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Le murmure des bergers (XI) - Chap. 30, 31, 32, 33, 34

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Le murmure des bergers (XI) - Chap. 30, 31, 32, 33, 34 Empty Le murmure des bergers (XI) - Chap. 30, 31, 32, 33, 34

Message  Hellian Sam 23 Mai 2009 - 14:55

Chapitre 30 – Faits divers

Les livres parfois sont semblables aux fleuves. Ils emportent le lecteur, voyageur immobile, dans le courant de leurs eaux vers d'improbables estuaires. Et le livre que découvrait Ésope était de ceux-là. Après avoir pris trois photos de la bibliothécaire, ouvrage en main, sourire radieux, il s'était installé confortablement dans une petite salle, avait commencé la lecture. On pouvait apprendre dès les premières pages que son auteur était un certain Geoffroy des Noïers, seigneur de Champlâtreux, devenu moine de l’abbaye du Bec Hellouin et modeste chroniqueur normand du quinzième siècle. Son avant-propos donnait à sourire :

« Je suis entré dans ma forge pour travailler et forger en la noble matière du temps passé. Je conterai avec véridique les exploits et les malaventures des anciens chevaliers en chroniqueur fidèle. Ils seront émerveillés ceux qui ce livre liront et verront tant y sont relatés avec justesse et loyauté grands faits d’armes, comme aussi actions étranges, diaboliques rumeurs, miracles fabuleux, oraisons contemplatives, tous exposés en mots précis et justes, par le moyen d’encre, papier et plume, sans crainte, souci ni doute avec l’assistance et sous le regard de Notre Dame, la très puissante Princesse et mère de Dieu… »

Très vite, le récit l'avait emporté, l’engloutissant dans ses méandres. Il avait oublié le soleil, le sourire de l'hôtesse, la fatigue de la nuit et s'était abandonné à l'histoire, une histoire d'amour à la fois belle et terrible comme celles qui font les bons faits divers. Que racontait cette histoire ? Qu’il y avait eu jusqu'en l'an de grâce 1470 sur les collines de Belmont un château dont le propriétaire, le vicomte de Montorgueil, avait beaucoup voyagé de par le monde durant sa prime jeunesse. De belle allure et fortuné il s'était rendu vers l’Orient au rang des preux croisés pour délivrer le saint tombeau, dans ces pays que l'on disait de légende, où il avait appris d’abondance ; puis était revenu au décès de son père retrouver femme au pays, ramenant dans ses bagages un Maure pour lequel il s'était pris d'amitié. Celui-ci était fort savant et possédait cette qualité qu'ont souvent les Orientaux de parler diverses langues. On le disait érudit en moult domaines et notamment dans l'art de la poésie. Les deux hommes s'étaient établis définitivement à Belmont et l'ouvrage racontait qu'alors le vicomte de Montorgueil donnait des fêtes somptueuses ; aussi venait-on de très loin pour admirer la subtilité et l'éloquence incomparable du Maure.

La renommée de la maison Montorgueil contribua à la gloire de Belmont qui devint durant deux décennies une véritable capitale culturelle ; jusqu'au jour où le vicomte fut frappé par une terrible tragédie. Son épouse décéda d'une fièvre irrémédiable le laissant dans l'affliction la plus profonde. Il ne vécut plus alors que pour sa fille, la jeune Hélène qui, tout enfant qu'elle était, alliait grâce, intelligence et beauté. Les fêtes cessèrent et Belmont dont il avait été l'âme retrouva sa banalité, tandis que se morfondait le seigneur dans une morosité casanière seulement éclairée de l'amour de sa fille et de l'amitié indéfectible du Maure.
Mais Hélène grandissait et la jeune fille qu'elle devint dépassa les promesses de l'adolescente. Les fils des seigneurs alentours furent nombreux à la demander pour épouse, mais Hélène ne voulait point quitter son père, lequel de son côté nourrissait pour sa fille un amour que d'aucuns réputèrent de moins en moins paternel.
Or, le vicomte avait parmi ses gens un jeune berger d'une étonnante beauté et si avenant qu'Hélène en eut le cœur troublé. Les jeunes gens nouèrent bien vite une idylle qui demeura cachée aux yeux du vicomte, mais non à ceux du Maure à qui rien n'échappait tant il savait lire dans les yeux et les paroles les secrets les mieux enfouis. Et l'on sait, soulignait le livre, que l'amour, si secret soit-il, se trahit du bonheur qu'il engendre. Le bonheur d'Hélène était si grand qu'il attira la suspicion du Maure, lequel eut tôt fait de découvrir la liaison des deux jouvenceaux. Il s'en ouvrit à son seigneur et ami qui fut pris alors d'une colère immense et chassa sans ménagement le jeune berger. Hélène entra dans une tristesse insondable, refusa toute nourriture et boisson jusqu'à se vouloir morte, puis, un jour de printemps disparut du château, laissant son père dans une furieuse inquiétude.
Le Maure à nouveau vint à son secours, lui faisant serment de partir à la recherche de la jeune fille et de ne revenir qu'avec elle. Le vicomte lui confia trois gens d’armes pour lui prêter main-forte si besoin était de recourir à la contrainte pour obliger l'enfant à revenir au bercail. Il ne fallut pas plus de trois jours à l'habile homme pour retrouver la fugitive qui avait été enlevée par son amoureux. Les tourtereaux s'étaient imprudemment réfugiés dans la maison du père du jeune berger pour filer leur passion. Le garçon échappa de peu à la mort et la jeune fille, contrainte, revint au château encore plus désespérée. Son père décida alors de la faire garder jour et nuit et, comme elle refusait à nouveau de se nourrir, de la gaver de force pour qu'elle conserve vie. Mais, une nuit que la garde s'était relâchée et que le désespoir ravageait de plus fort son cœur, elle ouvrit la fenêtre et se jeta de la tour où elle demeurait enfermée. Son corps au matin fut retrouvé dans les douves flottant parmi les nénuphars.
Et c'est ainsi qu'ayant perdu sa femme d'une fièvre infectieuse, le vicomte de Montorgueil perdit également sa fille d'une fièvre d'amour. L'homme qui pourtant avait été sage et lettré durant ses jeunes années, perdit cette fois totalement la raison. Il se mit à maudire les hommes, les animaux et les plantes, remplissant chaque jour son château des cris les plus atroces. Il se dit même que la nuit, ses hurlements, semblables à ceux des bêtes féroces, parvenaient jusque dans les rues du bourg. Le château qui naguère avait été un lieu de fêtes, de plaisir et de lumière, se transforma en une lugubre bâtisse où régnaient désespoir et folie. Seul le Maure dont la fidélité avait été l'outil de son malheur restait proche du vicomte qu'il tentait d'apaiser par baumes et paroles.

Puis vint la nuit du grand désastre. Plus terribles que d’autres soirs, les hurlements du vicomte, telle une nuée d’orage, déferlèrent sur Belmont au point que nul n'osa plus sortir en dépit de la pleine lune qui jouait sur les toits. Au cœur des ténèbres cessèrent les vociférations tandis que s'éleva dans le ciel sur la colline du château un rougeoiement sinistre. Des flammes gigantesques léchaient le ventre des nuages. On ne sait si c'est la folie haineuse du vicomte pour l'humanité qui avait fait s'ouvrir les portes de l'enfer, ou si c'est lui-même qui dans sa souffrance ultime avait provoqué l'incendie, mais ce fut le château tout entier qui brûla. Aucun des villageois ne lui vint en aide, n'osant prêter main-forte à celui qui les avait maudits après les avoir tant réjouis du temps de son bonheur. Lorsque tout fut consumé, le Maure, qui s'était enfui pour échapper à l’incendie sans parvenir à entraîner avec lui son maître, revint vers les ruines encore fumantes. Dans les cendres et les braises il entendit de faibles plaintes et vit non loin des douves, à l'endroit où la jeune Hélène avait choisi de succomber, le corps ravagé du vicomte que la mort n'avait pas totalement anéanti. Le seigneur qui n'était que plaie n'avait plus la force de hurler, mais la haine encore déchirait ce visage qu'il avait eu si beau du temps de ses vingt ans. Reconnaissant son compagnon, le vicomte le pria de l'achever tant ses souffrances était grandes. Sa peau brûlée de partout laissait apparaître la rutilance de ses chaires noircies par endroits des outrages du feu. Le Maure fut pris de grande pitié et tirant son cimeterre accepta de l'occire pour le soustraire à la torture. Mais au moment d'abaisser la lame sur le cou du vicomte, ce dernier, convoquant ce qui lui restait de vie, le pria de l'écouter une dernière fois. Retenant son geste, le Maure s'accroupit près du corps pantelant et entendit sa prière. C'était une prière maudite car elle parlait de vengeance. Dans ce brasier à peine éteint, le vicomte qui s'apprêtait à franchir les portes de la mort, supplia son ami de faire vivre sa haine tout autant qu'il y aurait des siècles.

