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Le murmure des bergers (X) - Chap. 25, 26, 27, 28, et 29

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bertrand-môgendre
Hellian
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Le murmure des bergers (X) - Chap. 25, 26, 27, 28, et 29 Empty Le murmure des bergers (X) - Chap. 25, 26, 27, 28, et 29

Message  Hellian Sam 16 Mai 2009 - 9:33

Chapitre 25 – État de siège


Il y avait ce matin-là au palais de justice une fébrilité inhabituelle pour un lundi de fin juillet. Des allées et venues de gendarmes et de policiers dont la plupart témoignait d'une assurance étrangère aux hommes du commissariat. Du "gros calibre" venu du SRPJ. Jeans, ceinturons, blousons de cuir, étui revolver à peine dissimulé sous l'aisselle et cette facilité à entrer sans frapper dans le bureau du procureur, qui tenait d'ordinaire plus de la citadelle que d'une salle de bistrot. Une sorte d'état d'urgence avait été déclaré qui abolissait les convenances. « Priorité à l'action ! » avait proclamé monsieur Sylvain.
— Je fais de mon bureau un QG permanent et je veux être tenu heure par heure, minute par minute s'il le faut, au courant de tout ce qui se passe. »
Un briefing s'était tenu la veille au soir dans la bibliothèque du palais. Assisté des gradés de la gendarmerie et des officiers de police, le procureur avait déclaré ouvert le plan "Urbel" pour "urgence Belmont". Il avait hésité entre "Belur" et "Belmontur" et avait finalement retenu "Urbel" comme plus dynamique et moins cavalier .
« Messieurs, je déclare ouvert le plan "Urbel". Voici mes directives : d'abord, les forces de gendarmerie établiront une ceinture sanitaire autour de la ville. Chaque route, chaque chemin devra être contrôlé jour et nuit. Je veux une vérification systématique de l'identité de toute personne qui sort de Belmont ou y pénètre. Secundo, en accord avec le préfet, couvre-feu à partir de neuf heures du soir ! Patrouille de police permanente ! Je veux que tous les effectifs soient sur le pont ! Toute personne trouvée dans la rue quels que soient son âge ou son sexe, devra être interpellée et ramenée au commissariat en garde à vue avec fouille à corps. Quant à vous, messieurs du SRPJ, je m'en remets à votre expérience ainsi qu'à votre sens du devoir. Inutile de vous rappeler que le monde entier tourne son regard vers notre cité. Il en va de l'honneur de la police et du crédit de la justice.

Gulliver avait tenté de suggérer quelques petites choses, sans insister. Il se contenterait donc d'exécuter les ordres, de procéder aux vérifications d'identité, tandis que ces messieurs du SRPJ mèneraient tambour battant une enquête digne de ce nom. À vingt-deux heures, il avait fait circuler une voiture de police équipée d'un haut-parleur qui avait annoncé le couvre-feu à partir de tout de suite : « Toute personne circulant dans les rues sans pouvoir justifier d'une nécessité d'ordre médical ou vitale sera considérée en infraction et mise en état d'arrestation... Qu'on se le dise ! »

