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FRAGMENTS : le fil de vos textes courts

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FRAGMENTS : le fil de vos textes courts - Page 21 Empty Re: FRAGMENTS : le fil de vos textes courts

Message  Invité Mar 11 Juin 2013 - 13:03

.....Nous devons nous retrouver ce soir. Depuis quelques jours les tensions éclatent au sein de notre petit groupe. Des rancœurs et des désirs, jusque-là formulés intuitivement, sont en train de s'expliciter sinon de s'exacerber, en tout cas d'apparaître hors de l'eau, et nous en avons tous les quatre conscience. Une corde nouée au centre coulisse entre nos corps, nos passés, nos prescriptions intimes. Nous sommes les meilleurs amis depuis longtemps déjà, nous avons été voyeurs en conscience les uns des autres, voyeurisme protecteur, amical. Mais la bienveillance n'existe jamais seule, et toujours des hiérarchies tacites, des enjeux de pouvoir, des duels de puissance innervent les relations les plus entières. L’autre ne revêt jamais une importance telle qu'on en oublie totalement ses propres intérêts, désirs, jalousies. Le lien n'en perd pas de sa valeur, au contraire ; mais le lien ne se débarrasse jamais du duel, l’affection d'un besoin ponctuel et véhément d'asseoir sa domination, surtout au sein d'une petite structure où se lovent des jeux d'échos, des effets miroirs, des souvenirs communs, des sociétés mouvantes et plus fortes que soi.

.....Nous nous sommes réunis dans le jardin derrière la maison, ce jardin que nous aimons tous et qui semble parfois contenir, dans sa forme même, dans sa végétation, dans ses néons, jusque dans la tonnelle, l’eau de la piscine et les dalles de la terrasse, la substance de notre tendresse. C’est notre arrière-monde, notre cocon-sanctuaire où nous venons nous raconter de vieilles histoires, rire grassement entre nous, délivrés d’une présence extérieure, d’un ami un peu moins connu, d’une connaissance un peu moins aimée. Il y a toujours en dehors de ce lieu intermédiaire une sorte de témoin accidentel, parasitaire et surnuméraire que nous nous devons d’accepter sous peine d’être accusés de sectarisme. Dans le jardin derrière la maison, c’est le soulagement, le refuge, l’humour est décomplexé, la transgression possible, le ridicule absent. L’ordre naturel des actes à la pensée est retrouvé.

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Message  Invité Mar 11 Juin 2013 - 13:06

......G. connaît les défaites et les moqueries. G. habitait dans une rue pas plus, pas moins glauque que les autres rues du village. On y trouvait des bars, des gens perdus et primitifs. Quand à huit ans il arrivait à l’école en pleurs, c’est que la voisine avait crié toute la nuit jusqu’à s’égorger. Le mari de la voisine buvait, battait, tirait n'importe où avec son fusil de chasse. Une fois il est arrivé qu'une balle pète le carreau d'une chambre où un nourrisson dormait. Je crois qu’encore aujourd’hui G. a cette peur très grande des gens bizarres, des fous, des vitres brisées par les armes à feu.
......Quand à huit ans il arrivait à l’école en pleurs, c’est aussi que ses parents commençaient à se séparer. Je me souviens des affaires balancées par la fenêtre. Je me souviens des après-midis où je débarquais sans prévenir. Quand un intrus arrive au milieu d'un chez-soi chaotique, je crois qu'on essaie toujours de mimer l'ordinaire, de faire valoir une sorte d'innocence. Eux simulaient avec tant d'excès que leurs gestes et leurs mots semblaient soudain encombrés de cire, en partance vers un étrange et improbable degré zéro de vie. Cela me gênait terriblement, et aujourd'hui je ressens ce malaise par l'intermédiaire d'autres malaises, comme s'il y avait un hasardeux réseau de significations entre des moments, des lieux et des personnes que rien ne lie outre le fait d'avoir un jour existé devant moi.
......J'aimais bien ses parents sinon, ils étaient si jeunes, si beaux, si réactifs et protecteurs, désorganisés et solaires, perdus eux aussi mais à la manière des sensibles et des gentils, pas comme les sauvages voisins. Cet égarement dont G. héritera et qui constituera toute sa fierté et toute sa solitude. Quand à huit ans il arrivait à l'école en pleurs, il avait déjà gagné un peu du mérite de ses parents, celui d'être en butte à la virulence de la réalité, celui de ne pouvoir gérer convenablement les choses.

......Plus tard G. va beaucoup échouer, beaucoup ressentir de honte, surtout à l'adolescence ; c'est pour ça qu'aujourd'hui il a cette armure qui le sauve et qui l'enferme.

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Message  Invité Mar 11 Juin 2013 - 14:09

L’autre ne revêt jamais une importance telle qu'on en oublie totalement ses propres intérêts, désirs, jalousies.
Si, et heureusement que le concept d'abandon existe, au moins dans les sociétés romantiques, à défaut d'être pertinent dans les sociétés dangereuses.

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Message  Invité Mar 11 Juin 2013 - 19:43

les deux lectures sont enrichissantes mais c'est surtout le deuxième texte qui retient mon attention...
avec ceci, bien sûr :
lu-k a écrit: Quand à huit ans il arrivait à l'école en pleurs, il avait déjà gagné un peu du mérite de ses parents, celui d'être en butte à la virulence de la réalité, celui de ne pouvoir gérer convenablement les choses.
comme on se comprend bien !

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Message  Invité Mer 12 Juin 2013 - 14:29

je te livre ce que m'ont inspiré tes deux textes...

je me suis arrêtée sur le choix de ce mot armure à la fin, parce qu'il ne s'agit pas de carapace: il renvoie plutôt concrètement à l'image d'une noble/belle/lourde protection.
"c'est pour ça qu'aujourd'hui il a cette armure qui le sauve et l'enferme", cela me pose question:
elle l'enferme, ou elle bloque simplement à l'autre un accès souhaité?
qui ne s'est pas heurté à ce genre de barrière de protection dans ses relations...!

et du coup en juxtaposant ces deux textes, je rapprocherais les enjeux de pouvoirs du fait d'avoir envie de mettre l'autre (tous les autres quels qu'ils soient) à nu, lui faire quitter cette protection. il serait alors question, si dualité il y a, soit de faire tomber les masques, soit d'une fragilisation à caractère possessif: entre l'attrait d'une connaissance plus profonde, ou les "intérêts, désirs, jalousies".

