Son sang sur mes genoux (ex Cornichon)
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Re: Son sang sur mes genoux (ex Cornichon)
Alors... je découvre plus ou moins, à part le premier épisode que j'avais lu au départ.
Et donc, j'ai tout lu d'une traite et dois m'avouer complètement bluffée.
Ton texte, bien que long, tient parfaitement la route, on lit sans difficulté et même avec grand plaisir les tribulations de ce jeune garçon.
L'écriture est fluide, toujours chaleureuse, douce ; ça fourmille de détails humains, et j'aime énormément la façon d'effleurer la réalité, de la rendre irréelle jusque ce qu'il faut, on ne verse jamais dans le fantastique. C'est, avec l'inclination pour autrui (tous les "autrui" !), ce qui m'a le plus plu dans cette nouvelle.
Contente d'avoir rattrapé le coche que j'avais bêtement loupé.
Je t'indique ci-dessous ce que j'ai pu relever en cours de lecture, ce n'est sans doute pas exhaustif.
- L’infinité de mes rêves toisant d’effectivement faisable, (sens ?)
-j’ouvris la porte d’entrée et sans comprendre comment, je me retrouvais en train de courir dans la rue, sans pleurer.
-C’était donc par curiosité que je montais les escaliers.
-Occupés à notre séance câlins habituelle, nous rions, et nous parlions ("riions")
-mon père et son air Caliméro se laissait cajoler, ("se laissaient")
-comme on contemple les astres qu’on rêve, sans grand espoir, d'atteindre, un jour, sans doute…
- l’odeur du bois des salles de Français ("français")
-Moi j’aimais bien me perdre, partir d’une chose pour arriver à une autre simplement en suivant un fil je peine aussi à saisir. Mais j’ai été dessus, quand j’ai tiré le mot “embouteillage”. (pas clair, à reformuler)
-parler de cette impression de blocage et de barricade imposés par le désordre de mes pensées ("imposée" => l'impression)
-Chacun est là, à dire du mal de l’autre, et te faire de toi l’intermédiaire ("à" au lieu de "te"?)
-Ma mère a toujours su conserver son sourire sempiternel, le soir pourtant, je l’entendais soupirer. ("avait" peut-être)
-je m’étais amusé à relever quelques identités, je les avais récoltés au hasard ("récoltées")
-il ne liait aucun lien amical avec nous
-lorsque les sons tantôt doux, tantôt plus violents
-ma montre qui de fil en aiguille laissait filer le temps.
-Il ne pleuvait plus, j’étais content, je rentrais à pied.
-Comme si je me découvrais pour la première fois, je levais un bras, puis l’autre,
- Il avait retrouvé sa froideur, dans son regard, son ton cassant, (enlever la virgule après "froideur")
-Pas de jouet, (je mettrais "jouet" au pluriel )
-L’enfant jouait dans la rue, juste en face de chez elle quand est survenu l’accident. ("était")
Je m’arrêtais pour le sentir, je cherchais de la vue cette odeur caractéristique que je connaissais sans reconnaître, mauvaise méthode. Pudique, je baissais les yeux.
pourquoi ma mère et elle ne s’était plus adressé la parole. ("s'étaient")
« Je sais me persuader d’être heureux », pensais-je en allant me coucher.
« Pourquoi pas », pensais-je.
Et je mets ici cette belle phrase, une des plus belles du texte (il y en a d'autres, très sensibles) : "Temps mort dans mes croches, point d’orgue sur la ronde de mes pensées, ce silence d’or devint plomb."
Et donc, j'ai tout lu d'une traite et dois m'avouer complètement bluffée.
Ton texte, bien que long, tient parfaitement la route, on lit sans difficulté et même avec grand plaisir les tribulations de ce jeune garçon.
L'écriture est fluide, toujours chaleureuse, douce ; ça fourmille de détails humains, et j'aime énormément la façon d'effleurer la réalité, de la rendre irréelle jusque ce qu'il faut, on ne verse jamais dans le fantastique. C'est, avec l'inclination pour autrui (tous les "autrui" !), ce qui m'a le plus plu dans cette nouvelle.
Contente d'avoir rattrapé le coche que j'avais bêtement loupé.
Je t'indique ci-dessous ce que j'ai pu relever en cours de lecture, ce n'est sans doute pas exhaustif.