Il y avait bien eu du côté des vacanciers en résidence au camping municipal des tentatives de départ en douce, mais le verrouillage avait parfaitement fonctionné. Quelques malheureux touristes britanniques et hollandais avaient dû subir le désagrément d’une fouille intégrale, voiture, valises et caravane sur le bord de la chaussée, avant d’aller sous d’autres cieux, bien décidés à rayer pour toujours Belmont de leur carte estivale.
Monsieur Sylvain n'avait dormi que trois courtes heures dans son bureau équipé pour la circonstance d'un fauteuil à bascule. Sa volonté de tout contrôler lui faisait considérer le sommeil comme une traîtrise de la nature. Il avait donc tenu à être mis au courant de ce qui s'était passé durant ce temps concédé à la faiblesse de sa constitution humaine.
« R.A.S., monsieur le procureur », lui avait répondu Gulliver dans un bâillement mal contrôlé.
« Comment ça, R.A.S. ? Mais il se passe toujours quelque chose.
— Euh...
— Je veux savoir !
— Eh bien, du côté du jardin public nous avons aperçu trois chats manifestement en chaleur qui ont réveillé le voisinage. Une fenêtre s'est ouverte et l'occupant a jeté un seau d'eau, du moins j'imagine que c'était de l'eau, sur les bestioles qui ont pris la fuite. Sinon, rien de vraiment significatif... Ah oui, un couple de touristes suédois a tenté de franchir un barrage sur la R. N. 132.
— Ah, vous voyez bien ! Et alors... Garde à vue ?
— C'est-à-dire que la dame était enceinte, même très enceinte. On peut dire qu'au moment où la voiture a été arrêtée, elle finissait d'être enceinte.
— Expliquez-vous mieux, Gulliver !
— Eh bien, l'accouchement était en train de commencer. Alors le capitaine de gendarmerie a mis à leur disposition deux motards pour les escorter jusqu'à la maternité.
— Sans mon autorisation !
— Il a essayé de vous téléphoner mais vous... dormiez. Vous n'avez pas dû entendre la sonnerie. »
Le procureur marmonna trois mots que Gulliver se dispensa de comprendre. Il n’eut ni l'envie, ni le temps de le faire répéter. Un homme du SRPJ entra.
« Monsieur le procureur, nous avons les conclusions de la balistique. Il s'agit de deux balles tirées d'un magnum 357 Smith et Wesson , modèle Lady Smith... années 70. Les coups de feu ont été portés à moins de cinq mètres, dans le dos de la victime. Vu le calibre, la cage thoracique a littéralement explosé. Une chose est sûre : il n'a pas eu le temps de voir son agresseur.
— Est-ce qu'on a établi la position du tireur ?
— Absolument, monsieur le procureur, absolument ! La première balle est entrée en oblique, de bas en haut, au niveau de la sixième vertèbre pour ressortir à la base du cou.
— Et vous en déduisez... ?
— Tout simplement que le tireur était de petite taille. Car compte tenu de la trajectoire et de la taille de monsieur Patoureau, le tout rapporté à la distance du tir, cela signifie que la main du tireur ne devait pas être à plus d'un mètre vingt ; il est probable que le meurtrier ne doit pas dépasser un mètre soixante, je dirais entre un mètre cinquante cinq et un mètre soixante, ce que d'ailleurs confirme le second tir puisque cette fois, la balle a traversé le corps horizontalement. Or, on sait grâce aux traces de sang laissées sur le capot, que lorsqu'il a reçu le second projectile, monsieur Patoureau était affalé sur sa voiture.
— Vous voyez, Gulliver, ça c'est de l'enquête policière ! »
Gulliver eut envie de répondre qu'il en aurait fait tout autant avec le concours du labo. Mais il s'en abstint, mi- résigné mi-blasé.
« Et ce n'est pas tout, ajouta le policier modèle, nous avons pu identifier l'endroit d'où les coups de feu ont été tirés. C'est juste à l'angle du jardin public et du bâtiment de l'Hôtel de ville.
— Mais dites-moi, Gulliver, un meurtrier dont la taille serait comprise entre un mètre cinquante-cinq et un mètre soixante, ça ne vous dit rien ?
— Ben oui, fit Gulliver, ça veut dire qu'il n'était pas très grand...»
Le procureur soupira.
« Une personne de petite taille du côté du jardin public... ça ne vous inspire toujours pas ? »
Gulliver se souvint de la question du journaliste lors de la conférence de presse.
« Si je ne m'abuse, monsieur le procureur, ça ressemble beaucoup à une femme qui s'enfuit du côté du jardin public. C'est vrai qu'un meurtrier s'enfuit rarement dans la direction de sa victime.
— Le témoin, Gulliver ! Il y a un témoin, c'est sûr. J'exige que l'on retrouve ce témoin. Vous m'entendez, c'est un ordre ! »
Gulliver n'avait pas besoin qu'on lui donne ce genre d'ordre, il savait ce qu'il avait à faire. D'abord retrouver le journaliste qui avait posé la question pour qu’il lui révèle d'où il tenait l’information. Il réalisa très vite que la tâche était ardue, pour ne pas dire impossible. Toutefois, si un journaliste avait pu trouver ce renseignement, il pouvait en faire autant. Le temps pressait. Et si quelqu'un dans Belmont avait vu une femme s'enfuir par le jardin public juste après les coups de feu, il fallait le retrouver sans délai, à moins que ce témoin ne vienne spontanément livrer son information au commissariat. Mais l'expérience lui avait appris qu’on ne pouvait compter sur la spontanéité des témoins. Il n'y avait qu'une solution. Puisque monsieur Sylvain avait décidé d'employer des grands moyens, il allait en faire autant.




Chapitre 26 – Les trésors de la médiatèque

Ésope était soucieux. Le désarroi de madame Galichon l'avait perturbé plus encore peut-être que le meurtre du maire. Bien sûr, il aimait bien monsieur Patoureau avec sa façon débonnaire de diriger la ville. Mais il n'avait jamais noué avec lui de relations privilégiées, confronté à cette méfiance dogmatique du premier magistrat envers la presse. Il s’était installé entre eux une distance qu'Ésope n'avait jamais su abolir. Désormais, la question était résolue et s'il avait un regret, c'était de ne plus avoir à se la poser. Ésope n'aimait pas manquer à son devoir de séduction. C’était la clé de sa réussite. Un journaliste doit séduire, c'est à ce prix qu'il pénètre les cœurs et les âmes pour en extraire la substance essentielle à sa survie : l'information. Monsieur Patoureau exclu du champ des vivants, l'énigme de son hermétisme ne serait jamais dénouée.

Il avait travaillé toute la nuit au numéro spécial que devait sortir le Réveil belmontais. Le plus dur avait été de trouver un titre à mi-distance entre l'hommage et le sensationnel : il avait finalement opté pour : « Belmont en deuil ! » au bas d'une première de couverture qui ne comportait que le portrait du maire affichant un de ces petits sourires nostalgiques et malicieux dont il avait le secret.
Au matin, épuisé, il s'était endormi, la tête sur ses bras croisés, à même son bureau. Il avait été réveillé par un coup de téléphone de l'imprimerie pour un banal problème de mise en page. Dans sa demi-léthargie, le visage ravagé de madame Galichon lui était revenu et ne cessait de l'obséder. Plus encore l'assaillait cette histoire de livre, invraisemblable sans doute ; mais c'est précisément cette invraisemblance qui le tourmentait. Il y avait deux choses auxquelles Ésope faisait confiance : ses informateurs qui l'avaient rarement déçu et son instinct. « Un livre qui rend fou ! » avait dit madame Galichon. Et pour preuve, il y avait ce pauvre Hubert qui gisait quelque part sur son lit d'hôpital, plongé dans sa stupeur.
Il n'y avait rien d’autre à faire, retrouver le bouquin ! Ce livre qu'il se souvenait avoir tenu il y a peu dans sa main et que cet imbécile de policier lui avait arraché : « Pièce à conviction ! » Maintenant que l'affaire Bellemare était close, la pièce à conviction était redevenue une pièce sans conviction pour retourner à sa nature ordinaire d'ouvrage de bibliothèque. Direction le palais de justice ! Il en saurait plus sur la destination du bouquin.

