Date d'inscription : 14/02/2009
Re: Le murmure des bergers (III) : Chap. 3, 4, 5
super merci, Panda, de ces corrections. Pour le coup du brancard, "il" c'est le maire. La découpe du texte i est mauvaise. fallait pas sauter une ligne juste avant. c'est vrai que ça induit mal le "il"
Hellian- Nombre de messages : 1858
Age : 74
Localisation : Normandie
Date d'inscription : 14/02/2009
Re: Le murmure des bergers (III) : Chap. 3, 4, 5
pour l'incunable, c'est un propos de journaleux qui veut se faire mousser devant le maire. En fait il n'y connait rien!
Hellian- Nombre de messages : 1858
Age : 74
Localisation : Normandie
Date d'inscription : 14/02/2009
Re: Le murmure des bergers (III) : Chap. 3, 4, 5
Toujours passionnant ! J'ai adoré : "La première chose à faire est de garder son calme. Je vous demande donc de conserver votre calme."
Vous avez le chic pour camper des personnages, je trouve. Cela dit, j'ai une réserve sur cette partie :
"Elle avait quitté le centre-ville et ses rues bourgeoises bordées de hautes maisons à encorbellement qui lançaient sous la lumière célène des ombres tarabiscotées sur le bitume argenté (trop d'adjectifs à mon goût dans cette phrase). Devant l'église Saint-Romain, elle ne put (là, on passe au passé simple, mais un peu plus loin on revient au plus-que-parfait ; ça gêne) réfréner un petit signe de croix. L'étroite petite rue des sources l'avala pour la conduire vers les faubourgs. Sur le boulevard Leclerc, elle croisa un couple la main dans la main, lança un petit bonsoir pour susciter le son d'une voix humaine (l'expression me paraît bizarre), s'était crue (voilà le retour au plus-que-parfait) rassurée de la réponse timide de la femme ; c'est là pourtant qu'une irrépressible panique l'avait saisie."
Vous avez le chic pour camper des personnages, je trouve. Cela dit, j'ai une réserve sur cette partie :
"Elle avait quitté le centre-ville et ses rues bourgeoises bordées de hautes maisons à encorbellement qui lançaient sous la lumière célène des ombres tarabiscotées sur le bitume argenté (trop d'adjectifs à mon goût dans cette phrase). Devant l'église Saint-Romain, elle ne put (là, on passe au passé simple, mais un peu plus loin on revient au plus-que-parfait ; ça gêne) réfréner un petit signe de croix. L'étroite petite rue des sources l'avala pour la conduire vers les faubourgs. Sur le boulevard Leclerc, elle croisa un couple la main dans la main, lança un petit bonsoir pour susciter le son d'une voix humaine (l'expression me paraît bizarre), s'était crue (voilà le retour au plus-que-parfait) rassurée de la réponse timide de la femme ; c'est là pourtant qu'une irrépressible panique l'avait saisie."
Invité- Invité
Re: Le murmure des bergers (III) : Chap. 3, 4, 5
Vraiment prenante cette histoire provinciale, parfaitement observé. Je me régale avec les pointes d'humour, surtout dès qu'il s'agit de la police...
Les personnages sont superbes, ah ! le quidam qui crache dans son mouchoir, plus vrai que nature.
Dans le détail, j'ai relevé :
CHp 3 :
il était par terre "par terre", en deux mots
Rarement, il reconnaissait sa pensée. je mettrais l'adverbe après le verbe, comme ça c'est bizarre
Chp4 :
à la cour deParis, l'histoire du tueur au démonte-pneu, un salaud qui avait égorgé
la communion d'hubert. Hubert
un maniaque avec un démonte pneu tiret
Sur le boulevard Leclerc, elle croisa un couple la main dans la main, lança un petit bonsoir pour susciter le son d'une voix humaine, s'était crue rassurée de la réponse timide de la femme ; c'est là pourtant qu'une irrépressible panique l'avait saisie. je ne comprends pas le changement de temps, du passé simple à l'imparfait...ce n'est pas justifié
et s'en était voulue d'avoir céder à la frousse voulu (sans accord)
Sûr que si elle en avait besoin d'un, ce n'est pas lui qu'elle irait voir, un qui défend des tueurs, avec un démonte-pneu! Cette syntaxe avec l'utilisation de "en " et "un" relève de la langue parlée. Il vaut mieux répéter avocat, ce sera plus correct et finalement plus léger. Attention aussi à l'espace en fin de phrase avant le point d'exclamation
Ne pas se retourner, de peur de rendre réel ce qui n'était sans doute qu'une impression.
Elle fouille à l'aveugle, "à l'aveuglette", non ?