- L’infinité de mes rêves toisant d’effectivement faisable, (sens ?)
-j’ouvris la porte d’entrée et sans comprendre comment, je me retrouvai
-C’était donc par curiosité que je montai
-Occupés à notre séance câlins habituelle, nous rions, et nous parlions ("riions")
-mon père et son air Caliméro se laissait cajoler, ("se laissaient")
-comme on contemple les astres qu’on rêve, sans grand espoir, d'atteindre, un jour, sans doute…
- l’odeur du bois des salles de Français ("français")
-Moi j’aimais bien me perdre, partir d’une chose pour arriver à une autre simplement en suivant un fil je peine aussi à saisir. Mais j’ai été dessus, quand j’ai tiré le mot “embouteillage”. (pas clair, à reformuler)
-parler de cette impression de blocage et de barricade imposés par le désordre de mes pensées ("imposée" => l'impression)
-Chacun est là, à dire du mal de l’autre, et te faire de toi l’intermédiaire ("à" au lieu de "te"?)
-Ma mère a toujours su conserver son sourire sempiternel, le soir pourtant, je l’entendais soupirer. ("avait" peut-être)
-je m’étais amusé à relever quelques identités, je les avais récoltés au hasard ("récoltées")
-il ne liait aucun lien amical avec nous
-lorsque les sons tantôt doux, tantôt plus violents
-ma montre qui de fil en aiguille laissait filer le temps.
-Il ne pleuvait plus, j’étais content, je rentrai
-Comme si je me découvrais pour la première fois, je levai
- Il avait retrouvé sa froideur, dans son regard, son ton cassant, (enlever la virgule après "froideur")
-Pas de jouet, (je mettrais "jouet" au pluriel )
-L’enfant jouait dans la rue, juste en face de chez elle quand est survenu l’accident. ("était")
Je m’arrêtai
pourquoi ma mère et elle ne s’était plus adressé la parole. ("s'étaient")
« Je sais me persuader d’être heureux », pensai
« Pourquoi pas », pensai
Et je mets ici cette belle phrase, une des plus belles du texte (il y en a d'autres, très sensibles) : "Temps mort dans mes croches, point d’orgue sur la ronde de mes pensées, ce silence d’or devint plomb."
Invité- Invité
Re: Son sang sur mes genoux (ex Cornichon)
Voilà quelques exemples :
( et phrase bancale)qu’en pensant tomber sur ma mère, se fut un policier qui décrocha le téléphone.
je rentrais à pied.
Traînant, lent, je pris mon temps sur le chemin du retour.
Plus tard, je mangeai sans faire de bruit. Puis, je rejoins ( rejoignis) ma chambre
passé simpleJe pensais un peu à Charlotte
dans la cours
un parfum échappé d’une nuque vint se loger dans mes narines. Je m’arrêtais pour le sentir, je cherchais ( passé simple)
je baissais les yeux. ( passé simple)
je pensais à journée qui se terminait
J’ai un gros doute sur ce fusseJ’avais un petit peu peur bien que ce fusse la troisième fois.
Invité- Invité
Cornichon
Oui Coline, ce titre...
Merci pour ta lecture, ton commentaire et ta correction !
Y'a quelques broutilles que j'ai corrigé dans la deuxième version, fin de la page 1 et oui, tu as raison, le " fusse" est "fût" !
Easter, déjà merci pour avoir lu le texte en entier, et cette correction ! Fabuleuse ! En espérant qu'elle soit exhaustive sinon j'ai sérieusement des questions à me poser :-) !
Merci pour ta lecture, ton commentaire et ta correction !
Y'a quelques broutilles que j'ai corrigé dans la deuxième version, fin de la page 1 et oui, tu as raison, le " fusse" est "fût" !
Easter, déjà merci pour avoir lu le texte en entier, et cette correction ! Fabuleuse ! En espérant qu'elle soit exhaustive sinon j'ai sérieusement des questions à me poser :-) !
Phoenamandre- Nombre de messages : 2423
Age : 33
Date d'inscription : 08/03/2009
Re: Son sang sur mes genoux (ex Cornichon)
j'ai tout relu hier aussi
je suis contente qu'easter et coline soient comme moi bluffées, emportées.
continue continue continue !
Janis- Nombre de messages : 13490
Age : 63
Date d'inscription : 18/09/2011
Re: Son sang sur mes genoux (ex Cornichon)
ah oui, en revanche ce serait bien d'aérer un peu, c'est très compact
sauter une ligne de temps en temps ?