Devant le palais, les places réservées au personnel de justice étaient saturées de voitures aux immatriculations administratives, de fourgons de gendarmerie. Ésope salua les trois policiers en tenue qui assuraient la sécurité du lieu, plan "Urbel" oblige ! À grandes enjambées, il grimpa jusqu’au deuxième étage. À l'entrée des bureaux, il lui fallut montrer patte blanche. Manifestement, les journalistes n’étaient pas les bienvenus. L'homme auquel il présenta sa carte de presse le pria d'attendre quelques instants, le temps de « consulter monsieur le procureur ». Et revint lui demander le motif de sa venue. Dès qu’il eut formulé sa requête, l'homme s’absenta à nouveau.
« Monsieur le procureur vous fait dire qu'il ne veut pas être dérangé. Cependant, il m'a demandé de vous préciser que le livre avait été restitué à la médiathèque. Au revoir monsieur ! »
Ésope s'excusa pour le dérangement et repartit d'un pas encore plus décidé vers la médiathèque.

L’été avait repris ses droits et la médiathèque toute enrobée de lumière ouvrait ses larges baies sur un petit parc que traversait la Polissonne avec nonchalance, caressée par les branches des saules. L'endroit inspirait la sérénité et la méditation. Quelques jeunes gens plus motivés par l'amour que par la culture occupaient les bancs qui regardaient la rivière. On eût dit l'endroit préservé des tourments de la ville.
Ésope se dirigea vers le bureau de la bibliothécaire, une jeune femme avenante à la blondeur délicate. En cette fin de juillet, la fréquentation de la médiathèque était confidentielle. Aussi l’hôtesse fut-elle ravie de la visite. Elle lança à Ésope un « Bonjour monsieur ! » des plus accueillants qui laissait percer l'envie d'être enfin utile.
« Mademoiselle, une personne du tribunal ne vous aurait-elle pas récemment rapporté un livre, un vieux livre, dont la couverture abîmée ne comporte aucun titre ? »
Le visage de la demoiselle s'illumina encore plus.
« Ah oui ! Tout à fait ! Tout à fait ! »
Il fut un peu déçu. Il n'aimait pas les "toutafaitistes". Cependant, le sourire persistant de la bibliothécaire lui fit rapidement oublier cette manie de langage.
« Où pourrais-je le consulter ?
— Eh bien, justement il est au référencement, le problème étant de lui décerner... comment dirais-je ? une identité. Vous comprenez, tous nos ouvrages sont répertoriés sur ordinateur, par thème, par titre, par auteur et par éditeur. Or, celui-ci n'a précisément ni titre, ni... »
Ésope la coupa.
– Ni auteur, ni éditeur ! Oui, je sais. Mais c'est pour cela qu'il m'intéresse. Voyez-vous, je suis journaliste au Réveil belmontais et je fais un article promotionnel sur la médiathèque que j'envisage d'intituler : « Les trésors de la médiathèque».
Le sourire de la bibliothécaire se fit encore plus large.
« Ah, très bien. Tout à fait intéressant, tout à fait ! Et vous voudriez consulter l'ouvrage.
— On dit qu'il s'agit du plus ancien que vous possédez. Et je me demande si même à lui seul, il ne mériterait pas un article. »
Puis il ajouta, en lui rendant son sourire :
« Si j'osais, je vous demanderais pour l'article d'accepter d'être prise en photo avec l'ouvrage dans les mains. Cela justifierait encore plus mon titre. »
La jeune fille éclata d'un rire sonore et juvénile qui incita Ésope à lui pardonner totalement ses "tout à fait".
« Mais bien sûr, avec plaisir, tout à fait ! Je vais le chercher.
— Un instant, mademoiselle, euh... juste une question. L'avez-vous consulté cet ouvrage ?
— J'ai commencé, répondit-elle, mais je n'ai pas eu le temps de le finir.
— Et... vous... vous allez bien ? »
Le sourire de la jeune fille disparut pour une ombre d'inquiétude.
« Tout à fait... pourquoi cette question ?
— Non, non, pour rien.
— Bon, je vais chercher le livre. J'arrive.
— Tout à fait ! » laissa échapper Ésope.
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Message  Invité Sam 16 Mai 2009 - 9:41

Toujours excellent ! Je me régale. Cela dit, à un moment il y a un peu trop de "médiathèque" (et puis vous avez oublié un "h" dans le titre du chapitre 26) :
"le livre avait été restitué à la médiathèque. Au revoir monsieur ! »
Ésope s'excusa pour le dérangement et repartit d'un pas encore plus décidé vers la médiathèque.

L’été avait repris ses droits et la médiathèque"
et
"je suis journaliste au Réveil belmontais et je fais un article promotionnel sur la médiathèque que j'envisage d'intituler : « Les trésors de la médiathèque».""

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Message  bertrand-môgendre Sam 16 Mai 2009 - 12:54

Je lirai ton livre avec plaisir Hélian.
C'est pour quand ?
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Message  Invité Sam 16 Mai 2009 - 19:14

Eh bien, je renouvelle mon "excellent". Quelqu'un va-t-il finir par soupçonner le bouquin ? Ce devrait être Esope, mais la bibliothécaire dit avoir parcouru l'ouvrage, et sans dommage... à moins qu'il s'agisse d'un autre livre, parce que, quand l'aurait-elle rapporté, le bouquin maudit, la greffière perdue ?