Mes clés, mon Dieu, mes clefs ! . ponctuation
La lame pénètre avec l'aisance de la dague qui foudroie les animaux dans l'arène, pour s'arrêter dans le bois de la porte qu'elle perfore de deux centimètres virgule
Chp 5 :
Magne- toi
Les personnages sont superbes, ah ! le quidam qui crache dans son mouchoir, plus vrai que nature.
Dans le détail, j'ai relevé :
CHp 3 :
il était par terre "par terre", en deux mots
Rarement, il reconnaissait sa pensée. je mettrais l'adverbe après le verbe, comme ça c'est bizarre
Chp4 :
à la cour deParis, l'histoire du tueur au démonte-pneu, un salaud qui avait égorgé
la communion d'hubert. Hubert
un maniaque avec un démonte pneu tiret
Sur le boulevard Leclerc, elle croisa un couple la main dans la main, lança un petit bonsoir pour susciter le son d'une voix humaine, s'était crue rassurée de la réponse timide de la femme ; c'est là pourtant qu'une irrépressible panique l'avait saisie. je ne comprends pas le changement de temps, du passé simple à l'imparfait...ce n'est pas justifié
et s'en était voulue d'avoir céder à la frousse voulu (sans accord)
Sûr que si elle en avait besoin d'un, ce n'est pas lui qu'elle irait voir, un qui défend des tueurs, avec un démonte-pneu! Cette syntaxe avec l'utilisation de "en " et "un" relève de la langue parlée. Il vaut mieux répéter avocat, ce sera plus correct et finalement plus léger. Attention aussi à l'espace en fin de phrase avant le point d'exclamation
Ne pas se retourner, de peur de rendre réel ce qui n'était sans doute qu'une impression.
Elle fouille à l'aveugle, "à l'aveuglette", non ?
Mes clés, mon Dieu, mes clefs ! . ponctuation
La lame pénètre avec l'aisance de la dague qui foudroie les animaux dans l'arène, pour s'arrêter dans le bois de la porte qu'elle perfore de deux centimètres virgule
Chp 5 :
Magne- toi
Invité- Invité
Re: Le murmure des bergers (III) : Chap. 3, 4, 5
Le héros du jour
Attention à la ponctuation. L'usage répété de guillemets et cette densité dans les dialogues donne une visibilité par moments pesante au texte, tout n'y est pas tujours très clair.
Petit détail: Ça fait palpiter un véhicule, un gyrophare ? ;-)
Le personnage du maire me paraît moins consistant dans ce chapitre 3, plus pataud aussi, il y perd un peu en force, dommage.
Attention à la ponctuation. L'usage répété de guillemets et cette densité dans les dialogues donne une visibilité par moments pesante au texte, tout n'y est pas tujours très clair.
Petit détail: Ça fait palpiter un véhicule, un gyrophare ? ;-)
Le personnage du maire me paraît moins consistant dans ce chapitre 3, plus pataud aussi, il y perd un peu en force, dommage.
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Le murmure des bergers (III) : Chap. 3, 4, 5
L'ordonnée madame Schaefer
A nouveau bienvenu de passer à un autre personnage, ça crée des ruptures nécessaires et permet d'élargir l'univers.
Juste une remarque sur la fin du chapitre (et de Mme Schaefer, damned !) qui me paraît rapidement amenée par rapport au début de son histoire, où tu prends le temps de détailler beaucoup de choses.
J'ai aimé cette manière de faire monter la tension et de placer au centre du récit un personnage à la vie (fictive) aussi courte, ça lui donne de l'importance, c'est bien vu.
A nouveau bienvenu de passer à un autre personnage, ça crée des ruptures nécessaires et permet d'élargir l'univers.
Juste une remarque sur la fin du chapitre (et de Mme Schaefer, damned !) qui me paraît rapidement amenée par rapport au début de son histoire, où tu prends le temps de détailler beaucoup de choses.
J'ai aimé cette manière de faire monter la tension et de placer au centre du récit un personnage à la vie (fictive) aussi courte, ça lui donne de l'importance, c'est bien vu.
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Le murmure des bergers (III) : Chap. 3, 4, 5
Lulu
Scène réaliste, bien amenée et intéressante, on a envie de connaître la suite. La présence du journaliste appelé par un flic, en douce, apporte aussi au récit. Tout ceci est somme toute assez classique dans les idées mais tu le racontes avec pas mal de simplicité et de sincérité, ça fait beaucoup et donne son charme au texte.
Scène réaliste, bien amenée et intéressante, on a envie de connaître la suite. La présence du journaliste appelé par un flic, en douce, apporte aussi au récit. Tout ceci est somme toute assez classique dans les idées mais tu le racontes avec pas mal de simplicité et de sincérité, ça fait beaucoup et donne son charme au texte.