Janis- Nombre de messages : 13490
Age : 63
Date d'inscription : 18/09/2011
Re: Son sang sur mes genoux (ex Cornichon)
me reste la dernière partie à lire mais je tenais à te dire oh combien j'ai aimé ce récit ! finalement, ce n'est pas plus mal de le découvrir tardivement, ça en fait plus à déguster ! et merci pour avoir aéré, car certaines parties, outch, c'était rude à l'écran !
mais vraiment, la suite, la suite !
mais vraiment, la suite, la suite !
polgara- Nombre de messages : 1440
Age : 49
Localisation : Tournefeuille, et virevolte aussi
Date d'inscription : 27/02/2012
Re: Son sang sur mes genoux (ex Cornichon)
Mais ce titre...
D'ailleurs, à bien réfléchir, c'est en partie ce qui m'a tenue à l'écart.
A bon entendeur...
D'ailleurs, à bien réfléchir, c'est en partie ce qui m'a tenue à l'écart.
A bon entendeur...
Invité- Invité
Re: Son sang sur mes genoux (ex Cornichon)
Mais que je suis bête ! Moi non plus, je n'ai jamais lu ces textes à cause du titre !
Et je vois que d'autres commentaires vont dans ce sens !
Avant ce soir, je me consacre à cette lecture car je viens de survoler les premières lignes, et... j'achète !
Et je vois que d'autres commentaires vont dans ce sens !
Avant ce soir, je me consacre à cette lecture car je viens de survoler les premières lignes, et... j'achète !
Invité- Invité
Re: Son sang sur mes genoux (ex Cornichon)
À tous : Le titre a été modifié, en réponse à la demande de l'auteur http://www.vosecrits.com/t11540p760-pour-les-demandes-a-la-moderation-modifications-catalogue-vos-ecrits-c-est-ici#374357
Modération- Nombre de messages : 1362
Age : 18
Date d'inscription : 08/11/2008
Re: Son sang sur mes genoux (ex Cornichon)
Finalement, j'avais lu et commenté le premier épisode, mais n'avais pas persisté dans ma lecture. Je me demande bien pourquoi ! Cette fois, j'ai tout lu d'une seule traite.
J'ai été séduite par l'écriture sensible, empreinte de poésie, souvent, et par cette histoire très émouvante.
J'ai été séduite par l'écriture sensible, empreinte de poésie, souvent, et par cette histoire très émouvante.
Invité- Invité
Re: Son sang sur mes genoux (ex Cornichon)
J'aimais bien cornichon parce que c'était saugrenu, mais je dois avouer que le nouveau titre colle mille fois mieux à ton beau texte.
Janis- Nombre de messages : 13490
Age : 63
Date d'inscription : 18/09/2011
Re: Son sang sur mes genoux (ex Cornichon)
Donc, c'est "Cornichon", voilà la grosse raison qui m'avait fait passer à côté...
Lu d'une shot. Fluide, agréable, bien torché. Plus qu'à virer les fautes par-ci par-là et le tour sera joué. Tu tiens quelque chose, mon ami. Lâche-pas !
J'ai bien hâte de découvrir la suite.
Lu d'une shot. Fluide, agréable, bien torché. Plus qu'à virer les fautes par-ci par-là et le tour sera joué. Tu tiens quelque chose, mon ami. Lâche-pas !
J'ai bien hâte de découvrir la suite.
Lucy- Nombre de messages : 3411
Age : 47
Date d'inscription : 31/03/2008
Re: Son sang sur mes genoux (ex Cornichon)
Voici une nouvelle partie pour ma nouvelle. L'espace entre chacun de mes textes est de plus en plus long. Arg.
Je l'accompagne d'une musique, que j'ai composée au piano, et que certains ici ont déjà entendue !
Tout aurait été plus simple si Pierre n'avait pas vu la conductrice.
J'ai toujours dû batailler pour connaître Pierre. Nos échanges étaient souvent très courts, jamais il ne me parlait ouvertement. J'apprenais sa vie au fil de parenthèses qui parfois paraissaient superflues, mais qui en dévoilaient bien plus que tout le reste. De temps en temps un mot glissait, une évocation, une allusion à peine perceptible, c'est à travers tout ce qu'il ne disait pas que je le connaissais. Alors je lui posais des questions, j'essayais d'en savoir plus, ses réponses restaient élusives.