Sinon :
"qui pourtant était athée"

< socque : toutes nos excuses, mais une légère réorganisation nous oblige à vous demander de bien vouloir réitérer ce message après les § 27 et 28 ci-dessous. Merci ! ;-) >

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Message  Hellian Sam 16 Mai 2009 - 22:02

Chapitre 27 - Une femme sans histoire

Denise Dugrave n'était pas une femme à histoires. Elle avait même horreur des histoires. D'ailleurs, c'est à peine si elle en avait une d'histoire. Elle était née à Belmont, avait été à l'école de Belmont, suivi une formation de secrétaire à Belmont, mais ne s'était pas mariée à Belmont… tout simplement parce qu'elle ne s'était pas mariée. Elle vivait à Belmont avec sa vieille maman qui avait besoin d'elle. En cinquante-trois ans, elle était allée trois fois en vacances, la première, quand elle était petite chez son oncle Lucien en Picardie, la deuxième à vingt-deux ans avec une copine à Trouville pendant une semaine et la dernière, il y a dix ans, avec sa mère pour un pèlerinage sur la tombe de son grand-père à Saint-Hilaire du Harcouêt. Depuis, elle avait une fois pour toute considéré que Belmont suffisait à sa vie, d'autant qu'il n'était pas question pour elle d'abandonner sa mère qui lui répétait si souvent qu'elle était sa seule famille. Son unique audace avait été de fréquenter vers la trentaine un homme marié qui ne lui avait guère laissé espérer d'autres joies que clandestines. Cela lui avait donné une idée sommaire de l'amour. Elle avait néanmoins été étonnée des réactions de son corps, y avait pris goût mais avec une culpabilité grandissante qui avait contribué à mettre un terme à ses folies, notamment le jour où l'épouse du monsieur avait fait procéder à un constat d'adultère. Depuis lors, ses relations avec les hommes en général s'étaient étiolées. Aussi n'était-il pas question pour elle de témoigner.

Lorsque la voiture munie de son haut-parleur était passée dans la rue, elle avait entendu son mugissement avec effroi : « La personne qui a vu, samedi vers vingt-et-une heures trente, à l'angle de l'Hôtel de ville et du jardin public, une femme de petite taille s'enfuir en courant, est priée de se présenter au commissariat dans les plus brefs délais... La personne qui a vu... »

Denise Dugrave était la personne qui avait vu ! Mais de là à être celle qui se présenterait au commissariat, il y avait toute une série de pas qu'elle ne franchirait pas. Comment avaient-ils pu savoir ? Elle n'en avait parlé à personne, sauf à maman, mais maman ce n'était pas pareil, en tout cas ce n'était pas une personne puisque c'était sa mère.
« Denise...Deniiiise ! »
La voix venait de l'étage.
« J'arrive, maman. »
Denise grimpa aussi vite qu'elle put, ouvrit la porte de la chambre.
« Denise, t'as entendu ? Ils savent !
— Mais maman, j'en ai parlé à personne.
— C'est pas Dieu possible, ils savent ! Qu'est-ce qu'on va faire ? »
Sur ses draps blancs, les mains de madame Dugrave mère s’étaient crispées.
« T'inquiète pas, maman, y nous trouveront pas... T’inquiète pas !
— Denise, pourquoi tu m'as dit ça ? Tu ne te rends pas compte, à mon âge !
— Mais maman...
— Tais-toi, Denise, tais-toi ! Tu veux mon malheur... Tais-toi !
— Mais maman, tu sais bien que non, plaida Denise.
— Pourquoi es-tu allée traîner, l'autre soir ? Tout ça ne serait pas arrivé si tu n'étais pas allée traîner au jardin public.
— Mais maman, tu sais bien que j'étais allée faire faire ses besoins à Bichette. »
La petite boule de poils blancs crépus qui avait suivi Denise jusque dans la chambre se mit à japper à l’énoncé de son nom.
« Tais-toi, Bichette, tais-toi ! Toi aussi, tu veux mon malheur. »
L'animal émit un glapissement et se tut.
« Mais maman, c'est pas possible qu'ils sachent. J'en ai parlé à personne, seulement à toi... Ou alors, c'est toi... c'est toi qui en as parlé !
— Moi, moi ! Mais comment peux-tu m'accuser d'une chose pareille, moi, ta mère ? » Le visage de madame Dugrave s'empourpra.
« Ah mon Dieu, rappelle le médecin, je vais passer...
— Maman, cria Denise, à qui, à qui ? »
Des larmes coulèrent sur les joues de la vieille femme suivant le sillon de ses rides. Elle regarda sa fille avec fureur et lâcha :
« À l'infirmière !
— Tu l'as dit à l'infirmière !
— Oui ! Dimanche quand elle m'a raconté ce qui s'était passé. J'ai pas pu m'en empêcher… Je lui ai dit que t'avais vu une femme qui courait, juste après les coups de pistolet. J'étais fière de toi.
— Mais maman, c'est terrible, ils vont savoir que c'est moi !
— Madame Pelletier ne parlera pas.
— Mais bien sûr que si ! Elle a même déjà dû parler. Sinon, comment ils auraient su qu'il y avait un témoin ?
— C'est affreux, c'est affreux ! Cette infirmière, elle veut mon malheur, se lamenta de nouveau madame Dugrave. Qu'est-ce qu'on va devenir ? Denise...Deniiiise ! Je ne veux pas que tu ailles en prison !
— Mais maman, on ne va pas en prison pour ça quand même ! Pas parce que j'ai vu quelque chose qu'il ne fallait pas voir.
— Ma pauvre petite fille, tu sais, ils sont capables de tout. Et si tu vas en prison, moi je n'y survivrai pas. Oh la la, c'est sûr, ils veulent mon malheur, ces gens-là ! »
Les lamentations de madame Dugrave suscitèrent en écho celles de la chienne. Bientôt, la chambre fut emplie d'un concert de hurlements où l'on ne parvenait plus à distinguer la voix des deux femmes de celle de l'animal qui reprenait les modulations vocales de ses maîtresses.

