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Sans toi ni l'oie (Théâtre) - Premières scènes

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Message  apoutsiak Sam 30 Aoû 2008 - 11:37

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L'AUTEUR VOUS INFORME :

La version évolutive en cours, présentée en un seul ensemble, est lisible et téléchargeable au format Word ici :

http://www.mediafire.com/?2i2kawva4tl

ou encore ici :

https://buzzword.acrobat.com/#i=7Oocc3jRk6XgPJfHwzVVBQ

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Merci d'avance aux modos d'ôter la première scène (un peu retouchée) que j'ai proposée il y a quelque temps. Je rappelle que le titre, provisoire, n'est là que pour identifier ce travail inachevé. Merci d'avance pour tous vos avis.


SANS TOI NI L'OIE

Théâtre



Un salon. Une fenêtre. Des masques africains, océaniens, une peinture aborigène, une reproduction de Klee, deux photos de Harlem.

L’homme de la maison : Victor
La femme de la maison : Magali
L’invité : Noé


Scène 1

Victor est à la fenêtre (dos public) et regarde à l’extérieur. Magali est confortablement installée dans un canapé (face public), en train de lire une revue.

- Victor : Les éléments sont déchaînés, ce soir. Les dieux sont fâchés. Très fâchés. A ton avis, qu’est-ce que les hommes ont fait de pire, récemment ?
- Magali (plongée dans sa lecture): Mmmh ?
- Victor : Je dis que c’est le pire jour de l’hiver. Tonnerre, pluie, tempête, neige. Gel, ce soir. Alors, on pense tout de suite aux colères divines.
- Magali : Tu penses, mon petit farfalle (accent tonique sur le tu, accent italien pour farfalle). Moi, je parlerais plutôt algorithmes, variation de la pression atmosphérique, hectopascals, grandeur du gradient, force de coriolis. Qui ont, de plus, le grand mérite de chatouiller l’oreille.
- Victor : Et la poésie, ma petite canne à sucre, tu en fais quoi ?
- Magali : Les mathématiques sont des royaumes pour la poésie, peccorino (avec l’accent).
- Victor (se retournant) : Vraiment, chérie, je ne t’inspire pas autre chose qu’une pâte ou un fromage ?
- Magali : Qu’y puis-je si tu es à ce point à croquer, mon amour. Viens près de moi, et la prochaine fois, je chercherai du côté du... chocolat, par exemple ! (elle rit de bon coeur)
Victor : Tu sais bien que j’adore regarder le temps devenir fou.
- Magali : Mon délicieux poète (silence, elle se replonge dans sa revue, lève à nouveau la tête, soupire, balance la revue sur une petite table). Décris-moi ce que tu vois. Je ferme les yeux. Là, ils sont fermés. Je n’ai jamais vu le spectacle que tu vois par la fenêtre, et...
- Victor : Tu ne l’as jamais vu, en effet. Et tu ne le verras jamais.