C'est ainsi que je sus que Pierre avait surnommé sa petite sœur Cacine.
Cacine. Ce mot ne me disait rien. Je lui demandai pourquoi. Il m'expliqua, en une phrase succincte, puis la chassa en avalant presque le dernier mot. Inaudible.
« On était allé avec mon père planter des fleurs dans le jardin, ma sœur disait cacine au lieu de capuci... »
Dans sa maison, très sombre, la seule photo de Cacine était sur sa table de chevet. Je n'en avais vu nulle part ailleurs. Ni sur les murs, ni sur les autres meubles. Son existence toute entière était dans la chambre de Pierre.
Après être parti de Quimperlé je ne vivais plus qu'à travers ma mère. Chaque matin je me levais en sachant qu'elle serait là, à m'accueillir, chaque soir lorsque je rentrais je pouvais m'attendre à la trouver derrière la porte. C'était rassurant., je ne voulais pas qu'il en soit autrement. Ma mère, j'avais l'illusion de tout savoir d'elle. Je pensais que nos vies étaient fusionnelles, qu'il n'y avait pas de raison que l'un ait des secrets pour l'autre.
Mon père était très différent. Je n'ai jamais pu prévoir les réactions de mon père. Tout était selon son humeur, sa fatigue. Impossible de savoir ce qu'il allait accepter ou non.
Dans l'ensemble, tant que je ne lui demandais rien, j'étais libre de faire ce que je souhaitais. Mais de temps à autre survenait une crise d'autorité et je me retrouvais sans raison avec un boulet au pied et un carcan au cou.
C'était le cas ce week-end. Mon père avait insisté pour que je le suive à une de ses soirées organisées grâce à internet avec des inconnus.
Sur le principe des rallyes et autres soirées mondaines, n'étaient conviés que ceux capables d'inviter à leur tour. Aussi avait-il dû préciser sur le site internet la taille de la maison et son salaire, qu'il avait naturellement exagérés.
« L'essentiel, c'est de savoir qu'on peut accueillir. »
Les premières fois mon père s'y était rendu seul. Qu'il insiste pour que je vienne m'avait fait plutôt plaisir en vérité, bien que ce ne fut plutôt inattendu. Mais j'étais de corvée mensonge. Mon père m'avait bien avisé de ne pas parler de ses rencontres d'un soir, d'être sage et de bien me tenir. J'avais quelques boutons d’acné. J'étais sur le point de commencer à muer. J'étais plus timide que jamais.
La maison était immense, la nôtre paraîtrait ridicule à côté. Je compris dès lors que je ne serais pas à mon aise, tout était distingué, j'avais peur de faire un faux pas.
Quand je vis Adeline pour la première fois, je sus à quelle point la nature était injuste. Profondément injuste. Elle l'avait faite parfaite, elle m'avait fait ingrat. Un spectacle tel qu'on aurait pu le voir chez des milliers d'autres gens, le lire dans des milliers d'autres livres, si ce n'est que celui-ci avait une particularité que moi seul, j'espérais, avais remarqué. Le regard fuyant, je n'avais pu soutenir le sien. Cependant l'espace d'une seconde j'avais décelé l'immense bonté sous sa bien plus grande beauté. Elle avait quelque chose de modeste, de discret, au milieu du vacarme et de sa mise en scène.
Sa mère, propriétaire des lieux, l'avait appelée afin qu'elle me guide jusqu'au groupe d'adolescents. J'étais parmi les plus jeunes.
Adeline m'initia à la danse ce soir-là. J'étais rouge comme une pivoine, j'étais vraiment gauche, pas doué, elle perdait son temps avec moi.
« Non, on arrête, dis-je en tremblant. »
« Mais pourquoi, allez ! M'encouragea-t-elle. »
- Non c'est vraiment pas la peine, j'y arriverai pas. »
Elle me répondit en souriant que j'étais « chiant ». Malgré son sourire, je savais que je l'avais déçue. Mais rien n'y faisait, j'étais trop gêné face à ces gens de tout âge qui dansaient si bien, j'avais deux pieds gauches, je ne me sentais pas à ma place. Je ne toucherais à rien, ni des mains, ni des yeux.