Aussi, ni la mère, ni la fille n'entendirent le premier coup de sonnette. Seule Bichette s'interrompit, dressa l'oreille et renoua soudain avec son rôle de chien de garde en se mettant à aboyer plus professionnellement. Puis elle se rua dans l'escalier en ponctuant ses aboiements de grognements de mauvais augure. Les deux femmes cessèrent leurs pleurnicheries, un instant stupéfaites, juste le temps d'un second coup de sonnette.
« C'est qui ? » interrogea la mère.
La réponse lui parvint directement du rez-de-chaussée.
« Police ! Ouvrez !
— Oh mon Dieu, oh mon Dieu ! » répondit madame Dugrave.
Comme un automate, Denise sortit de la chambre, referma consciencieusement la porte et descendit vers son destin. Elle ferait face. Et s'il fallait aller jusqu'au bout, jusqu'au sacrifice de sa personne, elle ne reculerait pas. La chienne jappait plus fort.
« Mademoiselle Dugrave, s'il vous plaît, ouvrez ! Vous n'avez rien à craindre. Je suis le commissaire Gulliver. Vous me connaissez ! »
Lentement, elle alla ouvrir et tendit ses poignets. Gulliver étonné regarda cette femme les deux bras en avant.
« Eh bien que se passe-t-il, mademoiselle Dugrave ?
— C'est moi, commissaire, j'avoue. C'est moi, mais je ne veux pas que l'on fasse du mal à maman.
— Vous avouez quoi, mademoiselle Dugrave ? interrogea Gulliver, de plus en plus perplexe.
— Je suis celle que vous cherchez. »
Le commissaire lança un regard étonné au policier qui l'accompagnait.
« Que voulez-vous dire ? Expliquez-vous mademoiselle Dugrave !
— J'ai vu la femme qui s'enfuyait par le jardin public, mais je vous assure que je ne l'ai pas fait exprès.
— Mademoiselle Dugrave, nous voulons simplement recueillir votre témoignage. Nous savons par madame Pelletier, l'infirmière de votre maman, que c'est vous qui avez effectivement vu la femme. Nous voulons juste recueillir votre témoignage qui peut être décisif pour l’enquête... Et cessez donc de me tendre vos poignets, s'il vous plaît. »
Denise baissa les bras et ne sachant qu'en faire, les mit dans son dos. De la chambre d'en haut parvint la voix de sa mère.
« Denise, qu'est-ce qui se passe ? Ils ne vont pas t'emmener ?
— Ne vous inquiétez pas, madame Dugrave, c'est juste une formalité, précisa Gulliver se voulant rassurant. Mademoiselle Dugrave, pouvez-vous nous suivre jusqu'au commissariat ?
— Comme ça, tout de suite ? Mais, je ne peux pas laisser maman toute seule avec ce qui se passe en ce moment.
— Je suis certain que votre maman ne craint rien avec votre chien. »
Les grognements menaçants de l'animal n'avaient pas cessé, traduisant en effet une aversion certaine pour les intrus.
« Maman, je reviens tout de suite. Ne t'inquiète pas, je te raconterai. »
Et la porte se referma sur un « Deniiiise ! » désespéré. Encadrée des deux policiers, mademoiselle Dugrave se dirigea vers le commissariat.
« Vous savez, monsieur le commissaire, voulut-elle préciser soudain guillerette, en fait j'ai pas vu grand-chose, mais ce que j'ai vu, je l'ai bien vu.
— Et qu'avez-vous vu, mademoiselle Dugrave ?
— Eh bien, j'ai entendu comme deux coups de fusil. Alors, vous comprenez, ça m'a surprise et je me suis aussitôt dirigée vers l'endroit d'où provenait le bruit.
— Et alors ?
— Alors, au moment où j'arrivais place de l'Hôtel de ville, j'ai vu une femme qui courait avec un sac à main.
— Vous la reconnaîtriez ?
— Ah non, parce qu'elle était de dos. Mais ce que je sais, c'est qu'elle n'était pas très grande.
— Mais encore, avez-vous remarqué quelque chose, je ne sais pas, moi, son habillement ?
— Ah non, son habillement, je m'en souviens pas. Par contre, je me souviens d'une chose, c'est qu'elle était blonde et qu'elle avait l'air plutôt jeune, à courir comme elle courait. »









Chapitre 28 – Une étrange absence

La discrétion est une vertu dont l'inconvénient est de passer inaperçue jusqu'à susciter l'oubli de la personne qui en est dotée. Au palais, Janine Gajour avait ce privilège d'être considérée comme une personne discrète, tellement discrète qu'à l'exception du juge d'instruction qui chaque matin la retrouvait à son poste, personne ne faisait vraiment attention à elle. Aussi, en l'absence du magistrat, nul, dans l'effervescence des événements, n'avait remarqué son absence depuis lundi. Ce n'est que le lendemain qu'un appel téléphonique au cabinet d'instruction alerta ses collègues. Aucune réponse ! Ce n'était guère dans ses habitudes. Lorsque la greffière en chef voulut vérifier les raisons de ce silence, elle se heurta à porte close. Il fallut se rendre à l’évidence, Janine Gajour n'était pas là. Une enquête rapide dans les bureaux confirma cette absence. Non seulement elle n'était pas là, mais elle n'était pas venue la veille. Plus encore, elle n'avait pas justifié des motifs de son absence, ce qui ne lui ressemblait pas. En effet, les rares fois où la maladie l'avait tenue au lit, elle avait dans la demi-heure avisé les services. Janine avait déserté sans prévenir. Les appels multiples à son domicile étaient restés vains. L'inquiétude dont le germe était fertile en cette période, gagna tout le monde, jusqu'au président du tribunal qui décida d'envoyer sans attendre la greffière en chef à sa recherche.