Lorsqu'il parvint au terme de l'ouvrage, Ésope releva enfin la tête et tourna les yeux vers la fenêtre qui donnait sur les collines. C'était là-bas, sans doute, que s'était jadis dressé le château des Montorgueil, vers l'ouest où déjà plongeait le soleil. Il lui semblait deviner la silhouette fantomatique des tours et sous le couchant, leurs ombres allongées sur la ville. Ésope jeta à nouveau son regard sur l’ouvrage qu’il croyait avoir refermé, songeant à la tragique histoire qu’il venait de lire lorsqu’il lui sembla ressentir comme un appel. Déjà, durant sa lecture, il avait eu cette étrange sensation. Les pages s’étaient tournées d’elles-mêmes comme il arrive aux livres dont certains passages ont été lus ou relus plus que d’autres, le ramenant toujours au même chapitre. Aussi avait-il dû lutter avec le livre pour mener sa lecture à terme. Ce phénomène piqua sa curiosité. D’évidence, il avait été consulté plus qu’il ne semblait en un endroit précis. Son instinct de journaliste lui commanda de revenir vers ces pages entrebâillées. Là, songea-t-il, était la clef. Il pensa alors à son rêve de l’autre nuit quand il se trouvait face au livre monumental qu’il s’échinait à ouvrir comme une porte. Bien sûr, il fallait rouvrir le livre comme dans le rêve et, cette fois, franchir le seuil ; voilà ce que signifiait le songe. Lui et lui seul allait enfin percer le secret.
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Message  Hellian Sam 23 Mai 2009 - 15:06

Chapitre 31 – L’agonie du Maure



Ésope, le cœur battant, reprit sa lecture :


Comment l’homme-lige du preux Montorgueil, le Maure Abdel Malek el Ouriki entra en agonie dans les bras de frère Marmaduke.

En l’an de grâce 1475, le jour de la saint-Martin, trois jeunes damoiseaux s’en allèrent courre le sanglier et le chevreuil en la forêt ombreuse qui couvre les hauteurs de Belmont. Las, après avoir découplé leurs chiens, ceux-ci n’encontrèrent que trois loups gris qui s’enfuirent à leur vue et se mirent promptement en sûreté. Enguerrand que ses compagnons par raillerie dénommaient « le fanfaron triomphant », voulait leur décocher une flèche de son arc. Mais il est tant faultier et maladroit que tous autres s’écartèrent de peur d’être par luy frappé.

Les trois compagnons de cette traque chevauchaient avec leurs pages, leurs faucons et leurs chiens ; tous trois de petite mais ancienne noblesse, la fleur de la chevalerie de Belmont. Ils avaient noms Enguerrand de Landepèreuse dont j’ai déjà parlé, Sigismond de Montaigu qui ne pouvait dire trois mots sans bégayer et Jehan d’Estissac, frivole et gracieux jouvenceau. Arrière d’eux, suant et soufflant, monté sur une mule venait frère Marmaduke, haut, maigre, radotant, rupieux, vrai moine clerc jusqu’aux dents qui avait charge d’enseigner ces beaux enfants et prétendument de les conduire. Dépités par cette vaine battue, les trois garçons firent raide volte-face pour rentrer au logis, mais en se détournant du droit chemin pour le plaisir de la promenade et pour contempler les ruines du château de Montorgueil. Ayant franchi la croppe d’une montagne escarpée, c’est sous la ramure d’un grand et ample chastaignier que leur apparurent les pierres noircies du castel où il y a peu encor étaient célébrées moult fêtes profanes. Gonzagues Marie Pierre de la Rougerie, comte de Montorgueil s’était croisé en 1444 pour tenter sous les ordres du duc de Bourgogne, Philippe le Bon, de libérer le Saint-Sépulcre de la domination sarrasine. Halas ! Pèlerinage pernicieux ! Entreprise funeste ! Les chevaliers francs allèrent de fléaux en famines, de calamités en cataclysmes, de déboires en déconfitures jusqu’à l’irréparable. Le prince ottoman Méhémed II, adoubé du nom d’El Fatih, le conquérant, s’empara de la ville de Constantinople au printemps de l’an 1453 et en fit sa capitale.

Halas ! Grand dommage pour le comte de Montorgueil battu, éperdu, morfondu, ayant de son sang vermeil des Turcs maudits teint les dards pointus. Onques puis ne chevaucha. Rentra céans, sans escorte, par petites journées, accompagné seulement d’un Maure dont il avait sauvé la vie, lequel par gratitude s’était constitué le serf captif de son Seigneur. Cette cruelle déroute du ban et de l’arrière-ban des chevaliers francs accomplit ainsi son œuvre maléfique, rendant le fier paladin chétif et quasi insensé. Retrouva toutefois, gente de corps et de façon sa princesse et régente, son épouse, la comtesse Marie Purpurine à la très claire face, laquelle par quotidiennes attentions, services constants et soins d’amour obtint la guérison de son seigneur. Mais triste destinée toute ternie, toute tremblante seulement pour brève occurrence car peu après la malepeste s’empara du corps de la malheureuse qui en peu de journées défuncta en sorte qu’il fallut la promptement porter en la terre consacrée du moustier Sainte-Croix adjurant le créateur tout puissant de recevoir sa servante en son paradis.

Avachis sur le pommeau de leurs selles, Enguerrant et Sigismond, songeurs, contemplaient bouche bée le funeste tableau des ruines sombres du castel que le comte de Montorgueil avait fait brûler, ardre et fondre, dont la masse affalée apparaissait ce jour d’huy comme engloutie par ronces, orties, broussailles, épines et buissonnets et noyée dans le silence profond de la longue attente, parfois rompue par le croassement rauque des freux. Issant de sa rêverie, Enguerrand murmura comme pour soi-même :
« Adoncques, c’est à la douleur d’un amour… Il a souffert grande et griève douleur ce seigneur après mort de sa princesse pour devenir le fou sanglant, incendiaire de son château et assassin de luy-même.
— Que non pas ! intervint le frère Marmaduke, ce ne fut pas à la mort de la comtesse que le feu détruisit le château, mais à la perte de la fillette.
— La fillette ! Quelle fillette ? questionna Enguerrand. Il avait donc femme, enfant et biens, cet insensé qui s’est perdu dans l’embrasement de son chastel... »
À cet instant Sigismond éperonna son destrier qui s’ébroua et partit en flèche dans la direction de la forme étrange d’un homme décharné, aux membres grêles, aux yeux exorbités qui progressait par bonds inopinés emmy les pierrailles du donjon ruiné. À l’approche du cheval fringant, il fit face avec vivacité tout en levant ses bras avec brusquerie et s’écria d’une voix forte : « Allah akbar ! Allah akbar ! »

Surpris, le destrier tout effrayé se mit à pets, à ruades, à fressurades jetant à terre son cavalier, lequel, déconfit plutôt qu’à rester court, s’apprêtait à frapper l’inconnu de son épieu. Mais dom Marmaduke s’écria d’une tonnante voix :
« Par le seigneur tout puissant, arrêtez Sigismond ! C’est le Maure du comte de Montorgueil ! Celui qu’on appelle Peau brune le galeux. N’allez pas encourir la colère de l’ Éternel en le navrant ! »
Sigismond esbaudi abandonna son arme et considéra le Maure avec attention. C’était un homoncule au crâne nu, tavelé de taches brunes et blanchâtres de la teigne qui tôt l’avait privé de toute chevelure. Son visage était fin, sa peau noiraude et parcheminée, ses yeux devenus blancs par concrétion ancienne des prunelles. Il était vêtu de lambeaux d’étoffe serrés en guenilles autour de la taille par une courte lanière laissant voir des jambes étiques mais encore vaillantes. Ses pieds nus comme revêtus de corne reposaient sur un roc coupant d’où il apostropha Sigismond et la troupe toute entière en ces termes, proclamés d’une voix terrible :