en amour, il arrive qu'on souhaite percer l'armure de l'autre, pour que ce qui nous est caché de plus tendre et fragile nous devienne accessible.
là où il me semble que l'amitié, moins fusionnelle quoique, est plus encline a accepter que l'autre ne l'enlève que s'il le veut lui, s'il en a besoin, s'il se sent suffisamment en sécurité. et non par le fait de notre désir ou notre volonté.

vaste débat qu'il serait dommage de traiter à la hâte, et je ne suis pas sûre de dire des choses justes.

l'amitié, c'est avant tout pouvoir compter en toute confiance sur les intentions acquises et constantes de cet autre-ami, et réciproquement. sans qu'aucune autre question se pose, ou soit en tout cas rapidement écartée si tel était le cas.
c'est la constante "substance de notre tendresse" que tu décris.
la lucidité fait exister en parallèle la question des enjeux au début du premier texte.

je ne sais pas si une suite plus longue est prévue à ces textes courts, ni si je vais un peu loin avec mon interprétation.
c'est que le thème est intéressant, et mériterait un développement ouvert aux commentaires dans un fil à part entière.
je parle des enjeux de l'amitié et de cette dualité potentielle qu'on retrouve aussi parfois dans les sentiments amoureux, au sein des familles ou encore des fratries.

le développement mis en scène autour des personnages dans le second texte est anecdotique, et sert à illustrer le reste:
n'y a-t-il pas plus ou moins un peu d'armure salvatrice en chacun de nous, est-ce qu'on ne peut pas plus ou moins déceler en chaque enfance/adolescence d'épisodes symboliquement analogues à ceux vécus par G.?
je crois bien que si, et c'est pour ça que la fin du second texte boucle assez bien la boucle avec le début du premier:
"une corde nouée au centre coulisse entre nos corps, nos passés, nos prescriptions intimes. nous sommes les meilleurs amis depuis longtemps déjà, nous avons été voyeurs en consciences les uns des autres".

ça, c'est extensible, et remarquablement bien dit. 
deux textes intéressants, donc. instructifs.

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Message  Invité Mer 12 Juin 2013 - 17:00

ah oui, et j'ai oublié de dire que ça me semble très sain d'énoncer ainsi.

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Message  Invité Mer 12 Juin 2013 - 23:16

.....Pierre décide finalement de répondre au rendez-vous. Tous n’avaient cessé de le mettre à l’écart, de le vanner méchamment, de le prendre de haut. Il s’était dit au début : non je n’irai pas. Ce n’était que de l’orgueil. Il est curieux maintenant de cette écriture un peu plate mais très sûre d’elle. C’est peut-être Raphaël. Qui écrit comme ça ? se demande-t-il, et il visualise les différentes écritures des garçons du groupe. L’orgueil c’est déjà beaucoup. Aurait-il été lâche de ne pas répondre ? Il pousse la petite porte de la maison.

.....Après tout, ils l’avait bien eu la dernière fois avec Lise. Ils l’avaient enivrée à mort et elle était devenue hors d’elle, pleine de méchanceté, d’agacement envers lui, de malice et de désir pour les autres.
.....Ensuite elle avait sucé Jean derrière le platane.
.....Pierre était en train de se battre avec Raphaël, et il l’a d’ailleurs mis à terre. Un coup de poing dans le sable et c’était parti pour une grande cérémonie sur la plage, les larmes de Lise, une masculinité retrouvée, et en rentrant chez lui par le chemin des Douaniers il se flatta beaucoup, persuadé d’être le gagnant. Le gagnant de quoi, il ne le savait pas tout à fait, engourdi et rendu hystérique par le combat, la colère, l’inquiétude, par tous ces motifs de compétition et de domination mêlés à la sensualité brusque de l’alcool. Il savait que c’était idiot au fond mais la lune a blanchi cette nuit-là et propagé une vapeur si douce que, lorsqu’il a reçu la lettre, il était debout devant le miroir à la sentir grossir dans sa main.
.....Pierre s’imaginait Lise par derrière, ou assise devant lui, il ne pouvait pas s’en empêcher, c’était peut-être une autre fuite, un autre refuge, sûrement la seule chose en état de marche, en tout cas il s’imaginait Lise et il était fier de s’être battu, il ne lui en voulait plus beaucoup maintenant et il voyait simplement son abandon, son visage heureux de recevoir, quelque chose d’assez instinctif toujours, comme un non consentement ou une servitude volontaire, comme s’il regagnait droits et pouvoirs.

.....La lettre a volé par le chemin des Douaniers et la lune ne l’a pas blanchie.
.....Peut-être que c’est important.
.....Il pousse la petite porte de la maison.

.....Pierre était en train de prendre le petit déjeuner, le premier café, la première cigarette lorsqu’il a vu, à travers la grande vitre donnant sur la baie, la lettre se poser doucement sur la terrasse. A part eux, il n’avait aucune idée de qui cela pouvait être.
.....Son père ?
.....Non, il est parti il y a deux jours enterrer ses derniers trésors, égorger les deux cochons restants. Maintenant c’était bon, la ferme n’avait plus de raison d’être, la ferme était terrassée. Le salaud s’est enfui pour mourir en paix. Il n’y a plus qu’à bêcher dans les cultures tout seul, à perpétuer l’honneur de rien du tout. Le père avait opéré un virage soudain il y a quelques années quand il avait décidé de tout laisser tomber.
.....Maintenant Pierre lutte pour se rappeler la figure tutélaire et injuste. Aujourd’hui il réclame la vieille brusquerie de son papa, plutôt que cette lassitude des projets et des convictions. Il a besoin de se situer du côté de la lumière en ce moment de doute, mais aussi d’abandonner sa gentillesse systématique, son impérieux devoir de ne jamais blesser personne.
.....Les autres se le permettent bien, eux !
.....La manière dont ils se sont servis de Lise…
.....Pierre a l’impression qu’il est le seul à avoir des égards, à faire attention, à tenter que personne ne soit exclu ou violenté. Qui d’autre essaie comme lui de maintenir le lien entre tous ? Ses sacrifices doivent cesser. Jean, Raphaël,  ils devraient comprendre, s’est-il toujours dit. Mais il est fatigué à présent, et à présent il n’a plus son père pour le meilleur et pour le pire. Il veut juste éliminer toute névrose, courir de nouveau le matin le long de l’île, faire des pompes, peut-être même manger équilibré, lire beaucoup et perdre des cernes, retrouver toute la vitalité de son corps et toute la certitude, l’assurance de sa personne, pour que Lise ait envie, pour que lui ait envie, pour être mieux au monde même si c’est avec la brutalité initiale des hommes.
.....« Viens à la pointe du rocher, tu peux apporter à manger, d’autres choses. Tu ne résisteras plus je pense. Rejoins-moi pour qu’on discute. »

.....Il pousse la petite porte et s’engage dans le chemin qu’il redoutait déjà enfant sans savoir pourquoi. Aujourd’hui, la douleur est une douleur consciente.