Dans un petit village de la proximité de Belmont Mademoiselle Gajour occupait une modeste maison qui lui ressemblait. Nichée au détour d'un chemin boisé, au milieu d’un champ de pommiers, la chaumièreprotégée des regards par une haie sauvage d'aubépine et de sureau. Janine vivait seule, n'ayant jamais voulu associer son existence à quiconque en dépit des propositions. Célibataire, elle l’était plus par conviction que par obligation, se suffisant à elle-même, du moins comme elle le disait à sa mère inquiète de voir sa fille aborder la quarantaine sans lui avoir donné de petits-enfants.

Poussant une aimable barrière de bois blanc, la greffière en chef emprunta la petite allée menant à l’habitation, franchit une courette clôturée qui protégeait des animaux les buissons fleuris. Elle frappa à la porte, refrappa plus nerveusement. Aucune réaction. Les vitres qui faisaient miroir sous la lumière de midi reflétaient la verdure environnante. Pas le moindre signe à l'intérieur.
« Mademoiselle Gajour ! » appela-t-elle, en cognant cette fois du poing sur la fenêtre.
Silence et bruissement du vent dans les sapins vers le bois.
« Janine ! Janine ! »
Nouveau choc sur les carreaux manquant de les casser. Toujours le chant du vent dans les sapins. Tout à coup, un crissement venant de la maison. La visiteuse qui s'apprêtait à renoncer pressa son visage sur la vitre et scruta. Elle y discerna l'ameublement simple d’une salle de séjour qu'un bouquet un peu fané avait dû égayer. Le tout immobile, y compris l'horloge au balancier de cuivre. Le bouquet passé et l'horloge figée révélaient un abandon des lieux. Janine n'était même pas rentrée chez elle. La greffière allait faire demi-tour lorsqu'un miaulement plaintif se fit entendre. Tout aussitôt, jaillissant on ne sait d’où, un chat se colla contre la vitre en continuant ses plaintes. L'animal devait être affamé. Une impression d'insolite saisit la greffière. Quelque chose n'allait pas. Ce chat en quête de secours, cela ne correspondait pas à Janine. Elle n'était pas de celles qui abandonnent un animal. Elle se souvenait du jour où lors de la pause café, mademoiselle Gajour, avait raconté, les larmes aux yeux, comment elle avait recueilli ce minuscule bout de chat tout efflanqué auquel elle avait redonné vie.

Il était arrivé quelque chose ! À trois pas une autre petite fenêtre reflétait un rosier généreux. Un rideau tiré occultait la vue, laissant une fente de quelques centimètres. On ne pouvait avoir qu'une vision oblique et très partielle de l’intérieur. S'y devinait l'extrémité d'un lit qu'un petit espace séparait d'une commode surmontée d’un miroir. Peut-être qu'en se déplaçant légèrement il serait possible d’apercevoir dans le reflet de la glace le contenu de la pièce. Il fallait attendre quelques secondes que le regard s'habituât à la pénombre. Des masses un peu confuses se dessinaient. Tout d'abord, apparut le chevet du lit et sa table de nuit, puis la ruelle. La chambre était minuscule et la disposition du miroir en donnait presque une vue d'ensemble.
Madame la greffière en chef mit plusieurs secondes avant d'identifier l'objet qui encombrait la ruelle. D'ailleurs, ce n'était pas exactement un objet puisque dans le fond du miroir apparaissait le petit corsage gris de Janine Gajour. En bordure du cadre qui coupait les jambes à mi-cuisses, se reflétait la jolie petite jupe en lin bleu clair qu'elle portait vendredi.
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Message  Hellian Sam 16 Mai 2009 - 22:03


Chapitre 29 – Tels sont les hommes



« Messieurs, faisons le point ! »
Le procureur Sylvain était à son aise. Avec autour de lui son escouade de policiers, il se donnait l'impression d'être un général d'armée avant l'assaut et déambulait l'air inspiré, les mains jointes, le regard comme en lui-même.
« Nous savons désormais que l'assassin du maire est une femme plutôt jeune, blonde et de petite taille. Les coups de feu ont été tirés quasi à bout portant avec un magnum.
— Affirmatif ! » fit l'un des hommes.
Cette approbation militaire fit naître un frisson dans son dos. C'était bien ça, il était de la graine des Bonaparte, un chef, un meneur d'hommes.
« Bien ! Je formule une hypothèse et je pose une question : qu'est-ce qui amène une femme blonde, de petite taille, plutôt jeune, à assassiner un homme ? Je vous le demande ? »
Les hommes restèrent silencieux.
« La réponse est simple, messieurs, simple comme l'histoire des hommes et des femmes depuis le début de l'humanité : la passion ! Nous sommes en présence d'un banal crime passionnel. Gulliver, avez-vous cherché dans la vie du maire, ses relations, ses maîtresses ?
— Si je peux me permettre, monsieur le procureur, monsieur Patoureau était ce que l'on appelle un homme rangé.
— Un homme rangé, Gulliver, ça n'existe pas. Dans la vie de tout homme il y a une place pour le désordre. Cette place est plus ou moins dissimulée, c’est tout.
— Eh bien, pour parler clair, on ne lui connaissait aucune liaison. Il n'avait que deux passions : sa femme et sa ville. Je devrais même dire sa ville et sa femme.
— Ça, mon cher, c'est l'image officielle. Mais derrière l'image, Gulliver, vous savez ce qu'il y a ? »
Gulliver hésita. Il ne savait pas ce qu'il y avait derrière l'image.
« Il y a la version noire de la nature humaine, l'individu dans son ébauche sauvage.
— Mais, je vous assure, monsieur le procureur, ça se saurait. Monsieur Patoureau était un homme clair dans sa vie et dans sa tête.
— Et madame Schaefer, cette sainte madame Schaefer, elle était claire dans sa vie peut-être, lorsqu'elle louait des chambres pour abriter les amours juvéniles ? »
Gulliver sentait bien qu’il n'aurait pas le dernier mot. Le procureur Sylvain cultivait une conception négative de l'humanité. Il connaissait sa théorie du criminel qui s'ignore pour l'avoir entendue de multiple fois : « Tout homme porte en lui une potentialité criminelle, vous, moi ! Ce n'est qu'une question de circonstances. »
— Donc, poursuivit le magistrat, les choses sont désormais beaucoup plus évidentes. Nous avons une hypothèse de travail. Et ça, messieurs, une hypothèse, c'est important. Il nous faut chercher la faille dans la vie de la victime. Et la faille, c'est la femme, la femme qui avait intérêt à le tuer. Voilà. La réunion est terminée. »