« Montorgueil, tu es mon frère !
C’est toi le roc ciselé qui
Étincelle et frappe mon esprit.
À la vie et à mort je te salue
Toi le gardien du troupeau fidèle,
Le seigneur des guerriers,
Le guide de cet étrange monde.
Tous les témoins le clament,
En vociférant tant dans les cieux
Qu’en enfer. Tu es pour moi
Le chemin d’espérance,
Splendeur du mont de l’orgueil !
Je veux vivre et connaître avec toi
La folle épopée de la mort »


Cependant que l’écuyer de Sigismond, un grand estafier barbu, s’efforçait à maîtriser le destrier de son maître qui s’était échappé, le frère Marmaduke vint au Sarrazin et s’en fit reconnaître pour ce qu’en autre occasion l’avait déjà approché, s’était entretenu avec lui conférant sur les livres des anciens, qui en avait escrits comme Théophraste, Pline, Cicéron et Galien.
Soudain comme il paraissait ouïr avec complaisance la sentencieuse harangue du moine, le Maure s’affaissa sur lui-même et parut frappé de l’immobilité de la mort.
« Vertudieu, garçons, accourrez céans ! Prêtez-moi main- forte pour donner secours à cet infidèle ! Que nous l’accotions à quelque rocher où il puisse reposer et reprendre vie », s’écria maître Marmaduke.
Et tous sautant de leurs selles caparaçonnées, se confiant les brides de leurs chevaux l’un l’autre dans un hourvari de hennissements et de croupades, accoururent au chevet du mourant. Icelui réconforté par les soins bienfaisants du frère encapuchonné, jouissait derechef de sa conscience quoique dolent. Il proféra dans son idiome maternel comme une mélopée qui parut être une sourate de l’Alcoran des mahométans et requit avec force les chevaliers présents que sa dépouille fut enfouie en terre crue, enveloppée seulement d’un linceul sans cercueil et le corps tourné vers l’Orient.
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Message  Hellian Sam 23 Mai 2009 - 15:09

Ô ! L’étrange épilogue de cette sombre chasse : piqueux, valets, maîtres tous marris. Chiens et chevaux eux-mêmes faisant silence. Chacun se tenait immobile comme pour saluer l’approche de la Mort. Il sent que sa vie est perdue le morisque moribond ; il tend sa dextre vers le ciel et bat sa coulpe, interpellant les témoins de son trépas :
« Chevaliers chrétiens qui après moi vivrez, au nom d’Abraham, notre aïeul commun, oyez céans mon cri d’angoisse en cette heure obscure où je m’en vais à Dieu pour moi être jugé. Car j’ai grand douleur et fâcheuse souillure de l’âme pour avoir failli à la parole donnée à mon suzerain. Celui dont j’étais devenu le féal, pour prix de ma vie sauvée était devenu le père d’une fille qu’on appelait Hélène, l’unique brebis de son troupeau, son bien suprême depuis son veuvage advenu. Pour, il entretenait projettement de grande destinée. Or, un traître, le maître berger du troupeau du fort, un manant, un rustre, un maraud maléficieux s’empara par magie de la volonté de la fillette et l’enleva quand il la tint sous son pouvoir. Par enchantement disparurent tous deux et moi fit serment de les retrouver, de punir le berger maudit et de ramener sur les miennes épaules la brebis perdue de mon maître. Sans relâche les traquai, recherchant le repaire où était tenue captive la fille de mon suzerain ; les levraudai quand ils fuyaient comme gibier fourbu à mon approche. En vain, sans succès. Dolente et pitoyable malaventure. Le fugitif berger ne fut pas pris. Sa tête tranchée ne fut pas rapportée à mon seigneur. Au contraire, chose douloureuse, c’est moi qui fut frappé. Ô jour funèbre où je perdis la vue, devenant inutile, inerte, impuissant même à empêcher le comte de Montorgueil de rechercher la mort en se jetant dans le brasier du castel en feu ! »
Le fidèle féal gémit en battant sa coulpe. Il geint. Il ahane, le pitoyable ténébreux. Il sent que sa fin est prochaine. Il attire le frère Marmaduke sur son sein. Secrètement il déverse des paroles dans son oreille. Il extirpe de sa vêture deux feuillets soigneusement manuscrits, aux lettrines alignées en versets. Il supplie le moine d’accomplir pour lui quelque vœu suprême. Il bat l’air de ses mains, pousse un grand cri de déploration et meurt. On voit son âme s’envoler.

Les trois jouvenceaux discutèrent pour savoir si l’on était engagé à assurer franche sépulture au corps sans vie de l’émir à la peau brune ou si, la nuit venant, on rentrerait au logis à bride abattue sans en prendre soucy. Mais le frère Marmaduke après avoir lu à haute voix le grimoire que le moribond lui avait remis, fut intraitable.
« Adonques, gent malheurée, vous seriez prêts à abandonner aux bêtes malfaisantes de la nuit la dépouille d’un homme qui vous a requis de l’ensevelir ! Ce serait péché mortel ! »
Trois manants requis à cette fin, munis de pelles et de pioches entreprirent de caver une fosse dans les ruines du donjon. Après l’avoir enseveli dans le drap de haute lice qui couvrait le bât de sa mule, le bon moine déposa le corps du Sarrazin dans sa tombe en prenant soin de tourner son visage vers l’Orient. Il joignit les mains de l’infidèle et marmotta avec réticence les bribes d’une prière. Après quoi les manants refermèrent promptement la tombe et s’en fut la cavalcade pour rejoindre Belmont par le chemin de la vallée. Assurément, tristesse assombrissait plus d’un visage, mais nul incident n’en interrompit le cours si ce n’est que parvenus au pont de pierre qui enjambait la rivière, encontrèrent un troupeau de moutons avec leurs bergers et leurs chiens occupant l’arche pour traverser le flot. Mais ces claquedents de marroufles s’y prenaient avec tant de lenteur et de nonchalance que brusquement, saisi de fureur, le frère Marmaduke sauta à bas de sa mule, empoigna l’un des tardifs pastoureaux et catapulta son chef contre le sien avec tant de vigueur que le pauvre gringalet en tomba sans connaissance. Rouge encore de colère, le moine remonta sur sa mule en groumelant, le visage tout cramoisy :
« Justice est faite ! Justice est faite !
— Par la vertu Dieu, ainsi parla Sigismond, il faut qu’un diable se soit emparé de l’esprit de notre bon frère Marmaduke ; lui d’ordinaire plaintif et dévost, le voilà qui crie si espouvantablement que les oreilles nous cornent.
— Assurément le trépas du pauvre sire lui a troublé la cervelle et lui a tourneboulé l’imaginative, lui répondit Jehan d’Estissac .
— Au moins le Turc chétif aura joui d’honorables funérailles et reposera en paix en terre chrétienne, conclut Enguerrand.
En quoi se trompaient-ils en supputant que le Maure gîserait benoîtement en sa fosse durant le décours des siècles, car en la nuit obscure suivant la première conjonction du soleil et de la lune, sorcières, démons et magiciens cannibales s’assemblèrent dans les ruines du donjon, violèrent la sépulture afin d’en déterrer le mort et de se partager les os, la peau et les poils ainsi que les viscères, tous articles susceptibles d’entrer dans la composition des philtres, amulettes et talismans dont ils faisaient commerce fort profitable. De sorte qu’il ne subsista rien des restes du malheureux bédouin sinon le texte des grimoires en forme de prières et comme versifiés qu’il avait remis au frère Marmaduke, et qui ont été transcrits ci-après comme l’a voulu ledit bédouin obscur et ténébreux.


« Ta gloire ne sera pas tue, Allah miséricordieux.
Que cette vie soit occise, toi le seul Dieu.
Que le malheur me frappe si je délaisse l’ Éternel.
Mieux vaut être mis à mort qu’ignorer le Maître,
L’omniscient, le berger des agneaux, le parfait.
Toutes idoles d’or des mains de l’homme faites
Je les brûlerai en cette fournaise ardente.
Plus elles sont, moins bien elles parlent,
Tant il y a d’yeux tant elles ne savent voir.
À leur oreille est tu le bruit et ne sent leur nez
Seul Allah est mon espérance, toi le vivant,
Parfait créateur du monde, guide bienfaisant,
Qu’il soit sanctifié ton nom ! Qu’il soit honoré
Par cette chétive mélopée ! Amen. Amen. Amen.