.....Il se souvient de cette scène dans la chambre, ça l’excite même. Il l'avait prise violemment par le cou, plaquée contre le mur, après qu'elle l'ait réveillé en gueulant. C’est pourtant contraire à ses seuls principes. Désormais il préfère le désir au respect, et de manière générale la sensation à l’idée, l'assouvissement à la valeur. C’est sûrement ce que veut Lise. En toile de fond les rapports de force, le dominant et le dominé. Comment être l'homme, pourquoi être l'homme. Volonté d'échapper à ces réductions, mais la grandeur pour soi n'est pas celle pour les autres. Il faut se conformer aux dogmes de l'autre. On est toujours plus exigeant vis-à-vis de l'autre que vis-à-vis de soi. Alors abandonner cette dévotion spontanée et réfléchie.

.....Il marche sur la ceinture ocrée de l’île. Il croise en contre-bas la ferme familiale déjà noircie par le feu. Il repense à cette scène avec Lise, à cette violence… il y a cette morsure au pectoral, le fait de se débattre comme dans les films, de trouver la fusion dans la haine, mais ce n’est pas que du corps-à-corps.

.....Pierre s’imagine couler dans la ténèbre marine. Il ne veut pas devenir aussi rudimentaire que les garçons du groupe, aussi seul et agressif qu’eux. Il continue de se représenter pourtant son corps musclé, les jeux virils, les victoires, l’oubli des quêtes de sens, simplement la conquête et la baise, le fait de plaire et de s’affranchir de trouver la justesse, la justice presque, s’affranchir de tout ce dont les autres s’affranchissent mais ne pas leur ressembler, ne pas être une meilleure personne mais simplement être meilleur qu’eux, pour pouvoir garder Lise tout près, tout près, et ne pas prolonger la chute.

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Message  Invité Jeu 13 Juin 2013 - 7:37

Je ne cerne pas tout complètement, peut-être que je me perds un peu dans les personnages et le mouvement de va-et-vient.
Quoi qu'il en soit, la lecture se poursuit.
J'ai relevé ceci :"après qu'elle l'ait réveillé en gueulant."
que tu connais déjà 
(et dont la règle est si justement expliquée par Alice dans le fil Grammaire.)

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Message  Lizzie Jeu 13 Juin 2013 - 11:39

Ah là là, il y a trop de choses dans ces trois textes lus à la suite, Lu-K. J'extrais quelques impressions: le premier me parle, les sensations et la protection du lieu, même si je rejoins panda sur l'analyse faite par le narrateur sur la bienveillance. L'abandon existe, si, et il est aussi dangereux que jouissif.
Le second est beau à lire, je ne peux pas dire mieux, là, (je suis déjà en retard), il est beau. Je n'aime pas la dernière phrase, trop précipitée à mon goût, trop définitive.
Le dernier texte posté: mmh, donne envie de lire. On entre de suite, il est plus simple peut-être d'accès, je ne sais pas, avec davantage d'action. Tout se tient comme un puzzle en cours, ou se sont des fragments non forcément liés, à part par ton écriture et le thème, bien évidemment ? J'aime cette quête de sens, la masculinité, l'amitié, la relation à l'amour, au père, à l'autre. Foisonnant !

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Message  Sahkti Jeu 13 Juin 2013 - 13:38

On n'est plus vraiment dans le texte court là, dommage que ça se perdre dans les méandres, non ? (mais comme avec panda, sans doute une volonté ?)
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Message  Sahkti Jeu 13 Juin 2013 - 13:40

J'en oublie de dire que j'apprécie ces textes, pour des raisons déjà citées plus haut par d'autres et aussi parce qu'il y a une distance clinique dans la narration qui me séduit beaucoup et apporte la touche de froide cruauté suffisante pour dépeindre ces destinées et ces scènes. Une distance qui n'empêche pourtant pas de ressentir une certaine proximité, voire de l'empathie pour certaines situations, qu'elles soient ou non dramatiques.
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Message  Invité Jeu 13 Juin 2013 - 14:47

Merci à tous pour vos réactions. 

Si ces trois textes ont été postés dans ce fil, c'est parce qu'ils ne sont pas aboutis. Vous avez bien cerné qu'ils sont liés tous les trois, qu'ils participent d'une dynamique semblable. C'est encore trop foisonnant, Lizzie le dit bien. Prochainement j'espère que ces trois textes, qui traitent de thèmes qui me semblent importants, se réuniront dans un seul posté en prose. 
C'est foisonnant en ce moment dans ma vie, donc dans l'écriture aussi. C'est si foisonnant que j'ai du mal à prendre le temps de répondre dans le détail à vos commentaires, car une réponse à rien qu'une seule de vos remarques mériterait de longs développements (c'est aussi que je ne sais pas faire autrement que long et embrouillé).

Je suis toujours heureux d'être lu et critiqué par des personnes sensibles et intelligentes, je le dis sans affectation.

Il y aurait tant, tant de choses à dire, rien qu'en réponse au beau commentaire d'igloo... cette phrase de fin, trop abrupte pour Lizzie, et qui concerne la carapace est assez maladroite. J'ai voulu boucler le texte mais entre cette conclusion lapidaire (volontairement contestable) et le reste, il manque bien quatre paragraphes (de ceux que je n'arrive pas encore à écrire). Juste, igloo, je ne crois pas qu'il s'agisse pour le narrateur d'imposer la transparence à ses proches, quitte à porter atteinte à leur pudeur. Bien sûr qu'on est tous libres de se protéger. Peut-être que le mot "enferme" n'est pas le bon. On peut bien être enfermé si l'on veut, si l'on est mieux comme ça. Tel que je comprends ce que mon narrateur pense, c'est davantage une histoire de blocage de soi à soi, de fausse sécurité justement. "[...] qui le sauve et qui le fait souffrir" serait plus juste parce que plus général. La carapace c'est aussi un peu l'envers du refuge, le refus de l'affrontement et la peur d'être envahi.
panda, Lizzie, igloo : j'apprécie beaucoup que vous réagissiez quant au fond du texte. Ayez juste en tête que ce que dit un narrateur n'est pas ce que je dis moi. Ce n'est pas mon propos, mon point de vue. C'est moi qui le réfléchis, qui le pense, mais ce ne sont pas mes idées, mes conclusions. Par ailleurs c'est aussi esthétique, rhétorique, fantasmé. Je pense aussi que l'abandon existe. N'y a-t-il pas une histoire de dévotion spontanée et absolue dans le dernier texte ? Si vous contestiez effectivement la parole du personnage et non pas en palimpseste celle que vous imaginez être la mienne, tout va bien !