Les policiers allaient se lever lorsque le président du tribunal entrouvrit la porte de la salle de réunion.
– Monsieur le procureur, pouvons-nous nous entretenir un instant dans mon bureau ? »
Le ton était grave. Les deux hommes franchirent en silence les quelques mètres qui conduisaient vers le cabinet présidentiel. Le président referma avec soin la porte, rejoignit son bureau, pria le procureur de s'asseoir et poussa un soupir. C’était un homme pondéré dont le travers était d'être habité en permanence par une immense lassitude. Aussi prenait-il toujours son temps avant de parler ou d'agir. Mais en l'occurrence, monsieur Sylvain discerna chez lui une agitation inhabituelle.
« Monsieur le procureur, nous avons un problème, un gros ! »
Nouveau soupir suivi d'un silence.
« De quoi s'agit-il, cher ami ?
— Vous connaissez mademoiselle Gajour ?
— La greffière d'instruction, bien évidemment !
— Je veux dire, vous la connaissez bien ?
— C'est un agent de service assidu et bien noté.
— Vous n'avez rien remarqué de particulier dans son comportement, ces jours derniers ?
— Pas que je sache, si ce n'est peut-être une certaine démotivation pour son travail depuis l'incident Bellemare. Mais si vous en veniez aux faits, monsieur le président.
— Vous avez raison.. Eh bien voilà , mademoiselle Gajour est entre la vie et la mort à l'hôpital depuis ce midi.
— Que lui est-il arrivé ?
— On ne sait pas. Les services de secours alertés par madame la greffière en chef que j'avais priée d'aller en mission chez elle, l'ont trouvée inanimée dans sa chambre.
— Elle a été agressée ?
— Pas précisément. Mais le médecin chef de l'hôpital m'a confié, il y a un instant, qu'elle était dans un état d'anémie très avancé qui laissait supposer que sa chute ou son évanouissement devait remonter à plusieurs jours, probablement à samedi soir ou dimanche matin.
— Elle a dû avoir un malaise et comme elle vit seule...
— Oui, je me félicite d'avoir pris l'initiative de lui adresser madame la greffière en chef. Cela l'aura sans doute sauvée, enfin si les médecins parviennent à la réanimer.
— Eh bien, tout cela est regrettable, monsieur le président, mais, Dieu merci, mademoiselle Gajour s'en tirera et je suis sûr que tout finira bien. »
Le procureur ne comprenait pas l'air accablé du président.
« Je crains que non, cher, je crains que non...
— Quel est le pronostic des médecins ?
— Oh, ce n'est pas le pronostic médical qui m'inquiète le plus. Ce serait plutôt ça... »
Ce disant, le président fit glisser le tiroir qui se trouvait à sa droite et en sortit un objet enveloppé dans un linge qu'il plaça sur son bureau.
« Qu'est-ce que c'est que ça ? interrogea monsieur Sylvain en s'apprêtant a déployer le tissu.
— Attention ! N'y touchez pas. »
L'autre esquissa un mouvement de recul.
« Mais enfin, de quoi s'agit-il ? »
Le ton devenait agacé.
En poussant un soupir des plus profonds, le président s'appliqua avec précaution à débarrasser l'objet mystérieux de son linceul. Lorsqu'il eut disposé bien à plat sur son bureau le petit carré de serviette blanche, le procureur resta figé, les yeux braqués sur l'objet noir.
« Qu'est-ce que c'est que ça ? interrogea-t-il au bout de quelques secondes.
— Un magnum si je ne m'abuse.
— Et vous avez trouvé ça où ?
— Oh, ce n'est pas moi qui l'ai trouvé, mais madame la greffière en chef, en présence des pompiers, dans la table de nuit de mademoiselle Gajour.
— Comment ? Mais vous ne voulez pas dire que...
— Je crains que si, mon cher, je crains que si, répéta d'un air désabusé le président.
— Mon Dieu ! s'exclama le procureur Sylvain qui pourtant était athée.
— Hélas, continua le président, hélas il faut bien se rendre à l'évidence. Mademoiselle Gajour n'est pas très grande, elle est blonde et, ma foi, je crois bienqu'elle doit prendre quarante ans à la fin de cette année, ce qui nous permet de la considérer comme plutôt jeune, n'est-ce pas ?
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Message  Sahkti Dim 17 Mai 2009 - 9:02

Ce serait bien d'ajouter 29 dans le titre si on a regroupé le chapitre avec les précédents, merci.
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Message  Roz-gingembre Lun 18 Mai 2009 - 6:26

Toujours autant de plaisir à lire cette histoire. Merci Hellian, j'attends la suite
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Message  Invité Lun 18 Mai 2009 - 6:48

Oh oh ! Une greffière suspecte maintenant, où va-t-on ?!! Tension et suspense croisssants, on ne s'en lasse pas Hellian !
Aussi, très réussi le personnage de Denise Dugrave à la maman pot de colle.