Le monde se prostitue, il abandonne la foi,
Il se moque du froc cistercien comme de la croix.
Guerriers d’Islam frappez les ennemis de Dieu !
À chaux, à sable, à mortier édifiez aux mieux
Pour le grand berger seigneurial, le Dieu unique
La muraille du père des croyants ;
Tel Jonas dans le cétacé tous crieront — Yahvé !
Nous t’en supplions instamment, sauve-nous !
Car nous sommes repentants devant ta Sainte Face
Et n’avons plus de vertu à défaut de ta Grâce.
L’oiseau lui-même s’est trouvé une maison.
Trouverai-je enfin mon logis, mon donjon ?
Vois mon âme qui s’épuise à désirer tes parvis !
Reçois-la, cette éclopée, donne-lui donc la vie ! »






La porte s’ouvrit. Timidement la bibliothécaire lui rappela l'heure de la fermeture. Il lui rendit l'ouvrage et s'excusa d'être resté si tard. La jeune femme lui adressa un sourire qui se voulait indulgent. Il ramassa son appareil photo et à l'instant où il allait franchir la porte, se retourna vers elle.
« Ah, mademoiselle, j'allais oublier, pour mon article, j'aurais voulu connaître votre prénom.
— Hélène ! lui répondit-elle gentiment.
— Hélène de Montorgueil, peut-être ? interrogea-t-il .
— Quelle drôle d'idée, fit-elle en éclatant de rire, non, Hélène Lepastre, tout simplement. »
Tout au fond de lui, Ésope perçut une pointe d'amertume qui très vite lui vrilla la poitrine. Soudain, il détestait cette fille avec sa chevelure blonde et vulgaire, son sourire imbécile. Une vague de haine se leva. Il la fixa d'un regard qui troubla la jeune fille.
« Ça ne va pas, monsieur ? » demanda-t-elle en ravalant son sourire.
Ésope ne bougeait pas, cloué sur le seuil à la pourfendre du regard. Il aurait voulu la réduire en cendres, rien que par la violence de sa haine.
« Monsieur, monsieur, ça ne va pas ? »
Mais bien sûr que si, tout allait bien. Elle était là devant lui ; il suffisait de lever le poing et de l'abattre sur son visage disgracieux pour que tout aille mieux encore. Dans sa main droite, Ésope sentit se contracter ses doigts, ses phalanges se durcir, les muscles de son bras comme du béton.
« Monsieur, monsieur », scandait la bibliothécaire désormais affolée devant l'immobilité de son visiteur et la fixité de son regard.

Cette voix aiguë devenait insupportable. Il fallait la faire taire. Il suffisait de déployer le bras qui se détendrait comme un ressort et il pulvériserait sa bouche maculée de deux traits de rouge à lèvres grenat.
« Bonjour, mademoiselle Lepastre, fit une voix. Vous faites des heures supplémentaires aujourd'hui ?
— Bonjour, monsieur Brocquard. Non, non, je m'apprêtais à fermer, répliqua, soulagée, la jeune fille.
— Quelque chose ne va pas ? interrogea le secrétaire de mairie, devinant à la voix le signe d'un malaise.
— Non, simplement, monsieur Galendon me donne l'impression d'être... comment dire... un peu souffrant, tout à coup.
— Ah, c'est vous Ésope ! Je ne vous avais pas reconnu de dos. Comment va la presse ? Vous ne devez pas chômer par les temps qui courent.
— Ça va , ça va », répondit l’autre évasivement.
Puis il tourna les talons, libéra la porte et se précipita vers sa voiture. « Cette salope ne perd rien pour attendre », grommela-t-il en s'installant au volant.
Hellian
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Message  Hellian Sam 23 Mai 2009 - 15:16

Chapitre 32 – Sous la peau des toits



Dulouard avait pris goût au charme de Belmont. Ce n'est pas tant le gros bourg de province à la nonchalance un peu rustique qui le retenait que toute cette agitation qui en avait fait pour lui un sujet d'étude ; et Dulouard était un homme d'expériences : il adorait ce qu’il nommait « les événements atypiques » et pour une fois que la vie lui en offrait l'occasion grandeur nature, il avait décidé de prolonger son séjour afin d'observer, avait-il confié à Sheppard, « l'évolution entropique d'une communauté humaine confrontée à une série d'événements disruptifs. »
Sheppard n'avait pas osé lui demander ce qu'il entendait par là, mais avait été ravi d'offrir à son ami une hospitalité de quelques jours. Ainsi tromperait-il mieux sa solitude. Il n'était pas fâché non plus de conserver près de lui le spécialiste dont l'audace scientifique avait propulsé le jeune Galichon dans une somnolence quasi comateuse... Chaque jour, il s'enquérait de l'état du jeune homme et la réponse tombait toujours identique : « état stationnaire ».
« Normal ! répondait Dulouard, lorsqu'il lui rapportait la réponse de l'hôpital.
— Comment ça normal ? On dirait que tu t'en fous !
— Pas le moins du monde. Mais je continue à soutenir que ce garçon a subi une perturbation psychique majeure qui a déréglé ses fonctions cérébrales. Il n'a plus la possibilité de gérer son rapport à lui-même ni son rapport au réel. Son interface conscientielle est " boguée ".
— Mais il y a bien un médicament, quelque chose... Enfin, tu ne vas pas me dire, toi le spécialiste, qu'on ne peut pas l'en sortir !
— Pour être clair, c'est ça ou la folie, ou éventuellement l'amnésie.
— Et tu es sûr que l'hypnose n'y est pour rien ? »
Sheppard avait déjà posé cette question. Dulouard avait commencé par le rassurer. Cette fois il se contenta de sourire, signifiant que l'interrogation n'avait plus d'objet. Sheppard hésita entre colère et gêne.

Il s'en voulait de son doute, mais l'indifférence de Dulouard l'irritait. Il aurait voulu que lui, le scientifique qui planait alentours des cimes du savoir, lui apportât le réconfort d'une explication, qu'il lui parlât neurones, substances, molécules. Au lieu de cela, il lui délivrait une théorie fumeuse sur la conscience et s'en allait s'asseoir dans le fauteuil de la véranda à fumer ses petits cigares nauséabonds tout en contemplant la ville à ses pieds.
la maison de Sheppard était située sur les coteaux de Belmont. Souvent, les soirs d'été, il s’abandonnait à la contemplation des toits mélangés de tuiles et d'ardoises et méditait sur l'apparent désordre de l’œuvre humaine. Lui aussi cherchait la cohérence, mais non de façon policière. Il croyait que le désordre n'était qu’apparence, qu’à l’exemple de ces toits enchevêtrés, les actions obéissaient à des règles dont l'architecture secrète serait dévoilée par la science. Il savait, du haut de sa colline, que les angles chaotiques des toitures cachaient des rues, des ruelles, des sentes, des ruisseaux et que tout cela s'ordonnait de belle manière dans une géométrie subtile. Tout avait sa place, les choses, les hommes, leur vie, leurs sentiments. Lorsqu'au matin, il descendait vers son cabinet, il avait la sensation, en s'immergeant dans la ville, d’y retrouver du sens. Le corps et l'esprit devaient être semblables. En pénétrant la complexité de la chair et du cerveau, la science décrypterait l'organisation des causes et des effets. Un jour viendra où la dernière poche de chaos sera réduite, où la mathématique aura tout ordonné. Tel était sans doute le projet de Dieu qui en mettant de l'intelligence dans l'univers avait donné à celui-ci pouvoir de se comprendre jusqu'à l'ultime particule. Si l'homme était porteur de raison, alors il n’existait de mystère que provisoire. C'est pour cela qu'il était devenu médecin, pour participer à un moment du temps et de l'espace à l’avènement de la conscience. Il en voulait donc un peu à Dulouard, lui qui avait ce privilège d'être aux avant-postes, d'abandonner si rapidement le combat.