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Message  Lizzie Jeu 13 Juin 2013 - 16:06

Merci, lu-k. Trop souvent les commentaires ne sont qu'une bouteille à la mer, sans retour, sans échange. Et pour ma part, je n'ose en général pas te commenter, j'en suis incapable. Pas de confusion auteur / narrateur, aucun souci, mais si le fond m'a interpellé, c'est bon signe: j'y crois. Et puis, sans parler de confusion, l'écho entre la personne qui écrit et ce qu'elle écrit existe tout de même, (en négatif photographique parfois, d'ailleurs) non pas sur un seul texte, non, ça je n'y crois pas (et heureusement encore), mais sans doute sur tout un ensemble, une production. C'est un autre sujet...
Je trouve ta démarche intéressante, un atelier dans l'atelier.

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Message  Lizzie Jeu 13 Juin 2013 - 16:19


Lu-k a écrit: C'est moi qui le réfléchis, qui le pense, mais ce ne sont pas mes idées, mes conclusions. Par ailleurs c'est aussi esthétique, rhétorique, fantasmé.



Valàà, c'est ce que je cherchais à exprimer. La voix de l'auteur via le narrateur, sans que ce soit ses idées, ni ses conclusions, mais celles du personnage. Une voix magnifiée, fantasmée.
Je réponds parfois trop vite... :-(

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Message  Jha Jeu 13 Juin 2013 - 16:20

Décret de la déconstruction

Quand j'étais ado, je bordais minutieusement mon lit en me rappelant cette question :

"Dans ce monde si vaste il doit bien exister une valeur commune"



L'art de la guerre
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Message  Invité Jeu 13 Juin 2013 - 16:22

Je regrette tous les commentaires que j'ai reçus auxquels je n'ai pas pu répondre. Il y en a beaucoup et pas des moindres. alex, je te vois !

Je m'interroge sur deux choses :
- statistiquement je suis lu ou commenté en très grande majorité par des femmes. Cela signifie-t-il quelque chose ? Je suis plutôt du genre à croire au hasard des configurations, mais après tout peut-être qu'il y a une raison.
- tu n'es pas la première, Lizzie, à me dire que tu es incapable de me commenter. Encore récemment, Iris m'a communiqué la même chose. Qu'est-ce que ça veut dire ?

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Message  Invité Jeu 13 Juin 2013 - 17:04

lu-k a écrit:Je regrette tous les commentaires que j'ai reçus auxquels je n'ai pas pu répondre. Il y en a beaucoup et pas des moindres. alex, je te vois !

Je m'interroge sur deux choses :
- statistiquement je suis lu ou commenté en très grande majorité par des femmes. Cela signifie-t-il quelque chose ? Je suis plutôt du genre à croire au hasard des configurations, mais après tout peut-être qu'il y a une raison.
- tu n'es pas la première, Lizzie, à me dire que tu es incapable de me commenter. Encore récemment, Iris m'a communiqué la même chose. Qu'est-ce que ça veut dire ?
Statistiquement les hommes sont poètes, non ? Ils commentent moins la prose, ici du moins.
Statistiquement il y a plus de femmes que d'hommes sur VE ???
Statistiquement, il y a plus d'activité en poésie qu'en littérature... 
Statistiquement tout cela ne veut rien dire, à mon avis...

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Message  Sahkti Jeu 13 Juin 2013 - 17:36

Easter(Island) a écrit:Statistiquement tout cela ne veut rien dire, à mon avis...
Et heureusement, d'ailleurs, parfois... :-)
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Message  Jha Jeu 13 Juin 2013 - 18:01

Jha a écrit:Décret de la déconstruction

Quand j'étais ado, je bordais minutieusement mon lit en me rappelant cette question :

"Dans ce monde si vaste il doit bien exister une valeur commune"



L'art de la guerre
je tiens à préciser que j'ai écrit ça à la volée - donc sans aucun rapprochement avec les écrits de lu-k
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Message  Jha Jeu 13 Juin 2013 - 19:50

"Que d'eau, que d'eau, que d'eau'" criait le capitaine ad hoc !

pourtant personne ne prit au sérieux


Toi qui me lis par hasard, sache que ta lecture, concentrée, contient 80% d'eau


Les vents viennent et vont ensemble
et sache qu'ensemble ils souffle le même refrain


La vie, entre les autres, bât entre les deux
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Message  Lizzie Jeu 13 Juin 2013 - 20:13

Pour Lu-k, qui me demande:

tu n'es pas la première, Lizzie, à me dire que tu es incapable de me commenter. Encore récemment, Iris m'a communiqué la même chose. Qu'est-ce que ça veut dire ?


Sérieusement, tu ne vois pas ? :-) Je ne sais pas pour Iris, mais voici mes motifs les plus évidents (il y en a peut-être d’autres, moins conscients).

Pour une lectrice de base – sans formation littéraire – comme moi, tes textes sont souvent intimidants. Ton écriture, tes thèmes et ta façon de les traiter sont sérieux et complexes. J’ai le sentiment de ne pas tout comprendre, d’émettre des « hypothèses hasardeuses » dont tu souriras (avec raison !). Mes commentaires seraient bien trop simples, ils ne t’apporteraient rien.

Non pas que je sois béate d’admiration en te lisant, mais plutôt, ce que tu écris m’est aussi parfois trop « étranger », dans le sens d’un langage différent, pour que je me sente capable de te commenter utilement. Et puis, parfois, te lire et ensuite formuler ce que je ressens me demande trop d’efforts… j’ai l’impression que mes commentaires doivent tenter de se rapprocher du niveau de ton écriture, et je m’en sens incapable : tout cela est trop grave pour moi.
Tout simplement.
Mais parfois, je tente : la preuve ! :-)

Quand au fait que des lectrices te commentent davantage que des lecteurs, je ne sais pas : je leur laisse la parole.

Lizzie

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Message  Invité Jeu 13 Juin 2013 - 20:45

Je crois que je comprends.