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Le murmure des bergers (III) : Chap. 3, 4, 5
La suite! La suite!....
Soliflore- Nombre de messages : 380
Age : 71
Date d'inscription : 17/02/2009
Re: Le murmure des bergers (III) : Chap. 3, 4, 5
chère amie,
Je suis ravi de l'intérêt que vous accordé à ce roman. vous me faites beaucoup d'honneur.
Mais la suite vous est accessible directement sur le site puisque je viens de livrer la fin hier.
Cordialement
Je suis ravi de l'intérêt que vous accordé à ce roman. vous me faites beaucoup d'honneur.
Mais la suite vous est accessible directement sur le site puisque je viens de livrer la fin hier.
Cordialement
Hellian- Nombre de messages : 1858
Age : 74
Localisation : Normandie
Date d'inscription : 14/02/2009
Re: Le murmure des bergers (III) : Chap. 3, 4, 5
Je poursuis la livraison de mes petites notes qui ne sont, je te le répète, que des propositions de correction qui, je l'espère, peuvent faire avancer le schmilblick pour la publication de ton (bientôt) best seller !
Chapitre 3 :
Chapitre 3 :
« En revanche, c'est lorsqu'ils reproduisaient ses discours qu'il les trouvait antipathiques. Rarement, il reconnaissait sa pensée. » : J’ai dû relire la phrase pour comprendre que c’est dans la reproduction de ses discours qu’il retrouve rarement sa pensée. Peut-être qu’en précisant simplement ceci par un « y » cela serait plus clair ? : Il y reconnaissait rarement sa pensée. (p 18) – mais je viens de voir que cela a déjà été noté (mais pas modifié dans ma version)
« Il aurait bien insisté, mais tourna les talons après avoir salué d'un mouvement de tête un peu sec le journaliste, décoché un regard furieux vers le maire. » j’aurais remplacé la deuxième virgule par un « et » : Il aurait bien insisté, mais tourna les talons après avoir salué d'un mouvement de tête un peu sec le journaliste et décoché un regard furieux vers le maire. (p 18)
Chapitre 4 :
« Plus tard, elle s'était finalement convaincue d'un passant attardé et s'en était voulue d'avoir céder à la frousse » : cédé (p 23)
Chapitre 5 :
« Rejetant les couvertures, d'un bond il bondit hors du lit, enfila jean et polo, saisit son appareil photo, renversa deux chaises sur son passage et jaillit dehors. » : il y a redondance dans « d’un bond il bondit », mais c’est peut-être voulu ? (p 28) – Ah, mais je vois que tu as demandé la modification de ce passage (mais dans ma version papier, cela apparaît toujours)
« À nouveau, l'homme racla sa gorge, porta sa main à sa poche pour saisir son mouchoir. » : se racla la gorge, porta la main… (cela éviterait la répétition sa… sa… sa) (p 30)
« Il aurait bien insisté, mais tourna les talons après avoir salué d'un mouvement de tête un peu sec le journaliste, décoché un regard furieux vers le maire. » j’aurais remplacé la deuxième virgule par un « et » : Il aurait bien insisté, mais tourna les talons après avoir salué d'un mouvement de tête un peu sec le journaliste et décoché un regard furieux vers le maire. (p 18)
Chapitre 4 :
« Plus tard, elle s'était finalement convaincue d'un passant attardé et s'en était voulue d'avoir céder à la frousse » : cédé (p 23)
Chapitre 5 :
« Rejetant les couvertures, d'un bond il bondit hors du lit, enfila jean et polo, saisit son appareil photo, renversa deux chaises sur son passage et jaillit dehors. » : il y a redondance dans « d’un bond il bondit », mais c’est peut-être voulu ? (p 28) – Ah, mais je vois que tu as demandé la modification de ce passage (mais dans ma version papier, cela apparaît toujours)
« À nouveau, l'homme racla sa gorge, porta sa main à sa poche pour saisir son mouchoir. » : se racla la gorge, porta la main… (cela éviterait la répétition sa… sa… sa) (p 30)
Re: Le murmure des bergers (III) : Chap. 3, 4, 5
Tes propositions sont tout à fait pertinentes. Certaines corrections sur le "tapuscrit" ont d'ailleurs déjà été apportées exactement en ce sens. comme quoi, ce travail n'est jamais vraiment terminé.
Merci beaucoup de ton concours
Merci beaucoup de ton concours
Hellian- Nombre de messages : 1858
Age : 74
Localisation : Normandie
Date d'inscription : 14/02/2009
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