Je souhaitais lui faire comprendre que le problème ne venait pas d'elle, mais de moi.
« T'en fais pas pour moi, vas-y ! ! »
Je n'aurais pas voulu qu'elle s'en aille. Je ne voulais pas être un poids non plus. J'aurais simplement souhaité être ailleurs. Loin des enfants qui jouaient aux grandes personnes. Des adultes qui faisaient les adolescents. Loin de la perfection de ces gens trop sûrs d'eux. Leurs silhouettes se mélangeaient, d'ici j'avais l'impression qu'ils se ressemblaient tous, c'était un tableau dont je me tenais à l'écart par peur d'y faire tache.
Aurais-je voulu en faire partie ? Comment savoir.
Le temps passait et je continuais à observer la danse, de l'extérieur, absent. Je soupirais. On regarde toujours celui qui se tient à l'écart. J'avais peur. Je l'avoue. Toujours cette même peur, qui me poursuit encore et encore, moi qui suis là tel la gêne elle-même, dérangeante, on l'ignore, du moins on essaye.
J'avais honte. Je ressentais une haine que je ne connaissais pas, alimentée par cette honte. Je haïssais ces gens car je voulais être bien partout mais je ne voulais pas faire partie d'eux. J'aurais simplement voulu être accepté. J'avais des préjugés. J'imaginais que tout le monde avait des préjugés. Chaque attention qu'on me portait dans ces moments, chaque sourire, chaque fois qu'on me saluait ou qu'on m'adressait la parole, était un trésor éphémère, profondément éphémère, à vrai dire tellement éphémère qu'il en devenait irréel, que je me demandais s'il avait un jour existé, s'il ne s'agissait pas que d'un fantasme. Alors je veillais au bon choix de mes mots, je pesais chacun de mes propos, j'imaginais rapidement des milliers de scénarios et souvent je me résignais à me taire. Je devenais le silencieux, je prétendais ne plus rien voir ni entendre.. Il n'en était rien, je guettais, j'écoutais, pour peu qu'on ait dit quelque chose sur moi en pensant le faire discrètement, je le savais, ça me blessait mais je n'en tenais pas compte. Ils n'y étaient pour rien, c'était mon comportement qui voulait ça. Ma façade était un cliché, je passais pour l'idiot. Aujourd'hui encore je subis ce même chambardement, même si la situation n'est plus la même, si le milieu n'y ressemble pas, je reste inadapté, je m'inhibe volontairement pour ne pas aller vers ou contre ces gens que parfois j'aime ou je répugne, l'amour n'a rien à voir là-dedans.
Je soupirai, les yeux perdus dans le vague. Je ne voulais croiser le regard de personne, alors je regardais les pieds des danseurs.
Barbara, c'était le nom de la meilleure amie de ma mère. Je m'en étais souvenu en fixant la piste de danse ; ma mère avait dansé avec mon père il y a bien longtemps.
Ma mère avait aimé mon père. Pas un grand amour innocent, non, mais elle avait beaucoup d'espoir. L'espoir de se changer, de rendre son fils heureux, de se bâtir une vie solide.
J'aimais croire en son fantôme. J'aimais m'imaginer qu'elle se cachait là, sous mon lit.
Et pourtant j'avais peur, peur à un tel point que certains soirs je désespérais après avoir passé une heure à vérifier chaque recoin de ma chambre de peur qu'il ne s'y cache un revenant en colère.
Oui, comme beaucoup d'enfants j'avais peur des monstres. Bien plus que les monstres, je craignais leur mort, l'idée qu'ils ne soient plus rien, ni ma mère, ni lui.
Parfois je me laissais envahir, habiter tout entier par lui, mon premier choc, par son image, la sensation, mes pensées devenaient troubles, plus rien n'était cohérent, je perdais le sens de toute chose au point de ne plus rien voir d'autre que ce trou béant d'où s'échappaient ses pensées, sa chaleur, sa personne et son amitié, le monde autour disparaissait, s'évanouissait, se vidait en un filet rouge, en cris de panique, les sons se mélangeaient, j'étais glacé, glacé, son sang chaud sur mes genoux, j'attendais, ces secondes n'existaient pas, bientôt on les effacerait, elles n'avaient pas lieu d'être.
Inconsciemment, même après sa mort, dans ces moments j'attendais ma mère, qui ne venait plus comme avant.