Je crois aussi que ce sentiment de complexité, de sérieux, de gravité même (!), que beaucoup trouvent dans mon écriture, c'est ça mon problème parce que je n'arrive pas à le discerner lorsque j'écris et à la relecture. Je n'ai pas conscience du fait que ma façon d'écrire puisse sembler trop étrangère aux lecteurs. J'ai l'impression qu'on m'oppose à un langage du commun, à un langage de l'homme de la rue, et je m'interroge sur cette binarité : je ne veux pas que mon écriture soit hermétique, ni compassée, ni précieuse, ni érudite, ni intello, ni grave, ni prétentieuse, etc. J'aimerais écrire du Brassens ou du Janis (bisous ma grande). J'essaie de faire à ma sauce et j'aimerais être lisible... j'aimerais que mes textes renvoient cette image d'écriture modeste mais de qualité, populaire mais intelligente, pas une image de littérature élitiste et masturbatoire, surannée et universitaire. Je suis assez effaré en fait : comment ma manière de dire peut sembler à ce point intimidante qu'on en vienne à se considérer comme lecteur de base incapable de commenter un texte puisque n'ayant pas de formation littéraire ? Je n'ai pas ce point de vue du lectorat ni de la qualité littéraire... Je suis même un peu triste de lire que selon toi tes commentaires seraient trop simples pour m'apporter quelque chose... c'est comme si mes textes et ma personne réclamaient un échange de haute volée, un truc un peu grandiloquent voire cérémonieux. Je ne veux pas donner cette impression. J'essaie d'écrire simplement, qu'on me comprenne, car je me sens bête à l'idée que mon écriture ne soit pas considérée comme accessible. Il semble qu'il faille tendre vers l'épure, pas vers l'économie mais vers une certaine sincérité. Je m'y attelle.

Encore une tirade autocentrée ! Il faudrait que je commente quelques-uns de vos textes à tous.
Aucune animosité dans mes propos ci-dessus. Merci Lizzie de me lire et de me livrer tes impressions.

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Message  Invité Ven 14 Juin 2013 - 7:46

merci pour ta réponse, lu-k. c'est chouette que tu nous éclaires, et qu'il y ait un projet derrière tout ça.

un texte se consacre plus à l'enfance, un autre à l'adolescence. et dans un troisième des êtres plus mûrs, en devenir, s'entremêlent dans une amitié puissante. elle croise entre autres leurs passés individuels et commun.
mais tout est lié, ça communique et se répond.
dans le texte qui raconte Pierre, je peux déjà deviner que ce prénom n'est peut être pas choisi au hasard: on peut sentir dans ces lignes les bases de l'édifice que Pierre sera. il décide d'une voie pour lui dans une différence assumée, et même presque transcendée. il s'envisage et se projette avec la conscience de ce qu'il est, de ce qu'il veut être et devenir.

dans le second, je n'ai pu m'empêcher de relier l'initiale G. (même si symboliquement) au personnage de Georgio dans Chomina, qui a une bonne "carapace" lui aussi, comme tu dis.
mais je sais que tes personnages sont des croisements, constitués à partir de figures différentes. tout comme je sais que ce n'est pas seulement toi qui t'exprimes à travers eux.
j'inclue le "réthorique, l'esthétique et le fantasmé", et c'est bien à partir de la parole du personnage que j'ai soulevé des extensions. 
je t'ai livré ce que m'inspiraient tes deux premiers textes, donc oui, tout va bien.
si j'ai rebondi sur la dernière phrase, c'est qu'elle était justement volontairement catégorique, et parce que c'est un thème qui revient également dans ce que j'écris. (comme quoi...:-) d'où ces pistes parallèles, qui j'espère ne t'ont pas trop semblé faire dans le non sens ou l'intrusion.

enfin bref, tout de même je retrouve de l'armure en Pierre: ces vécus douloureux, ce parcours qu'il transforme sur le chemin en conduite, en ligne de vie, et même qu'il esthétise pour en faire son éthique personnelle, unique. 
sa marque pour ne pas ressembler aux autres, sa singularité.
mais je comprends maintenant, d'après ta réponse aux commentaires, que tu y mets un sens plus radical de souffrance et d'enfermement. 

Lizzie, 
tu sais, n'hésite jamais à dire ton ressenti sur un texte comme celui-là, il n'y a pas de raisons de t'en empêcher. tous les avis comptent, pour n'importe quel auteur. au contraire je trouve que ce que tu dis est utile!
commenter c'est aussi prendre un risque, oser quitte à tomber à côté de la plaque, et nous sommes tous égaux par rapport à ça. Alors à mon avis il n'y a vraiment rien de grave.
la plupart du temps, je n'en même pas large quand je le fais...et je crois qu'on est quelques uns dans ce cas.

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Message  Invité Ven 14 Juin 2013 - 9:19

* mène

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Message  Septembre Sam 15 Juin 2013 - 7:24

Je n'ai pas le temps de faire un commentaire poussé mais je passe pour dire à lu-k que j'aime beaucoup le premier et le troisième texte. J'espère que c'est un nouveau projet car ça me parle, il y a quelque chose de très limpide, de nu (le nu retrouvé peut-être ?). J'attends, donc !
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Message  Jano Lun 17 Juin 2013 - 17:33

lu-k a écrit:"statistiquement je suis lu ou commenté en très grande majorité par des femmes. Cela signifie-t-il quelque chose ? Je suis plutôt du genre à croire au hasard des configurations, mais après tout peut-être qu'il y a une raison."
En ce qui me concerne Lu-K, je ne lis plus vos textes tout simplement car vous n'avez jamais daigné vous pencher sur les miens. Plusieurs fois je suis allé vers votre univers, pourtant radicalement différent du mien, essayant d'apporter un éclairage, un point de vue, mais jamais je n'ai eu la réciproque. Que les commentaires soient négatifs ou positifs, celà m'est égal, ce que je souhaite c'est un avis. Je conçois les forums comme des lieux d'échange, de partage, aussi vous comprendrez que je ne peux plus aller vers quelqu'un qui m'ignore.



< Les balises de citations ont été rétablies.
La Modération. >
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Message  Invité Lun 17 Juin 2013 - 18:38

Je comprends Jano et je suis désolé... je ne vois pas autrement que plaider coupable. D'un côté je n'aime pas qu'en commentant quelqu'un on attende nécessairement la réciproque, mais je sais que ça marche comme ça et effectivement c'est un échange légitime et nécessaire. Très sincèrement, j'ai énormément de mal à commenter. Je sais que beaucoup sont dans ce cas et peut-être font davantage d'effort que moi, sûrement qu'il y a chez moi une flemme condamnable, mais un commentaire me prend beaucoup de temps et d'énergie, je ne sais pas ressentir ni dire les choses avec simplicité (ce n'est pas une posture, je ne m'en gargarise pas, au contraire). 
Je vous ai lu de nombreuses fois Jano, sûrement la majorité de vos textes... je ne sais pas quoi ajouter, je comprends votre sentiment. J'ai envie de dire "j'essaierai de vous commenter désormais" mais ça sonne artificiel maintenant et, me connaissant, je ne peux rien promettre.