« Tu sais, intervint Dulouard comme s’il avait perçu sa réflexion silencieuse, il y a un moment où il faut taire les questions. Il en va du questionnement comme de l'acharnement thérapeutique, cela devient vite un blasphème. Les véritables secrets sont ceux qui ne se livrent que lorsque l'on s’abstient de chercher. Viens donc t’asseoir et regarde ta ville dans le couchant ! »
Sheppard prit place dans l'un des grands fauteuils en osier de la véranda.
« Tu vois, sous cette peau d'ardoise et de tuile, il y a toute la souffrance et tout le bonheur du monde ; des gens meurent, des couples se déchirent, des vieillards pleurent de solitude. Mais, dans le même temps, des enfants naissent, des amoureux s'étreignent et refont le monde. Tu as tout ensemble, les questions et les réponses, là sous tes yeux dans l'immobilité du soir.
— Ton discours est trop fataliste, objecta Sheppard. À t'en croire, il faudrait laisser les choses s'accomplir. Alors, à quoi bon être médecin ou chercheur ? La civilisation ne s'est élaborée que parce que l'homme a dit non à la souffrance, au froid, à la maladie, à la mort, à…
— Holà, holà, chaque chose en son temps, mon vieux ! Il y a un temps pour le non et un temps pour le oui. Ton problème, vois-tu, c’est l’impatience. »
Venant de Dulouard, la remarque le décontenança. Il choisit de se taire. C'était sa manière de pratiquer le non, le silence, avec une once de détachement.

Peu à peu, la tranquillité de Dulouard le rassura et il trouva inutile de rompre une fois de plus cette quiétude par un plus long discours. Il s’en voulut de son lyrisme et préféra laisser venir à lui les bruits d'en bas, quelques rires d'enfants dans les jardins, des ronronnements de moteur dans le lointain, puis cet inlassable concert des oiseaux qui règlent entre eux leurs affaires urgentes avant la nuit.
Ce n'est donc pas la voix humaine qui brisa l'harmonie placide de la soirée, mais le téléphone, dont les modulations prétendument musicales sectionnèrent l'invisible fil que Sheppard venait de tisser avec la douceur du crépuscule. Il ne pouvait pas résister à l'appel du téléphone, craignant toujours que de sa promptitude à répondre ne dépende une vie. Souvent il lui était arrivé de s'arracher au sommeil après une journée de labeur pour saisir le combiné et repartir, hagard, sur les chemins nocturnes vers des voix que l'angoisse étreignait. À chaque fois, il s'était convaincu de la nécessité de son intervention, persuadé d’être un chasseur de souffrances.
« Allô, ici le docteur Sheppard...
— Ah, docteur, je suis bien aise de vous avoir. »
Il reconnut immédiatement le timbre de Gulliver.
« Que se passe-t-il, monsieur le commissaire ?
— Eh bien, voilà docteur, c'est une mission un peu particulière qui m'est confiée. Je crois savoir que le professeur Dulouard est encore chez vous.
— C'est exact. Il n'est pas loin de moi d'ailleurs. Vous souhaitez lui parler ?
— Oui... Enfin, à vrai dire, non, pas moi, mais monsieur le procureur et monsieur le président du tribunal pour... comment dire... une consultation...
— Serait-ce indiscret de vous demander de quoi il s'agit ?
— Je suis désolé, docteur, mais ma démarche est strictement confidentielle. De plus, c’est très urgent. Auriez-vous l'obligeance de lui demander de se rendre seul au palais dans les meilleurs délais. Nous l'attendons.
— Ce sera fait, commissaire. Au revoir. »
Sheppard raccrocha sèchement. Il n'aimait guère être tenu à l'écart. Le secret étant un impératif de sa profession, on pouvait lui faire confiance, bon sang ! En l'occurrence, il pressentait que se tramaient des événements d'importance. C'était quand même lui qui avait fait venir Dulouard, son ami, au pays.
« C'était pour toi, les autorités judiciaires. Il faudrait que tu te rendes dès maintenant au palais de justice. Je crois qu'ils ont besoin de tes lumières.
— Tiens donc ! Et pourquoi?
— Secret d'état, monsieur le professeur ! Gulliver n'a rien voulu me dire. La seule façon de savoir est d'y aller.
— C'est si pressé?
— Ça en a l'air. »
Se calant dans son fauteuil, Dulouard sortit un cigarillo qu'il alluma avec minutie, en inhala la première bouffée.
« Si ces messieurs ont besoin de moi, ils sauront m'attendre. Je suis le professeur Dulouard tout de même ! »
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Message  Hellian Sam 23 Mai 2009 - 15:21

Chapitre 33 – En territoire ennemi


Voilà bientôt une heure qu'il tournait et retournait dans Belmont sans parvenir à retrouver la rédaction. Ésope était furieux. En quinze ans, ça ne lui était jamais arrivé. Comment avait-il pu se perdre ainsi ? Il aurait juré que les rues n'étaient plus à la même place. Il tourna à gauche, puis encore à gauche au coin du café des sports. Normalement il devrait se retrouver place de l'Hôtel de ville. À partir de là, il saurait comment faire pour retrouver la rue Grosjean. Il se repérerait : le pressing, le cabinet d'assurances et juste après, les bureaux du Réveil belmontais. Mais au bout de la rue, ce n'était pas la place de l’Hôtel de ville, c’était celle de la Poste. Où avait-il donc pu se tromper ? Bon, ce n'était pas grave. En prenant la Poste pour point de repère, il y arriverait tout autant. Il suffisait qu'il gare sa voiture sur le parking et à pied, par la rue principale, il rejoindrait la rue Grosjean. Ce serait simple, le café de l'Agriculture, la librairie, puis la deuxième à droite après le feu rouge et la première à gauche, à la pharmacie qui fait l'angle. Pas possible de se tromper. Quand il racontera aux collègues qu'il s'est perdu dans Belmont, ce sera la rigolade générale ! Pourtant, il n'avait pas bu. Non, il n'avait pas bu ; d'ailleurs il buvait rarement. Peut-être, cependant, aurait-il dû déjeuner ce midi, avec cette nuit blanche... La fatigue ! Voilà l'explication, le stress. Il aurait dû prendre des vacances.

La voiture s'arrêta. Il voulut saisir ses papiers dans son blouson sur le siège arrière, tâta de la main, sentit le velours, mais de blouson, point. Bon Dieu ! Il avait oublié ce foutu blouson. Il était certain de l'avoir sur le dos à la médiathèque. Il fallait y retourner. Mais l'entreprise lui parut au-delà de ses forces. Il n'avait plus qu'une vague idée du chemin. Lui revenait l'image de cette fille avec son sourire provocateur. Dire qu'elle avait été à sa portée et qu'il n'avait pas su en profiter pour lui asséner le coup décisif, juste à la pointe du menton. Il lui aurait brisé la mâchoire avec délice et, en visant bien, juste dans l'axe, il lui aurait réglé son compte. C'était un coup fatal qu'il avait appris lors de ses cours de boxe thaï. On peut tuer un homme d'un seul coup de poing bien ajusté ; alors une femme... Ça ne fait rien, il y retournerait demain. En attendant, il lui fallait retrouver la rédaction. À coup sûr, sans ses papiers, ses collègues lui refuseraient l'entrée. Il faudrait qu'il justifie de son identité.
« Je m'appelle Ésope Galendon, je suis journaliste au Réveil belmontais », proclama-t-il en descendant de son véhicule, à l'adresse d'une passante qui ne lui avait rien demandé.
La femme fit un écart, le regarda s'éloigner, mi-amusée, mi-inquiète, comme on regarde un homme ivre. Ésope traversa la chaussée, aborda le trottoir d'en face et s'arrêta. Il regarda à droite, à gauche, hésita longuement avant de prendre vers la droite. Manifestement, la rue n’était plus dans le même sens. Il laissa derrière lui le café de l'Agriculture et chercha en vain la librairie qui se trouvait dans la direction opposée. Ni les maisons, ni les vitrines ne lui étaient familières. La ville devenait étrangère comme s'il se fût soudain trouvé posé en territoire ennemi. Il marcha droit devant lui, croisant d'autres passants auxquels il aboya son nom, s'attira quelques « bonjour Ésope » étonnés. Son esprit était de plus en plus encombré du visage de l’autre idiote. Il la retrouverait, c'était sûr, et se vengerait. Pas de pitié, car sans conteste, elle était responsable de son errance. Il lui sembla soudain que toute sa vie il n'avait attendu que cela, rencontrer cette fille, cette Hélène Lepastre pour l'exterminer, la rayer du monde. Cette petite dinde... Tout en maugréant il marchait à grands pas, oubliant désormais la rédaction. Il arpentait les rues en aveugle, s'arrêtait parfois devant les vitrines où se reflétait sa silhouette, scrutait le personnage qui lui faisait face, se rassurait en prononçant son propre nom, repartait du même pas.