- Magali : Je voulais dire que je ne sais plus quelle vue nous est offerte, que j’ai oublié si nous sommes dans une petite ou une grande ville, si on voit au loin ou si, au contraire, un mur se trouve à quelques mètres seulement, si nous donnons sur une avenue ou sur une impasse.
- Victor : Tu sais bien qu'on n'aurait jamais acheté un appartement sans une vue dégagée. Nous sommes sur une place.
- Magali : Grande ?
- Victor : Ce n’est pas Tien An Men, pas la Place Rouge non plus, mais on a une impression de vastitude. Elle est large, profonde et aérée. Et au milieu, se trouve posé un gâteau immense, gothique mais pas flamboyant. Le gâteau se termine en pointe. A croire qu'elle vient de transpercer des poches pleines. On dirait qu’une pieuvre vient de cracher son encre au-dessus des tours. Et le tout dégringole par paquets. Je te jure, Mag, un vrai déluge biblique. Maintenant, les flashs. C'est génial de ne rien entendre mais de savoir que dehors, c'est l'Apocalypse, avec une musique de fracas. Tiens, une vieille 404. Marrant. On dirait une vieille binoclarde, avec ses balais qui s’affolent complètement. Ça me fait penser à mon père. Il a longtemps bichonné la sienne. Toute blanche. Sa deuxième passion du genre après la 4L. Excuse-moi. Je m’égare.
- Magali : Ça ne fait rien, ce que tu me décris colle bien à ta nostalgie. Du moment que tu n’entames pas une encyclopédie automobile.
- Victor : Tu sais bien que j'en serais incapable. Tiens, un piéton. Le pauvre. Une mallette à la main. Bizarre, pour un dimanche. Un type sérieux, cravaté. Le gars se cramponne littéralement à son parapluie. C'est fou, ce vent ! Ouh là, le parapluie se retourne. Hop ! rétabli aussi sec. (Il rit). Paf ! de nouveau retourné dis donc ! On se croirait dans un Charlot ! Mais qu'est-ce qu'il… Il s'arrête pour réparer son bazar, en tripotant les baleines. Oh la la, la moutarde lui monte au nez, ma parole. (Il éclate de rire). Incroyable. Incroyable, Mag ! Il a balancé le pépin derrière lui sans s'arrêter. Je te jure. Ah si, quand même. Il se retourne. Je me disais bien qu'un type comme ça ne pouvait pas aller jusqu'au bout d'une lubie pareille. Il hésite, quand même. Je reste sur mon pari. Et oui, il revient sur ses pas. Il récupère son bien. Gagné, mon petit Victor. Tiens...
Silence.
- Magali (elle ouvre les yeux) : Quoi ?
- Victor : Un autre homme. Genre S.D.F. Avec un vieux sac à dos kaki. Je l’ai déjà aperçu tout à l’heure, quand on buvait nos chocolats.
- Magali : Le délice de la journée ! Et si tu m’en refaisais un ?
- Victor : Il est passé cinq heures. Trop excitant.
- Magali : Oh le vilain rabat-joie !
- Victor : Je ne le distinguais pas, parce qu’il s’est abrité sous les arcades.
- Magali : Allez, Victor, on ne se drogue pas, on ne fume pas, on boit très, très modérément, on pourrait quand même se payer le luxe d’un deuxième excitant, non ?