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Message  Janis Lun 17 Juin 2013 - 22:02


sauf que le fil fragments, normalement on commente à peine à peine, pour que tous les textes soient visibles, que ça fasse une suite vélienne et variée, non ?

je dis ça je l'applique pas toujours moi-même
mais lisant, cherchant les derniers fragments, parce que c'est un de mes trucs préférés, et me trouvant un peu noyée dans le flot des commentaires, j'y pensais

signé : le retour de grain de sel
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Message  Janis Lun 17 Juin 2013 - 22:03

J'écris petit pour enlever mes gros sabots
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Message  Jha Mar 18 Juin 2013 - 1:38

Il y a un temps, une note
Un secret dans les ruelles murmurait à un enfant

"ici, tu vois une maison a brulé"

J'entends la voix de ma grand-mère, quand nous remontions les pavés
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Message  Jano Mar 18 Juin 2013 - 16:13

Sans doute étais-je plein d'amertume Lu-K, considérant votre réponse il me paraît idiot de poursuivre sur cette voie. Je reprendrai donc la lecture de vos textes qui me laissent souvent perplexe mais m'intéressent en même temps par l'utilisation fine de l'écriture.
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Message  Invité Mar 18 Juin 2013 - 16:29

Jano, juste pour info : a été remonté ce matin le fil dédié aux commentaires http://www.vosecrits.com/t13166-ou-quand-comment-et-pourquoi-commentez-vous
afin de préserver celui-ci pour la publication des textes courts.

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Message  Jha Ven 21 Juin 2013 - 8:23

Ce matin Papa est mort


 
Comme une lettre à la poste, il s’en est parti, jeté du septième ciel
 
Il avait envie de prendre le large
 
Il a juste glissé sur le balcon


Ca arrive
 
Je dirai qu’il a pris son envol à sa manière
 
Je ne le juge pas parce que j’aime beaucoup mon Papa
 
Et que je sais aussi tout fond de moi combien il m’aimait
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Message  Invité Mar 25 Juin 2013 - 16:45

.....Avant je voyais partout ce principe coercitif qui ne laisse à la victime que le rôle passif d’être engloutie. Aujourd'hui j'ai compris qu'il y avait plus souvent un pacte mutuel entre le mangeur et le mangé.



.....Certaines périodes de la vie semblent trop chargées pour ne pas qu’à un moment nécessairement mal choisi notre pensée sauvage nous incite à une révolte globale et dangereuse, laquelle se concentre parfois dans un geste aussi soulageant que préjudiciable.


.....En se réveillant Pierre sut que quelque chose s’était passé, quelque chose d’un peu violent. En voyant dans le miroir la marque rouge foncé près de son téton, il ressentit une tristesse limpide mêlée à une sensation de solidité et de vigueur. Il remarqua que Lise avait oublié son sac. Pierre eut soudain très mal au dos et il se recoucha endolori, le ventre encore plein de bière et de temps oublié.


.....Lise se lève. Doucement va vers la statue la plus proche. Lise prêtresse blanche dans le grand espace qu’elle ne reconnaît pas. Lise a perdu la mémoire et c'est la seule chose qu'elle est en état de considérer : je n’ai plus de souvenirs. Elle connaît les objets et les codes, elle connaît les hommes, mais elle a tout oublié. Si elle n’avait pas tout oublié, en se levant elle aurait pensé : lieu de tous les souvenirs, cet endroit renferme l’image la plus pleine de nous.


.....Lise se sépare de la statue. .Son jean est taché, elle a un peu mal au cou et au dos. Lise se sépare de la statue pour partir d’ici. Elle veut trouver des maisons, elle veut fuir cet endroit vide où elle s’est réveillée.


 .....Une image dans sa tête : la pluie, un mélange de cynisme et de honte. L’honneur et la honte, elle se souvient de ces schémas-là.
 
 .....Elle devrait se souvenir qu’elle est passionnée de chevalerie depuis la petite enfance, qu’aujourd’hui elle étudie la matière de Bretagne, les mythologies courtoises, la fontaine qui bout, l’arbre aux oiseaux. Elle remarquerait alors, par les chassés-croisés de la mémoire, la féerie arthurienne du lieu et la naïveté moyenâgeuse qu'il revêt dans l'imaginaire.


.....Elle commence à avoir froid. Il faut qu’elle trouve un refuge. Son ventre la serre, son cœur aussi, elle a du mal à respirer et des sensations perdues viennent la secouer. Elle sent un liquide noire magmatique remonter l’intérieur de sa cuisse. Autour d’elle une certaine pureté dans l’air ; elle vient d’ouvrir les yeux et soudain l’hiver le plus doux au monde avec sa lumière crue et pudique. Les statues se comportent comme des silhouettes d’hommes, les statues ne se comportent pas, et Lise ne se souvient pas de la lumière dans ses yeux à lui.
 
.....Ce qu’elle a occulté c’est surtout la petite chambre, la nuit blanche et vorace lorsque tu n’arrives pas à dormir, la longue nuit où tu es plus friable, plus seule, plus désespérée, plus exigeante avec toi-même.
 
.....Dans la petite chambre sa vessie va craquer. Elle ne trouve pas la lumière de la petite chambre. Il y a une bouteille par terre qui est finie. Cela doit faire deux heures qu’ils se sont couchés en titubant. Elle lui demande de se lever. Ta gueule ! lui répond-t-il. Elle se met en colère. Elle va vers la porte, n’arrive toujours pas à l’ouvrir. Elle a tellement envie de. La lumière ! Il finit par se lever. Il s’énerve sur la porte. Elle crie ; le pousse ; le frappe un peu. Alors il la prend à la gorge et contre le mur. Quelque chose d’inextricable, de mauvais.
 
.....Si Lise s'en souvenait, elle souffrirait de ne toujours pas pouvoir sortir pour pisser.
 
.....Un liquide noir magmatique remonte.