Car ma mère finissait toujours par s'en rendre compte. Au beau milieu de la nuit, elle se levait. Je me dépêchais d'éteindre ma lumière, je ne voulais pas qu'elle s'inquiète. Pourtant j'étais profondément soulagé lorsqu'elle s'apercevait de ma supercherie, qu'elle ouvrait ma porte et venait s'asseoir à mes côtés.
Ce qui me ramena à une nuit particulièrement longue, quelques jours auparavant. Une nuit passée à veiller, je m'en voulais car Pierre avait fait semblant de rien, je n'avais pas insisté.
Je n'avais pas compris pourquoi ma mère m'avait rejeté le soir de sa mort. Je n'avais pas réfléchi. Je suis parti. J'ai fui. Je n'avais rien vu de ses idées noires.
Je l'accompagne d'une musique, que j'ai composée au piano, et que certains ici ont déjà entendue !
Tout aurait été plus simple si Pierre n'avait pas vu la conductrice.
J'ai toujours dû batailler pour connaître Pierre. Nos échanges étaient souvent très courts, jamais il ne me parlait ouvertement. J'apprenais sa vie au fil de parenthèses qui parfois paraissaient superflues, mais qui en dévoilaient bien plus que tout le reste. De temps en temps un mot glissait, une évocation, une allusion à peine perceptible, c'est à travers tout ce qu'il ne disait pas que je le connaissais. Alors je lui posais des questions, j'essayais d'en savoir plus, ses réponses restaient élusives.
C'est ainsi que je sus que Pierre avait surnommé sa petite sœur Cacine.
Cacine. Ce mot ne me disait rien. Je lui demandai pourquoi. Il m'expliqua, en une phrase succincte, puis la chassa en avalant presque le dernier mot. Inaudible.
« On était allé avec mon père planter des fleurs dans le jardin, ma sœur disait cacine au lieu de capuci... »
Dans sa maison, très sombre, la seule photo de Cacine était sur sa table de chevet. Je n'en avais vu nulle part ailleurs. Ni sur les murs, ni sur les autres meubles. Son existence toute entière était dans la chambre de Pierre.
Après être parti de Quimperlé je ne vivais plus qu'à travers ma mère. Chaque matin je me levais en sachant qu'elle serait là, à m'accueillir, chaque soir lorsque je rentrais je pouvais m'attendre à la trouver derrière la porte. C'était rassurant., je ne voulais pas qu'il en soit autrement. Ma mère, j'avais l'illusion de tout savoir d'elle. Je pensais que nos vies étaient fusionnelles, qu'il n'y avait pas de raison que l'un ait des secrets pour l'autre.
Mon père était très différent. Je n'ai jamais pu prévoir les réactions de mon père. Tout était selon son humeur, sa fatigue. Impossible de savoir ce qu'il allait accepter ou non.
Dans l'ensemble, tant que je ne lui demandais rien, j'étais libre de faire ce que je souhaitais. Mais de temps à autre survenait une crise d'autorité et je me retrouvais sans raison avec un boulet au pied et un carcan au cou.
C'était le cas ce week-end. Mon père avait insisté pour que je le suive à une de ses soirées organisées grâce à internet avec des inconnus.
Sur le principe des rallyes et autres soirées mondaines, n'étaient conviés que ceux capables d'inviter à leur tour. Aussi avait-il dû préciser sur le site internet la taille de la maison et son salaire, qu'il avait naturellement exagérés.
« L'essentiel, c'est de savoir qu'on peut accueillir. »
Les premières fois mon père s'y était rendu seul. Qu'il insiste pour que je vienne m'avait fait plutôt plaisir en vérité, bien que ce ne fut plutôt inattendu. Mais j'étais de corvée mensonge. Mon père m'avait bien avisé de ne pas parler de ses rencontres d'un soir, d'être sage et de bien me tenir. J'avais quelques boutons d’acné. J'étais sur le point de commencer à muer. J'étais plus timide que jamais.
La maison était immense, la nôtre paraîtrait ridicule à côté. Je compris dès lors que je ne serais pas à mon aise, tout était distingué, j'avais peur de faire un faux pas.