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Message  Sahkti Mer 20 Mai 2009 - 13:10

Etat de siège

On peut dire qu'au moment où la voiture a été arrêtée, elle finissait d'être enceinte.
— Expliquez-vous mieux, Gulliver !
— Eh bien, l'accouchement était en train de commencer. Alors le capitaine de gendarmerie a mis à leur disposition deux motards pour les escorter jusqu'à la maternité.
— Sans mon autorisation !

Hahaha j'ai adoré cette partie, bien à l'image de Sylvain et de Gulliver, je les aime bien ces deux-là.

Un chapitre habile et bien mené, avec des dialogues amusants qui sonnent juste et ce ton que tu maîtrises bien, mélange de familiarité et d'enquête policière.
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Message  Sahkti Mer 20 Mai 2009 - 14:39

Les trésors de la médiathèque

Il n'aimait pas les "toutafaitistes
Mince, je me suis rendue compte que je le disais souvent au boulot :-(
:-))

Je suis étonnée, juste un peu, que le travail de répertoriage du livre (identité, etc) s'annonce complexe, dans la mesure où si je me souviens bien, ce livre apparaît dans le second chapitre, à la bibliothèque, où il devait donc posséder une fiche complète d'identité qui pourrait être réutilisée, non?

--------------------------------------------

Une femme sans histoire

Ta Denise Dugrave me fait penser à Susan Boyle quand tu la présentes :-)

Nouveaux personnages, nouveau tournant dans l'histoire, ça se lit toujours avec plaisir et facilité, impecc !

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Une étrange absence

Pauvre Janine ! Un chapitre qui pourrait être davantage développé mais qui tient tout de même bien la route.

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Tels sont les hommes

Pauvre Janine bis! La voilà suspectée d'on ne sait quoi. Chiche que Sylvain le malin va penser qu'elle entretenait une liaison avec Patoureau ou qu'elle l'aimait au point de vouloir le tuer si elle elle voyait avec une autre ou bien...
Suite au prochain épisode !! :-))
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Message  Hellian Jeu 21 Mai 2009 - 15:59

bertrand-môgendre a écrit:Je lirai ton livre avec plaisir Hélian.
C'est pour quand ?

Bertrand, je ne peux pas te répondre. Je n'en sais rien.

J'ai envoyé le manuscrit dans sa première version. Une réponse plus qu'encourageante m'est parvenue avec la recommandation de procéder aux corrections ainsi qu'à la réécriture de trois chapitres.

Puis, grosse paresse de ma part ou plutôt mille autres choses à faire au plan professionnel et le temps qui passe jusqu'à ce que je retrouve la motivation de le reprendre en particulier et surtout grâce à vos encouragements.
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Message  Invité Jeu 21 Mai 2009 - 16:08

Mais, Hellian, si Le murmure des bergers a été accepté pour publication, ce n'est pas gênant que vous en donniez des chapitres sur Internet ?

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Message  Hellian Jeu 21 Mai 2009 - 17:04

Au jour où nous parlons, je n'ai rien signé, pris aucun engagement. Juste eu le paisir de recevoir une lettre d'un éditeur me disant en substance " votre manuscrit nous intéresse"

C'était il y a deux ans .

je n'ai pas donné suite pour les raisons exprimées supra et aussi parce que j'ai de gros problèmes de vision qui me rendent la correction très difficile.

Aujourd'hui, oui, je publie sur internet.

Si mon petit truc est vraiment intéressant, cet éditeur (ou un autre ) y trouvera son compte quoi qu'il en soit.

A défaut, tant pis pour l'éditeur plus que pour moi . J'aurais eu, quant à moi, le bonheur d'un partage avec vous. Ici au moins, j'ai des lecteurs éclairés réactifs et il ferait beau voir qu'on me prive de ce plaisir

Je ne cultive pas trop le mythe éditorial, même si, évidemment, cela ne me déplairait pas de me voir édité. Je me dis que cela se fera si ça doit se faire.

Et puis, attendez, chère Socque, vous n'avez pas tout lu... c'est peu-être nul au bout du bout.
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Message  Invité Jeu 21 Mai 2009 - 17:23

Hé hé ! Même, ce que j'ai lu compense déjà amplement une fin nullissime (de toute manière je n'y crois pas).

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Message  Soliflore Sam 11 Juil 2009 - 19:42

Bien sûr, Héllian, qu'il faut éditer!

Passionnant et fort bien écrit.

Je poursuis....
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Message  Halicante Mar 8 Sep 2009 - 18:47

Chapitre 25 :
« — Je fais de mon bureau un QG permanent et je veux être tenu heure par heure, minute par minute s'il le faut, au courant de tout ce qui se passe. » » : j’aurais mis « heure par heure, minute par minute s'il le faut » à la fin de la phrase, sinon « tenu » me semble trop éloigné de « au courant. » (p 134)

Chapitre 28 :
« Nichée au détour d'un chemin boisé, au milieu d’un champ de pommiers, la chaumièreprotégée des regards par une haie sauvage d'aubépine et de sureau. » : il manque un espace. (p 151)

Chapitre 29 :
« Mademoiselle Gajour n'est pas très grande, elle est blonde et, ma foi, je crois bienqu'elle doit prendre quarante ans à la fin de cette année, ce qui nous permet de la considérer comme plutôt jeune, n'est-ce pas ? » : l’expression « prendre quarante ans » m’est inconnue dans ce sens (je la comprends comme "prendre 40 ans de prison") ; il s’agit peut-être d’un régionalisme ? (p 158)
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