.....Lise ne se souvient pas des fouilles dans les grottes ni des terrasses de café. Des fois où elle tombait sur la perle rare et où le soir venu ils s'engueulaient parce qu'elle ne pensait qu'à son travail. Elle se trouvait magnifique, se réalisait dans cette activité. Un accomplissement que Pierre n'était pas en mesure de lui fournir. Alors il avait décidé de s’impliquer dans sa passion. Il était toujours avec elle à l'aider dans ses recherches de terrain et dans son travail d'écriture, il était même plutôt beau là-dedans, comme dans tout ce qu'il fait d'ailleurs. Cette aura apollinienne de volonté et d'ordre que les autres ressentent comme un bain de soleil. Elle lui a toujours dit qu'il ressemblait à un personnage de Fitzgerald.
 
.....Mais Lise savait qu’il n’était pas passionné par son travail, que c'était du calcul, de l'exclusivité en conscience, de la fausse innocence, de la surveillance presque. Il essayait de la séduire longtemps (de la garder près de lui) mais elle considérait sa présence comme un regard de trop sur sa liberté.


.....Le vent siffle dans les statues. Lampe torche braquée dans ses yeux. Sa main qui serre son coup et doucement les retenues qui deviennent sauvageries.           






.....Le soir venu il caresse ses flancs, passe sa main, repasse sa main... rien à faire. Comme d'habitude il va regarder les branches hoqueter contre la vitre et penser des choses toutes faites sur la femme. C'est terrible d'aimer quelqu'un comme ça et de ne vouloir que d'autres. Comme si l'envie était un lieu perdu entre l'affectueuse habitude de celui qui nous aime et le danger de ne pas plaire à ceux que nous ne connaissons pas encore. Il y a toujours cette friction entre les deux sortes de personnes qui nous désirent : celles qui nous désirent parce qu'elles nous aiment et celles qui nous désirent parce que nous leur sommes inconnus. Parfois on trouve plus authentique le désir des secondes parce qu'il n'est pas entaché par l'amour.

.....Il se souvient de la mère de Lise. L’œil rouge feu et la douleur claire qu'elle lui a légués. Elle n’est pas partie, elle n’a pas abandonné et brûlé la maison comme l’a fait le père de Pierre avec leur belle ferme honnie, mais elle a sauvegardé la violence conjugale. Rien ne va pour personne, se dit Pierre, ce sont des cycles mauvais qui s’interpénètrent.

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Message  Invité Mar 25 Juin 2013 - 19:15

Le collège n’est pas loin de chez moi, environ vingt-cinq minutes à pied ; j’aime beaucoup traverser la rue Marcadet le matin et apprécier les contrastes toujours saisissants du dix-huitième, le fossé dans l’atmosphère, la population, les couleurs et l’architecture, presque dans la lumière, qu’on peut trouver entre les contours de la butte Montmartre et la Goutte d’or, deux quartiers mitoyens, à cinq cents mètres d’écart, mais qui semblent dans l’imaginaire tout à fait éloignés. Je suppose que c’est le propre des grandes villes que de créer des dissemblances de promiscuité, des lignes de démarcation presque matérialisées entre les ambiances contiguës, des espaces clos sur eux-mêmes à l’intérieur d’autres espaces.

Mes premières impressions sont des clichés vérifiés : uniquement des élèves noirs, arabes et asiatiques particulièrement agités qui portent des pantalons de survêtement. Sur le coup je pense au film et au livre Entre les murs, œuvres qui m’avaient semblé un peu démagogiques – dans leur manière de dire plutôt que dans la matière de ce qu’elles disent.

Murs blancs légèrement tachetés, parquet au sol. L’intérieur n’a rien d’extraordinaire, les espaces sont assez exigus, il y a trois étages et des couloirs où l’on marche à deux de front. Le collège est construit en profondeur, les locaux sont entourés et accessibles par un escalier principal intérieur qu’on emprunte par l’entrée et, à l’autre bout des couloirs, par un autre escalier extérieur en colimaçon qui permet de descendre dans l’enclave que forme la cour.

Je remarque d’emblée que je ressens de la bienveillance, en tout cas beaucoup d’empathie pour ces profils de personnes, d’enfants, d’élèves, c’est quelque chose d’archaïque mais je suis d’ores et déjà fasciné par leurs manières de parler et de faire. Le concret est parfois rattrapé par sa caricature, nos sentiments par des projections de sentiments, et c’est vrai que ce que j’éprouve dans l’immédiat face à cette population relève du jugement de valeur, d’une espèce de sectarisme à rebours, comme une construction de l’inconscient opposée aux canoniques « bruits et odeurs » d’untel personnage politique : je les préfère en jogging et réfractaires à la discipline que « bien élevés » et habillés « comme il faut ». Qu’importe si ces prédispositions sont choses a priori et galvaudées : je peux aujourd’hui affirmer que de façon générale les élèves du collège que j’observe, côtoie, sont effectivement sympathiques, avenants dans le fond.

Je suis assis sur une chaise à l’administration, j’attends que le principal me fasse entrer dans son bureau, et à ce moment j’ai mon premier contact avec un élève. Il est jeune, sûrement en sixième, et il attend – lui aussi – qu’un camarade se fasse réprimander pour je ne sais quelle faute. Il m’interpelle brutalement « Tu vas voir, c’est tous des enfoirés ici ». Je tente de lui répondre à la fois doucement et durement, toujours avec le sourire parce que j’ai la sensation que ça fonctionne comme ça, que c’est quelque chose de volontiers rendu, de volontiers échangé, surtout avec les plus jeunes. Je remarque à présent que j’essaie beaucoup inconsciemment de trouver un entre-deux confortable entre leur langue et la mienne, leurs codes et les miens : je fais (presque malgré moi) en sorte qu’ils puissent déceler dans mon timbre, mes accentuations et mon attitude, des échos à leurs propres périmètres de reconnaissance et de dialogue.