Quand je vis Adeline pour la première fois, je sus à quelle point la nature était injuste. Profondément injuste. Elle l'avait faite parfaite, elle m'avait fait ingrat. Un spectacle tel qu'on aurait pu le voir chez des milliers d'autres gens, le lire dans des milliers d'autres livres, si ce n'est que celui-ci avait une particularité que moi seul, j'espérais, avais remarqué. Le regard fuyant, je n'avais pu soutenir le sien. Cependant l'espace d'une seconde j'avais décelé l'immense bonté sous sa bien plus grande beauté. Elle avait quelque chose de modeste, de discret, au milieu du vacarme et de sa mise en scène.
Sa mère, propriétaire des lieux, l'avait appelée afin qu'elle me guide jusqu'au groupe d'adolescents. J'étais parmi les plus jeunes.
Adeline m'initia à la danse ce soir-là. J'étais rouge comme une pivoine, j'étais vraiment gauche, pas doué, elle perdait son temps avec moi.
« Non, on arrête, dis-je en tremblant. »
« Mais pourquoi, allez ! M'encouragea-t-elle. »
- Non c'est vraiment pas la peine, j'y arriverai pas. »
Elle me répondit en souriant que j'étais « chiant ». Malgré son sourire, je savais que je l'avais déçue. Mais rien n'y faisait, j'étais trop gêné face à ces gens de tout âge qui dansaient si bien, j'avais deux pieds gauches, je ne me sentais pas à ma place. Je ne toucherais à rien, ni des mains, ni des yeux.
Je souhaitais lui faire comprendre que le problème ne venait pas d'elle, mais de moi.
« T'en fais pas pour moi, vas-y ! ! »
Je n'aurais pas voulu qu'elle s'en aille. Je ne voulais pas être un poids non plus. J'aurais simplement souhaité être ailleurs. Loin des enfants qui jouaient aux grandes personnes. Des adultes qui faisaient les adolescents. Loin de la perfection de ces gens trop sûrs d'eux. Leurs silhouettes se mélangeaient, d'ici j'avais l'impression qu'ils se ressemblaient tous, c'était un tableau dont je me tenais à l'écart par peur d'y faire tache.
Aurais-je voulu en faire partie ? Comment savoir.
Le temps passait et je continuais à observer la danse, de l'extérieur, absent. Je soupirais. On regarde toujours celui qui se tient à l'écart. J'avais peur. Je l'avoue. Toujours cette même peur, qui me poursuit encore et encore, moi qui suis là tel la gêne elle-même, dérangeante, on l'ignore, du moins on essaye.
J'avais honte. Je ressentais une haine que je ne connaissais pas, alimentée par cette honte. Je haïssais ces gens car je voulais être bien partout mais je ne voulais pas faire partie d'eux. J'aurais simplement voulu être accepté. J'avais des préjugés. J'imaginais que tout le monde avait des préjugés. Chaque attention qu'on me portait dans ces moments, chaque sourire, chaque fois qu'on me saluait ou qu'on m'adressait la parole, était un trésor éphémère, profondément éphémère, à vrai dire tellement éphémère qu'il en devenait irréel, que je me demandais s'il avait un jour existé, s'il ne s'agissait pas que d'un fantasme. Alors je veillais au bon choix de mes mots, je pesais chacun de mes propos, j'imaginais rapidement des milliers de scénarios et souvent je me résignais à me taire. Je devenais le silencieux, je prétendais ne plus rien voir ni entendre.. Il n'en était rien, je guettais, j'écoutais, pour peu qu'on ait dit quelque chose sur moi en pensant le faire discrètement, je le savais, ça me blessait mais je n'en tenais pas compte. Ils n'y étaient pour rien, c'était mon comportement qui voulait ça. Ma façade était un cliché, je passais pour l'idiot. Aujourd'hui encore je subis ce même chambardement, même si la situation n'est plus la même, si le milieu n'y ressemble pas, je reste inadapté, je m'inhibe volontairement pour ne pas aller vers ou contre ces gens que parfois j'aime ou je répugne, l'amour n'a rien à voir là-dedans.
Je soupirai, les yeux perdus dans le vague. Je ne voulais croiser le regard de personne, alors je regardais les pieds des danseurs.
Barbara, c'était le nom de la meilleure amie de ma mère. Je m'en étais souvenu en fixant la piste de danse ; ma mère avait dansé avec mon père il y a bien longtemps.
Ma mère avait aimé mon père. Pas un grand amour innocent, non, mais elle avait beaucoup d'espoir. L'espoir de se changer, de rendre son fils heureux, de se bâtir une vie solide.