Avec le soir, la lumière s’estompait. Les façades ocre et dorées étaient maintenant bleu sombre et dans les vieux quartiers aux rues étroites, les encorbellements des hautes maisons à colombages anticipaient la nuit. Ésope n'avait toujours pas trouvé son chemin. D'ailleurs, il ne le cherchait plus. Sa résolution était prise. Dût-il y consacrer ce qui lui restait de vie, il n'aurait de repos qu'après avoir éliminé la fille. Soudain, il demeura figé : sur une façade, une plaque noire où se dessinait en lettres dorées un nom qu'il connaissait bien ! Mais comment n'y avait-il pas pensé plus tôt ? Désormais, tout était logique, inéluctable. Dire qu’il lui avait fallu attendre trente-cinq ans pour comprendre. En fait, il avait deux ennemis, tout autant attachés l'un que l'autre à sa perte. Et s'il ne prenait pas l'initiative, c'est lui qui succomberait. Mais celui-ci, avec sa plaque noire à lettres dorées était encore plus redoutable que l'autre folle dans sa médiathèque. Il l’était d'autant plus qu'il connaissait tout de lui, ses défauts, ses carences ; et chacun sait qu'il n'y a pas d'ennemi plus redoutable que celui qui connaît vos faiblesses. Il s'en voulait de ne pas y avoir songé plus tôt, au lieu de se laisser obséder par l’autre salope. Il devait procéder par ordre. La fille attendrait. Priorité à celui-là. Au moins, c'était du sûr. Pas besoin de le chercher puisqu'il était sur place. Il suffisait d'attendre. Qu'importe le temps, tout le monde sait que le temps ne compte pas. Les choses arrivent toujours ; tôt ou tard, mais elles arrivent à qui sait se montrer patient. Celui qui savait tout de lui arriverait sûrement, avec sa petite serviette, son pantalon de velours, chemisette sport et nez en l'air sous ses lunettes dorées. Alors, à l'aide de son appareil photo comme un nunchaku, en un seul mouvement bien maîtrisé, il lui éclaterait la boîte crânienne. Il pénétra dans la courette intérieure . Non loin de la porte d'entrée, un local à poubelles. C'est là qu'il passerait la nuit à attendre et lorsque l'autre arriverait, il lui suffirait de sortir souplement pour surgir derrière lui et, d'un moulinet rapide avec la lanière de l'appareil, il fracturerait la tête de son pire ennemi, le docteur Sheppard.







Chapitre 34 – Une rupture



Josiane avait pleuré longtemps. Ses larmes s'étaient taries. Elle n'avait pas pour autant cessé de souffrir. Lorsque vient le moment où les larmes vous manquent, la douleur s'installe à sec dans le cœur, s'empare de la poitrine, du ventre, longe les membres et vous brise les épaules. Elle ne savait plus si elle devait ses pleurs à sa rupture avec Hubert ou au décès de son père. L'arrestation de ce dernier l’avait quelque temps détournée de son tourment. Naïvement, elle avait cru qu'un nouveau malheur chasserait l’autre, doutant de sa capacité à souffrir plus encore. Mais à la tragédie de la rupture, s'était ajouté l'effroi du décès et la culpabilité. Sa solitude n'en avait été que plus grande. Elle aurait tant aimé se blottir contre Hubert et se rassurer de sa main dans la sienne, comme au temps de leur amour. Il aurait trouvé les mots pour la consoler.

Au lieu de cela, Hubert gisait loin d'elle sur un lit d'hôpital ; et pour seul au revoir il lui avait dit de cet air détaché qu'elle ne lui connaissait pas : « Je ne t'aime plus. » Au début, elle n'y avait pas cru, bien qu'elle sentît depuis peu qu'il lui échappait. Cela avait commencé par sa main retirée de la sienne un soir qu'ils se promenaient le long de la rivière. Il avait forcé le pas, l'obligeant presque à courir pour rester à sa hauteur. Elle lui avait demandé ce qui n'allait pas. Il avait répondu que « non rien », le regard ailleurs. Le lendemain, elle avait attendu un coup de téléphone qui n'était pas venu, l'avait appelé plusieurs fois, était tombée sur sa ligne occupée. Ce n'est que le soir très tard, qu'elle était parvenue à le joindre.
« Ah, bonjour Josiane ! »
Ce « Josiane » l'avait effrayée. Dans leur intimité, les prénoms avaient très tôt laissé place aux appellations tendres.
« Bonjour, mon amour, avait-elle répondu. Que se passe-t-il ? Je suis inquiète. Tu es malade ? »
Il avait répondu que tout allait bien. Puis, aussitôt, avait ajouté qu'il fallait qu'ils se voient « pour parler ». D'habitude lorsqu'il lui proposait un rendez-vous, il n'en précisait pas la raison. Se voir, c'était pour s'aimer.
« Tout de suite ? avait-elle demandé.
— Non, non, tout de suite je ne peux pas. Demain, en début d'après-midi.
— Mais, que se passe-t-il ? Dis-moi !
— Demain, je te dirai, demain.
— Tu ne m'aimes plus, c'est ça ? »
Il avait marqué un silence.
« On en parle demain, d'accord ?
— Mais ce n'est pas possible... c'est...
— Demain ! »
Elle avait entendu le clic du téléphone, avait eu envie de le rappeler, le cœur comme une enclume, puis les premières larmes étaient montées. Le sommeil n'était pas venu. Le temps s'était démultiplié pour faire de ce « demain » une rive inaccessible. Et, lorsqu'elle s'était enfin préparée pour le rendez-vous, la désolation avait surgi comme une falaise.
Il était arrivé, précis. En l'apercevant, elle avait hésité, décidée à se montrer froide à son tour, résolue à jouer la stratégie de la dignité. Mais elle avait très vite compris l’inutilité de sa manœuvre. Trahie par les élans de son corps, elle s'était précipitée contre lui, l'avait agrippé de ses deux bras, le serrant et pleurant. Lui était resté droit, se refusant, attendant qu'elle desserre l’étreinte. Lorsqu’elle se fut détachée, il la regarda quelques instants, rassemblant les mots qui allaient comme des lames la déchirer un peu plus.
« Je suis désolé, Josiane, j’ai rencontré quelqu’un. Je ne t'aime plus. »
Elle était restée immobile, incapable du moindre geste, mots absents, voulant ne plus être. Cela avait duré. Il s’était senti gêné.
« Mais dis quelque chose au moins ! »
Cette immobilité l'effraya. Il eût préféré des insultes, des cris, des coups. Il les aurait acceptés comme le juste prix de sa rupture. Mais là, cette fille au regard fixe, absente, semblait foudroyée.
« Josiane, je t'en prie, dis quelque chose ! »
Josiane sentit ses lèvres remuer et des mots s'échapper de sa bouche.
« Ça veut dire quoi, quelqu’un ?
— Eh bien, une autre... une autre fille. Enfin, c'est pas difficile à comprendre... »
« Une autre » ! Elle n'avait jamais vraiment pensé que cela puisse arriver, une autre. Ainsi, pour lui, c’est elle qui était devenue une autre. Elle n'était plus Josiane, l'unique. Lui échappa un geste de la main vers le visage d’Hubert, de ces gestes tendres si naturels quand on est aimé, qu'elle dut réprimer. Maintenant, ce corps ne lui appartenait plus. Elle comprit qu'elle devrait tout contrôler, lutter contre son propre corps, se maintenir en deçà de la ligne d’intimité. Seule pourrait désormais la franchir celle dont parlait Hubert.
Josiane ferma les yeux et se sentit vaciller. Elle eût voulu qu'en les ouvrant tout fût comme avant, ainsi qu’après un mauvais rêve, lorsqu’on retrouve le soleil. Mais Hubert était encore là ; son regard naguère souriant demeurait éteint, presque hostile. Elle était… de trop. Aussi, sans rien ajouter, elle fit volte-face, mobilisa ses jambes qui se dérobaient et le dos courbé, repartit vers sa maison. Durant les premiers mètres, elle avait attendu un mot, un appel. Rien, si ce n'est un bruit de pas s’éloignant. De retour chez elle, il lui avait fallu raconter à ses parents et surtout révéler ce qu'elle avait tu à Hubert, l'enfant dans son ventre.