Victor quitte la fenêtre d’un air préoccupé et se dirige d’un pas décidé vers leur chambre.

- Magali : Je ne crois pas que ce soit la bonne direction. Pour le chocolat, je veux dire (Victor repasse en sens inverse, des jumelles à la main, se poste à la fenêtre). On peut savoir ce que tu fabriques ?
- Victor : Il était assis au bord du bassin, tout à l’heure. Il avait déjà l’air en piteux état. Durant les jours de grand froid, il y a des hébergements d’urgence, non ?
- Magali : Je crois, oui.
- Victor (un peu inquiet) : Alors, pourquoi il n’y est pas ?
- Magali : Comment veux-tu que je le sache ?
- Victor (avec un peu d’humeur) : Si toutes nos portes n’étaient pas verrouillées, digicodées, au moins, de pauvres malheureux comme lui pourraient se réfugier pour trouver un peu de chaleur. L’entrée de l’immeuble est monumentale.
- Magali : Je te rappelle que tu as voté oui, pour le digicode.
- Victor : Je te rappelle que la voisine du deuxième s’était fait agressée.
- Magali : A chacun ses raisons, Victor. D’autres se sont souvenus que les gens très pauvres sont souvent très sales. Souvent avinés, aussi. Très sale et très aviné, ça donne une puanteur immonde dans une cage d’escalier, qui ne s’en va pas en cinq minutes d’aération ni en quelques coups de pschitt pschitt (elle mime le geste, avec l’aérosol).
- Victor : A chaque fois que Jérémie s’en va d’ici, tout l’appartement pue affreusement la Gauloise pendant plusieurs jours. Cela ne t’empêche pas de continuer à l’accueillir chez toi.
- Magali : Ne sois pas idiot Victor. Tu sais bien que personne n’a jamais su convaincre mon frère d’arrêter de fumer. Et puis, je ne vois pas le rapport.
(Victor quitte son poste, pose ses jumelles sur une console, cherche quelque chose dans les tiroirs d’un meuble)
- Magali : Qu’est-ce que tu cherches ?
- Victor : Un bottin. Il doit bien y avoir un numéro à appeler, non ? Des services sociaux, quelque chose dans le genre.
- Magali : On est dimanche, Victor. Tu veux que je te dise ?
- Victor (sans s’arrêter de chercher) : Dis toujours. Ah ! (il trouve, feuillette le bottin).
- Magali : Il paraît que certains ne veulent même pas y aller. Si ça se trouve, c’est un type de ce genre-là. Ça paraît incompréhensible, mais c’est vrai. Au lieu d’aller prendre une douche, de dormir dans un lit, ceux-là réclament qu’on leur foute la paix. Au risque d’attraper la mort.
- Victor : Justement. Cette nuit, il paraît que la température va descendre jusqu'à moins cinq moins sept. (Il hausse un peu le ton, tourne les pages) On ne va quand même pas laisser ce type dans cet état et le laisser crever sous nos fenêtres ! (Il tourne les pages, avant arrière et vice versa) Et merde, j’y comprends rien, à leurs rubriques ! (Il balance le bottin sur un fauteuil)
- Magali (elle se lève calmement, se rapproche de Victor, parle d’une voix douce) : Victor. Mon grand Liégeois. Mon baba au rhum préféré. Explique-moi. Hier, il était sous une autre fenêtre et il ne te concernait pas. Aujourd’hui, il est dans ta juridiction, alors, il devient une urgence, c’est ça ? Il est devenu ton pauvre, en quelque sorte.
- Victor : Mais qu’est-ce que tu racontes ? Il ne me concernait pas ? Hier, il me concernait aussi. La pauvreté m’a toujours concerné. Tu sais combien je donne par mois à des oeuvres humanitaires ? Comment veux-tu que je sache qui a besoin de nous dans le quartier d’à côté, dans la ville voisine, à Bombay ou à Lima ?
- Magali : Excuse-moi. Je sais que tu es quelqu’un de généreux. De très généreux, même. Appelons la police, si tu veux être rassuré. (Victor la regarde dans les yeux, se fige dans une attitude nouvelle, presque hiératique). Pourquoi me regardes-tu ainsi ? Qu’est-ce que j’ai dit de...
- Victor : C’est aujourd’hui ou jamais, Magali.
- Magali : Qu’est-ce que tu racontes, Victor ? Aujourd’hui ou jamais quoi ?
- Victor : C’est le moment de savoir ce qu’on a vraiment dans les tripes. On s’affiche à gauche, on a toujours des discours plein d’humanité, on crache sur l’autre,là, quand il prend des décisions iniques, on est heureux de fêter soixante-huit. Des discours, Magali, rien que des discours, rien que des mots. Et quand il y a un pauvre type en train de crever sous nos fenêtres...
- Magali : Mais on va faire quelque chose, Victor, je te l’ai dit, et tout de suite. D’ailleurs, c’est moi qui vais appeler (elle se dirige vers le téléphone, posé sur la console).
- Victor : Non, Magali, ce type refusera peut-être de venir avec eux. Tu en as parlé tout à l’heure et tu avais raison. Il refusera peut-être et ils seront alors obligés de le laisser partir. Et il ira crever un peu plus loin.
- Magali : D'abord, on n'a aucune raison de croire qu'il est à ce point au bout du rouleau, et ensuite, je ne vois pas comment on...
- Victor (il se place à nouveau à la fenêtre, cherche l’homme des yeux, s’aide des jumelles) : Merde !
- Magali : Quoi ?
- Victor : Il a disparu !
- Magali : Ils ont dû venir le chercher (Victor est agité, se tordant le cou à la fenêtre). Ou il est allé chercher un abri plus...
- Victor : Il était dans un coin presque aveugle, il est peut-être tombé. Le voilà ! Il quitte les arcades. Probablement parce que la pluie s’est arrêtée.
- Magali : Soulagé ? Et si ça se trouve, on n'y a pas pensé, mais ton bonhomme n'est même pas un SDF, juste un touriste un peu crade qui se promène.
- Victor (lui tendant les jumelles) : C'est ça, viens voir s'il a l'air d'un touriste en goguette. Allez, viens !