Leurs « Bonjour monsieur » quotidiens prouvent qu’au-delà d’une impertinence de façade et de la variation diastratique, il y a chez eux beaucoup de cordialité, de politesse. Mettre à mal la langue standardisée et parfois les règles de la civilité ne les empêche pas de porter en eux naturellement les valeurs du respect. Je crois en cette vision très large et banale de la transmission fondée sur l’échange, la mutualité du pacte. Pour être pédagogue, je pense qu’il faut sans cesse transposer. Bien sûr tout le problème est celui de l’autorité, du principe asymétrique qui préside à l’éducation... le sourire et la bienveillance, dans le cadre de l’enseignement, peuvent-ils véritablement être des paramètres déclencheurs du désordre en cela qu’ils contrebalancent parfois une rigidité nécessaire ? Il faudrait déjà s'entendre sur la nature et la nécessité de l'ordre.
J’avais oublié ce rituel collégien du professeur qui doit aller chercher les élèves en rang dans la cour, et je remarque qu’avec les années j’ai beaucoup oublié du fonctionnement général du collège ; y officier maintenant me permet de me souvenir, de me représenter des silhouettes qui vivent dans un système que j’ai moi-même connu en tant qu’élève. Ce que je remarque en premier, c’est l’agitation dans les rangs, l’autorité naturelle de l’enseignante et la curiosité tantôt pudique, tantôt accueillante des enfants à mon égard, qui voient en moi un objet neuf et fascinant soudainement apparu dans le temps régulé de leur journée ordinaire et dans le lieu circonscrit de la salle de classe. Je crois qu’ils aiment ça dans le cadre scolaire, l’intrusion d’un élément extérieur qui est donc une nouveauté, un inconnu, une évasion, une courbe réjouissante sur la ligne droite ininterrompue. Je me rappelle qu’à la simple présence fermée et impassible d’un inspecteur dans la classe, nous ressentions, mes camarades de collège et moi, un regain d’enthousiasme, comme à la vue d’une singularité, d’une rareté. Je sens aussi une interférence dans le lien hiérarchique et confidentiel qu’ils ont établi avec leur professeure : je suis une autre personne qui vient de pénétrer le schéma du cours et le carcan de la salle, une forme de sous-autorité silencieuse qui ne dépasse pas la prééminence de leur enseignante mais qui lui est liée, quasi inféodée. Cette image que les élèves ont de mon statut, de ma présence m’intéresse beaucoup, et elle va bien sûr changer à la mesure du temps qui passe, car peu à peu je vais rentrer dans le champ (re)connu de leur espace quotidien. Mais j’ai l’impression qu’à leurs yeux je serai toujours plus ou moins cette figure de l’extranéité.

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Message  Invité Mer 26 Juin 2013 - 11:53

je viens de te lire à propos de Lise et Pierre,
j'ai beaucoup aimé...ah oui vraiment!
il y a tant, tant de choses qui parlent là dedans,
enthousiasmante lecture, qui donne très envie de lire la version encore plus aboutie (enfin si tu as le projet de reprendre le texte)
et ça:
"C'est terrible d'aimer quelqu'un comme ça et de ne vouloir que d'autres. Comme si l'envie était un lieu perdu entre l'affectueuse habitude de celui qui nous aime et le danger de ne pas plaire à ceux que nous ne connaissons pas encore. Il y a toujours cette friction entre les deux sortes de personnes qui nous désirent : celles qui nous désirent parce qu'elles nous aiment et celles qui nous désirent parce que nous leur sommes inconnus. Parfois on trouve plus authentique le désir des secondes parce qu'il n'est pas entaché par l'amour."

OUI!

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Message  Chako Noir Sam 29 Juin 2013 - 16:11

(fulgure : 1500 signes)

C’est l’histoire d’un congélo amoureux d’une glace à l’eau.

La glace à l’eau a plein d’amis, à la fraise, vanille, chocolat et pistache, d’autres au citron, orange et framboise-cassis. Le congélo n’a pour voisins qu’un distributeur de soda, une cafetière et une étagère de barres chocolatées. Toute la journée il s’ennuie, tandis que dans son ventre, son énorme ventre froid, sorbets et glaces font la nouba.

Toute la journée le congélo attend la nuit et, pour faire plaisir à sa glace à l’eau, entrouvre discrètement sa vitre, qu’elle puisse prendre l’air, souffler un peu, voir le dehors. Le congélo regarde sa belle regarder les étoiles, puis elle retourne à l’intérieur, dit poliment merci et rejoint la fête avec un sorbet fruits de la passion. Le congélo est malheureux, il la voudrait rien que pour lui.

Un jour elle lui dit : « laisse-moi sortir l’après-midi, je rêve de voir le soleil. » Le congélo ne se sent pas de joie ! Seulement il le sait bien, au soleil sa belle fondra, et lui fondra pour elle. Alors il dit : « pas maintenant, mais ce soir, promis, je t’ouvre ! » Mais on ne refuse rien à la glace à l’eau. Elle ne demande pas à sortir ce soir-là, ni le soir suivant, ne lui adresse même plus la parole.

Le troisième jour, il n’y tient plus. La glace à l’eau exulte : elle sort voir le soleil, respire l’air tiède, s’excuse pour sa froideur, espère bronzer un peu. Le congélo la regarde savourer son bonheur éphémère. Ce jour-là, à ses larmes se mêlera l’eau de la glace fondue.
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Message  Chako Noir Sam 29 Juin 2013 - 16:13

... et on passe pas loin de manquer du grand lu-k en n'allant pas visiter ce fil. Waoh!
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Message  Pussicat Sam 29 Juin 2013 - 17:04

À la première impression du jour – la fatigue – venait s'ajouter le dégoût d'elle-même. Ressentir le dégoût de soi lui était devenu familier, comme une seconde peau qu'elle retirait chaque matin après le thé chaud avalé vitement par un bref Beurgh... aussi rapide que salvateur déversé dans l'évier en inox de la cuisine.
À la deuxième impression du jour – l'ennui – venait se greffer l'envie d'en finir une bonne fois pour toutes, pour toutes les fois. Une envie dont elle avait appris à se débarrasser en allumant son ordinateur. Après quelques clics, quelques lectures de textes, après quelques tentatives d'écriture, l'idée d'en finir finissait généralement par disparaître dans la virtualité de ses connections.
À la troisième impression du jour – la solitude – arrivait invariablement ce déchirement du plus profond de son ventre, une vague si puissante qu'elle lui tirait des larmes aussi coupantes que la lame d'un rasoir. Et contre cela, et malheureusement, elle n'y pouvait rien.
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Message  Pussicat Sam 29 Juin 2013 - 21:13

À la première impression du jour – la fatigue – venait s'ajouter le dégoût d'elle-même. Ressentir le dégoût de soi lui était devenu familier, comme une seconde peau qu'elle retirait chaque matin après le thé chaud bu vitement par un bref "beurgh...rah... ah !" craché dans l'évier en inox de la cuisine.

À la deuxième impression du jour – l'ennui – venait se greffer l'envie d'en finir une bonne fois pour toutes, pour toutes les fois. Une envie qu'elle avait appris à tromper en allumant l'ordinateur. Après quelques clics, quelques lectures d'articles, après quelques tentatives d'écriture, l'idée d'en finir finissait généralement par se diluer dans la virtualité des connections.

Après la troisième impression du jour – la solitude – arrivait ce déchirement du plus profond de son ventre, une vague si puissante qu'elle lui tirait des larmes aussi tranchantes que des lames de rasoir. Et contre cela, et malheureusement, elle n'y pouvait rien.

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