Dans cet été naissant, les jours qui suivirent furent pour elle sans lumière. Josiane ne sortit de sa chambre que pour faire acte de présence aux repas, cédant aux supplications de sa mère. Elle y affrontait les reproches de son père, parfois sa fureur, retournait à l'étage s'enfermer pour pleurer jusqu'à l'épuisement.
Au bout de huit jours, lorsqu’éclata l'affaire de la médiathèque, elle reprit espoir. Si Hubert n'était plus à elle, au moins ne serait-il pas à l'autre. Peut-être même, s'il s'en tirait, lui reviendrait-il ? Il est parfois, en effet, des événements qui bouleversent un être et le renvoient vers ses valeurs. Or Hubert avait un enfant et l'ignorait. Elle devait le lui dire. Cela lui donnerait l’envie de vivre et, qui sait, de la retrouver.
Josiane se souvenait. Elle avait voulu se rendre à l'hôpital la nuit même de l'agression d'Hubert. La maison endormie, pour la première fois depuis leur séparation elle s'était maquillée, avait revêtu la petite robe qu'elle avait pportée lors de leur dernier rendez-vous. La porte refermée avec précaution, elle s'était dirigée dans la nuit tiède vers le centre hospitalier. Cette escapade nocturne riche d'une nouvelle espérance la raviva. Il faisait si doux ! La lune jetait sur la ville une manière de gaieté. Josiane se remémora l'émotion qui l'étreignit alorsdans cette nuit où tout lui avait de nouveau semblé possible. Elle avait marché dans les rues désertes, passant de temps en temps la main doucement sur son ventre pour y déceler la courbure naissante de sa grossesse. Puis l'idée l'avait prise de faire un détour par la rue de madame Schaefer, juste pour apercevoir la fenêtre de la chambre où elle s'était donnée à Hubert. Elle avait aimé cette petite chambre louée pour quelques sous, avec ses rideaux bleus qu'elle fermait en riant tandis qu’Hubert l'attirait contre lui. Et madame Schaefer, cette discrète complice de leurs amours, elle l'avait bien aimée. Elle se rappelait les conversations autour d'un café généreusement garni de biscuits fabriqués par la bonne dame qui évoquait sa jeunesse.

Elle avait voulu couper par le petit square et c'est là qu'elle avait vu...
Josiane sentit tout au fond d’elle un incoercible sanglot. Aujourd'hui encore elle ne voulait pas y croire. Cette courte parenthèse d’espoir dans la nuit si abominablement refermée, ce n'était qu'un cauchemar. Jamais, elle n'aurait dû sortir de chez elle cette nuit-là, jamais !
Josiane essuya ses yeux et regarda sa montre. Il était encore temps. Elle avait bien réfléchi, cette fois, elle le ferait. Le secret était trop lourd. D’ailleurs, si elle l'avait dit plus tôt, son père serait encore en vie. Il fallait qu'elle téléphone. La mort dans l'âme, elle posa la main sur
l’appareil et composa le numéro. À l'autre bout, la sonnerie retentit longuement. Elle crut y voir un signe et s'apprêta à raccrocher lorsque une voix répondit.
« Le commissariat, j'écoute !
— Bonjour monsieur, dit-elle atone, serait-il possible de parler au commissaire Gulliver s'il vous plaît ? »
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Message  Invité Sam 23 Mai 2009 - 17:03

Je réponds chapitre par chapitre. Le 30 : ouah !

Une remarque sur cette partie où ma lecture a été arrêtée :
"On ne sait si c'est la folie haineuse du vicomte pour l'humanité qui avait fait s'ouvrir les portes de l'enfer, ou si c'est lui-même qui dans sa souffrance ultime avait provoqué l'incendie, mais ce fut le château tout entier qui (je trouve la construction lourde) brûla. Aucun des villageois ne lui vint en aide, n'osant prêter main-forte à celui qui (idem, avec ce qui précède) les avait maudits après les avoir tant réjouis du temps de son bonheur. Lorsque tout fut consumé, le Maure, qui s'était enfui pour échapper à l’incendie sans parvenir à entraîner avec lui son maître, revint vers les ruines encore fumantes. Dans les cendres et les braises il entendit de faibles plaintes et vit non loin des douves, à l'endroit où la jeune Hélène avait choisi de succomber, le corps ravagé du vicomte que la mort n'avait pas totalement anéanti. Le seigneur qui n'était que plaie n'avait plus la force de hurler, mais la haine encore déchirait ce visage qu'il avait eu si beau du temps de ses vingt ans. Reconnaissant son compagnon, le vicomte le pria de l'achever tant ses souffrances était grandes. Sa peau brûlée de partout laissait apparaître la rutilance de ses chairs (et non "chaires") noircies par endroits des outrages du feu."

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Message  Invité Sam 23 Mai 2009 - 17:09

Quel virage tu nous fais prendre Hellian ! Et j'ai le sentiment que tu n'as pas fini de nous surprendre !

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Message  Invité Sam 23 Mai 2009 - 17:16

J'ai adoré la partie en vieux français ! Mais, dans le résumé de l'histoire, on ne précise pas que le Maure avait perdu la vue en allant chercher la fille enfuie du vicomte...

"le scientifique qui planait alentour (utilisé en adverbe, on écrit "alentour" pour "aux alentours") des cimes du savoir"
"En pénétrant la complexité de la chair et du cerveau, la science décrypterait l'organisation des causes et des effets. Un jour viendra (pourquoi ce passage au futur ? Si vous prolongez les pensées du toubib, un conditionnel ne serait-il pas préférable pour la phrase ?) où la dernière poche de chaos sera réduite, où la mathématique aura tout ordonné."

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Message  Invité Sam 23 Mai 2009 - 17:24

Eh bien, bravo, quoi, pour maintenir ainsi l'intérêt avec une telle constance ! Cela dit, je continue à m'étonner que la greffière, obnubilée par la malédiction du livre, ait pris le temps de le rapporter à la médiathèque.

"La ville devenait étrangère comme s'il se fût (je ne pense pas que le subjonctif ici soit correct) soudain trouvé posé en territoire ennemi."

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Message  Hellian Sam 23 Mai 2009 - 18:34

Merci, Socque. comme toujours vos remarques sont justes. Je vais reprendre le passage du chap 30 trop sourdingue à l'évidence. Mort aux "qui "!

Quant à notre gentille greffière, elle a fait tout bien son travail. Obnubilée oui, mais peut être avec effet retard...gningningnin !

Tenez, vous-même qui avez lu un chapitre du Livre, croyez-vous que vous allez garder cette belle maîtrise si jamais.... ?
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Message  Invité Sam 23 Mai 2009 - 18:49

Ce qui me sauvera, c'est la paresse : je n'aurai jamais le courage de sortir assassiner ma victime !

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Message  Invité Mar 26 Mai 2009 - 17:52

comme celles qui font les bons faits divers.
font/faits ça fait bizarre, Hellian, si je peux me permettre.

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Message  Invité Mar 26 Mai 2009 - 17:55

dans ces pays que l'on disait de légende
Y'a pas besoin du L de machin-chose dont j'ai oublié l'appellation technique.
L'on vous la rappellera plus tard.

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Message  Invité Mar 26 Mai 2009 - 17:58

un Maure pour lequel il s'était pris d'amitié.
un Maure avec lequel il s'était lié d'amitié. (suggestion qui ne vaut pas tripette)

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Message  Invité Mar 26 Mai 2009 - 18:02

Les jeunes gens nouèrent bien vite une idylle qui demeura cachée aux yeux du vicomte, mais non à ceux du Maure à qui rien n'échappait tant il savait lire dans les yeux et les paroles les secrets les mieux enfouis. Et l'on sait, soulignait le livre, que l'amour, si secret soit-il, se trahit du bonheur qu'il engendre. Le bonheur d'Hélène était si grand qu'il attira la suspicion du Maure, lequel eut tôt fait de découvrir la liaison des deux jouvenceaux.
Non, vous dites deux fois la même chose ! On avait compris la première fois :-)

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Message  Invité Mar 26 Mai 2009 - 18:05

Le Maure à nouveau vint à son secours, lui faisant serment de partir à la recherche de la jeune fille et de ne revenir qu'avec elle. Le vicomte lui confia trois gens d’armes pour lui prêter main-forte si besoin était de recourir à la contrainte pour obliger l'enfant à revenir au bercail.
Bercail me parait mal choisi, en contraste avec cette partie du roman.
La doublette de "revenir" est très visible.