Magali se rapproche de la fenêtre, Victor pointe son index dans la direction de l’homme, Magali lui prend les jumelles, règle l’instrument.
Soudain, elle pousse un petit cri, tend les jumelles à Victor, sans cesser de regarder au loin.


- Magali : Je viens de comprendre. C'est toi qui a raison, Victor. Tout ce que tu as dit est vrai. C’est aujourd’hui ou jamais. Tu as mille fois raison. Je ne suis qu’une sale égoïste. Va le chercher. Va chercher cet homme. Ramène-le ou nous ne valons pas mieux que des chiens.
- Victor : Je ne comprends pas, tu avais l'air de trouver tout ça si…
- Magali : La conscience, Victor, la conscience. Elle était endormie, elle vient de se réveiller d'un coup, grâce à toi. Bon sang, Victor, fais-vite, il s'éloigne.

Il lui sourit, l’embrasse rapidement, disparaît pour mettre son manteau, revient vers elle précipitamment, l’embrasse à nouveau.

- Victor : Je t’aime.
- Magali : Moi aussi. Allez, cours.

Victor claque la porte derrière lui et Magali regarde par la fenêtre, suit l’homme des yeux, puis s’éloigne de la fenêtre, secoue la tête à plusieurs reprises, à quelque temps d’intervalle. Dans ce laps de temps, elle dit : Mon Dieu ! la tête dans les mains.

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Message  apoutsiak Sam 30 Aoû 2008 - 11:38

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Scène 2


On entend les deux hommes monter dans la cage d'escalier. Victor parle à trois reprises dans la montée. La première fois il dit : C'est au troisième. Au milieu, l'homme fait un faux-pas que l'on entend. Il manque de se casser la figure. La voix de Victor dit : Ne vous en faites pas, je suis là. Un petit peu plus haut : Courage, on y est presque. A chaque fois, Magali se rapproche un peu plus de la porte. Quand l'homme manque de tomber, elle a un sursaut de crainte. Quand elle entend les hommes sur le palier, elle se recule, se retourne et a un coup d'œil rapide sur sa mise dans un miroir. Les hommes entrent.

- Victor : Voilà. Monsieur a finalement accepté de me suivre. Tenez, on va poser votre sac, là, pour l'instant.

Il initie le geste de l'homme en tirant une des bretelles du sac. L'homme lui facilite la tâche et dégage ses deux bras. Victor pose le sac.