J'aimais croire en son fantôme. J'aimais m'imaginer qu'elle se cachait là, sous mon lit.
Et pourtant j'avais peur, peur à un tel point que certains soirs je désespérais après avoir passé une heure à vérifier chaque recoin de ma chambre de peur qu'il ne s'y cache un revenant en colère.
Oui, comme beaucoup d'enfants j'avais peur des monstres. Bien plus que les monstres, je craignais leur mort, l'idée qu'ils ne soient plus rien, ni ma mère, ni lui.
Parfois je me laissais envahir, habiter tout entier par lui, mon premier choc, par son image, la sensation, mes pensées devenaient troubles, plus rien n'était cohérent, je perdais le sens de toute chose au point de ne plus rien voir d'autre que ce trou béant d'où s'échappaient ses pensées, sa chaleur, sa personne et son amitié, le monde autour disparaissait, s'évanouissait, se vidait en un filet rouge, en cris de panique, les sons se mélangeaient, j'étais glacé, glacé, son sang chaud sur mes genoux, j'attendais, ces secondes n'existaient pas, bientôt on les effacerait, elles n'avaient pas lieu d'être.
Inconsciemment, même après sa mort, dans ces moments j'attendais ma mère, qui ne venait plus comme avant.
Car ma mère finissait toujours par s'en rendre compte. Au beau milieu de la nuit, elle se levait. Je me dépêchais d'éteindre ma lumière, je ne voulais pas qu'elle s'inquiète. Pourtant j'étais profondément soulagé lorsqu'elle s'apercevait de ma supercherie, qu'elle ouvrait ma porte et venait s'asseoir à mes côtés.
Ce qui me ramena à une nuit particulièrement longue, quelques jours auparavant. Une nuit passée à veiller, je m'en voulais car Pierre avait fait semblant de rien, je n'avais pas insisté.
Je n'avais pas compris pourquoi ma mère m'avait rejeté le soir de sa mort. Je n'avais pas réfléchi. Je suis parti. J'ai fui. Je n'avais rien vu de ses idées noires.
Phoenamandre- Nombre de messages : 2423
Age : 33
Date d'inscription : 08/03/2009
Re: Son sang sur mes genoux (ex Cornichon)
Je trouve cette dernière partie un petit peu bric-à-brac, je n'arrive pas vraiment à voir le lien entre chaque étape, comment tout s'imbrique - c'est sans doute le long espace de temps depuis le dernier extrait (tu aurais pu/dû mettre le texte en spoiler) ; en fait c'est drôle parce que ce morceau me fait l'effet de correspondre au passage musical autour de 2'30-2'50, on sautille de-ci de-là... pour retomber dans du plus grave, plus introspectif.
Quelques bricoles de langue ici et là, j'ai juste relevé ceci : "bien que cene fût plutôt inattendu."
En tout cas, la musique est très chouette, j'aime beaucoup, elle colle bien à l'esprit du texte, avec un côté songeur, réflexif.
Quelques bricoles de langue ici et là, j'ai juste relevé ceci : "bien que ce
En tout cas, la musique est très chouette, j'aime beaucoup, elle colle bien à l'esprit du texte, avec un côté songeur, réflexif.
Invité- Invité
Re: Son sang sur mes genoux (ex Cornichon)
c'est la musique qui m'amène au texte,
puisque je l'ai découverte ailleurs
et que le titre "saugrenu" m'interpelle.
je vais lire en écoutant...
puisque je l'ai découverte ailleurs
et que le titre "saugrenu" m'interpelle.
je vais lire en écoutant...
Re: Son sang sur mes genoux (ex Cornichon)
Décidément, tu as tous les talents !
Ta musique m'a terriblement émue... elle traduit un amour de la vie allié à une sensibilité qui doit exalter toutes les nuances des ressentis, ça donne une richesse incroyable, une émotion ...
Comme Easter, j'ai trouvé ce passage un petit peu décousu.
Mais c'est toujours séduisant, plein de notations fines...
Ta musique m'a terriblement émue... elle traduit un amour de la vie allié à une sensibilité qui doit exalter toutes les nuances des ressentis, ça donne une richesse incroyable, une émotion ...
Comme Easter, j'ai trouvé ce passage un petit peu décousu.
Mais c'est toujours séduisant, plein de notations fines...
Invité- Invité
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