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Message  Invité Mar 26 Mai 2009 - 18:10

Le Maure à nouveau vint à son secours, lui faisant serment de partir à la recherche de la jeune fille et de ne revenir qu'avec elle. Le vicomte lui confia trois gens d’armes pour lui prêter main-forte si besoin était de recourir à la contrainte pour obliger l'enfant à revenir au bercail. Il ne fallut pas plus de trois jours à l'habile homme pour retrouver la fugitive qui avait été enlevée par son amoureux. Les tourtereaux s'étaient imprudemment réfugiés dans la maison du père du jeune berger pour filer leur passion. Le garçon échappa de peu à la mort et la jeune fille, contrainte, revint au château encore plus désespérée. Son père décida alors de la faire garder jour et nuit et, comme elle refusait à nouveau de se nourrir, de la gaver de force pour qu'elle conserve vie. Mais, une nuit que la garde s'était relâchée et que le désespoir ravageait de plus fort son cœur, elle ouvrit la fenêtre et se jeta de la tour où elle demeurait enfermée. Son corps au matin fut retrouvé dans les douves flottant parmi les nénuphars.
Cette partie semble avoir été écrite trop vite. La narration, qui se veut romanesque, me semble bordélique. (dans le sens courtois du mot).

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Message  Invité Mar 26 Mai 2009 - 18:15

L'homme qui pourtant avait été sage et lettré durant ses jeunes années, perdit cette fois totalement la raison.
Et oui, être lettré n'empêche pas de devenir fou : on vous le dit depuis le début : c'est même encourager à.

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Message  Invité Mar 26 Mai 2009 - 18:18

les hurlements du vicomte, telle une nuée d’orage,
bizarre, cet enchainement masculin pluriel/ singulier féminin. Pas du plus bel effet.

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Message  Invité Mar 26 Mai 2009 - 18:23

j'ai finit le 30 en vous épargnant quelques détails.
Une lecture plutôt difficile. Je vous encourage dans la mesure de vos possibilités , à reprendre posément le chapitre.

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Message  Sahkti Mar 26 Mai 2009 - 18:40

Faits divers
Haaa voilà qui relance habilement le récit, de manière intriguante ! Cette histoire dans l'histoire est palpitante et tu as réussi à restituer l'atmosphère des contes, bien vu!

Peut-être la mise en page serait-elle améliorée si tu jouais de l'italique plutôt que du gras?

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L'agonie du Maure
Moins séduite par cette partie, en raison de ce langage ancien employé qui finit par me lasser et sonne trop grandiloquent à mes yeux, presque du théâtre comique, désolée.

On en sait un peu plus sur cet étrange livre, c'est bien.

Je suis un peu réservée sur la rapidité dans le changement d'humeur d'Esope, même si j'imagine que cela est à mettre sur le compte de l'envoûtement du bouquin; un peu trop vite amené.

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Sous la peau des toits
Le retour des toubibs débonnaires avec un nouveau suspense à la clé. Entracte bienvenu après les péripéties chevaleresques. Il me semble toutefois qu'ils ont perdu un peu d eleur verve les deux savants.

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En territoire ennemi
Tu insistes un peu trop sur le fait qu'Esope veut/peut régler son compte à la jeune Hélène en un coup de poing bien placé. Je pense que le changement rapide de comportement un peu plus haut avait déjà permis de bien saisir tout cela. Tu pourrais à la place faire davantage dans la dentelle en peaufinant certaines des pensées d'Esope, puisque sa violence est acquise.

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Une rupture
Pauvre Josiane malheureuse! Qui titille toutefois la curiosité du lecteur en fin de chapitre, bougresse qu'elle est !! :-))
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Message  Sahkti Mar 26 Mai 2009 - 18:41

Dans l'ensemble, tu permets à ton récit de rebondir de multiples manières en faisant revenir certains personnages, en ouvrant de nouvelles pistes, en relançant habilement tout ça.
J'ai aimé te lire (moins la partie en ancien français mais c'est une question de goûts) et je me réjouis d'avoir la suite !
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Message  Roz-gingembre Ven 19 Juin 2009 - 11:06

Je serais bien incapable de te faire la moindre remarque sur la forme tant l'intrigue et ces nouveaux rebondissements m'ont littéralement happés!
Je continue à me demander où tu nous embarques et suis ravie de voir que de nouveaux chapitres m'attendent.
Épatée par l'usage du vieux français.
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Message  Soliflore Sam 11 Juil 2009 - 20:37

CommeRoz-Gingembre, je suis happée par le récit. Que de rebondissements subtilement amenés et ces chapître qui se succèdent, différents de l'un à l'autre pour permettre de respirer, sans quoi la lecture serait insoutenable.

Intéressant le dialogue des médecins. j'ai relevé: " Les véritables secrets sont ceux qui ne se livrent que losrque l'on s'abstient de chercher"

"Ouvrir le livre et franchir le seuil"...

je cherchais depuis le début le pourquoi du titre.

Bravo!!!
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Message  Halicante Mar 8 Sep 2009 - 19:40

Chapitre 30 :
On pouvait apprendre dès les premières pages que son auteur était un certain Geoffroy des Noïers, seigneur de Champlâtreux, devenu moine de l’abbaye du Bec Hellouin et modeste chroniqueur normand du quinzième siècle. Son avant-propos donnait à sourire.
(p 159)

Il me semble qu’il y a une incohérence ici par rapport à ce qui a été dit précédemment sur le livre, cf. p 142 :

— Eh bien, justement il est au référencement, le problème étant de lui décerner... comment dirais-je ? une identité. Vous comprenez, tous nos ouvrages sont répertoriés sur ordinateur, par thème, par titre, par auteur et par éditeur. Or, celui-ci n'a précisément ni titre, ni... »
Ésope la coupa.
– Ni auteur,
ni éditeur ! Oui, je sais. »
Ou alors c’est moi qui ai loupé quelque chose ?

« Sa peau brûlée de partout laissait apparaître la rutilance de ses chaires noircies par endroits des outrages du feu. » : chairs (p. 163)

Chapitre 31 :
« Par enchantement disparurent tous deux et moi fit serment de les retrouver, de punir le berger maudit et de ramener sur les miennes épaules la brebis perdue de mon maître. » : fis (bien que le texte soit écrit en vieux français, il m’a semblé détecter une erreur de conjugaison, mais je ne sais pas si c’est pertinent ; je te la signale, au cas où.) (p. 170)

Chapitre 34 :
« Il avait répondu que « non rien », le regard ailleurs. » : la tournure me semble un peu lourde, il serait peut-être possible d’alléger (enlever « que « non » » ?) (p. 185)

« La maison endormie, pour la première fois depuis leur séparation elle s'était maquillée, avait revêtu la petite robe qu'elle avait pportée lors de leur dernier rendez-vous. » : portée (p. 188)

« Josiane se remémora l'émotion qui l'étreignit alorsdans cette nuit où tout lui avait de nouveau semblé possible. » : il manque un espace (p. 188)
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Message  Hellian Mar 8 Sep 2009 - 20:43

halicante,

Ta remarque est pertinente, mais le récit n'est pas pour autant incohérent.
Certes, il existe un auteur idenrtifiable. Faut-il encore lire l'ouvrage . or, en l'état, le livre n'a pas été lu depuis ... quelques décennies Et avec quels effets !), ce qui explique qu'il ne soit pas répertorié, donc sans auteur connu, ni éditeur.
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Message  Halicante Mer 9 Sep 2009 - 10:40

Effectivement, Hellian, il était maladroit de ma part de parler d'incohérence. Tout se tient dans ton récit ! je le répète, mes remarques ne sont que des suggestions, des questions qui me sont venues à la lecture.
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Message  Hellian Mer 9 Sep 2009 - 11:54

nulle maladresse de ta part, mais au contraire une vigilence dont je tiens à te remerccier très sincèrement et qui m'est vraiment utile.
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