- L'inconnu : Madame.
- Magali : Monsieur.
- Victor (avec enthousiasme) : Bon, euh... je crois que notre histoire commune débute par un bon bain chaud, non ?
- L'inconnu (à Magali) : Je m'appelle Noé.
- Victor : Ah oui. Excusez-moi. J'en oublie de faire les présentations. Le vrai gentleman, ici, Noé, c'est vous (Il se tourne vers sa femme). Mon épouse, Magali. Noé et moi avons déjà échangé nos prénoms sur le chemin.
- Magali : Bienvenue à vous, Noé. Je vais aller vous préparer un bain.
- Noé : Euh… Vous trouvez vraiment que je sens mauvais ? (il se sent à plusieurs endroits). C'est bizarre, j'ai pris une douche ce matin.
- Victor : Dans ce cas, c'est épatant ! Nous boirons l'apéritif plus tôt.
- Noé : En même temps… un bain… ça fait longtemps…
- Magali : Alors, laissez-vous aller. Allez, je vais vous le faire couler, ce bain (elle prend la direction de la salle de bains). Victor, propose à boire et à manger à notre invité, tu veux bien ?
- Victor : Bien sûr. Noé, que désirez-vous ? Porto ? Rhum ? Vodka ? Martini rose ? Marti...
- Noé : Non, non, merci, pas avant de m'être changé. Pas question de poser mon derrière crotté sur vos beaux canapés. Pas question de mettre mes pattes sales sur vos verres. Ce serait mieux d'être plus présentable, non ? (En guise de réponse, Victor ouvre ses bras, secoue un peu la tête, lui adresse une mimique). Je vais prendre mes affaires.
- Victor (le rattrapant bien vite par la manche) : Non, non, ne vous en faites pas pour ça. Nous avons à peu près la même taille. Je vais vous prêter des vêtements.
- Noé : Non, Victor, je ne…
- Victor : Allez allez, pas de discussion, vous êtes notre hôte, laissez-vous faire, nous nous occupons de tout. Magali va vous donner un kit de voyages, pour la toilette. On en a toujours en stock. Il y a une brosse à dents, un rasoir (il se sert de ses mains en guise de porte-voix). Magali ! Tu peux sortir un kit-voyage ? (on entend le oui de Magali). Vous utiliserez ma crème à raser, bien sûr. Faites comme chez vous, surtout (expression de consternation, main sur la bouche, Noé émet des petits rires en cascade). Excusez-moi. Je suis vraiment désolé.
- Noé : Celle-là on ne me l'avait pas encore faite, dites donc ! Victor, Victor (il le montre du doigt) vous êtes un vrai pince sans rire. Il n'y a pas de mal, voyons. Au contraire. J'ai de l'humour, vous savez.
- Victor : Attendez, je reviens (il pointe du doigt la chambre conjugale). Les habits.

Il disparaît. Noé s'approche d'un masque, cherche à imiter l'expression du modèle.

- Magali (du couloir) : Voilà. Vous venez avec moi ? C'est par-là.

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Message  apoutsiak Sam 30 Aoû 2008 - 11:39

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Scène 3, dans la salle de bains.
Si elle ne peut être visible, elle peut être préenregistrée.


- Magali : Ici, je... j'ai posé une serviette et... un peignoir (sur cette phrase, Victor traverse le salon, entre dans le couloir)
- Victor (ton joyeux) : Les habits de Monsieur. Lee Cooper tout neuf. Chemise Marlboro. Jamais portée.
- Magali (léger ton de reproche) : Victor.
- Victor : Et puis un Slip Mariner. Encore dans sa boîte. Plus les chaussettes, assorties à la chemise.
- Magali (idem): Victor. S'il te plaît.
- Victor : Tout est pour vous, Noé. Tout. Je ne vous les prête pas. Je vous les donne. C'est dit.
- Noé : Merci, Victor. Merci à tous les deux. Mais vous savez...
- Victor : Tsst...tsst... on ne veut rien entendre, hein Mag ? Vous êtes notre invité, un point c'est tout. Et puis ne nous remerciez pas Noé. C'est nous qui devrions vous remercier. Je n'ai pas raison, Mag ?
- Magali : Tu m'as fait perdre le fil. Je ne sais plus où j'en étais, moi. Oui, là, il y a des boules de bain, de la mousse, aussi.
- Victor : J'ai une bonne idée ! Noé, profitez à fond de ce moment. Ne regardez pas le temps. Vous voulez que je vous mette de la musique ? Non ? La radio ? Non plus. Bon. Ah oui. Mag, passe-lui les chaussons que j'ai ramenés du Hilton (Victor s'éloigne).
- Magali : Ah, ça me revient, il n'y a pas les noms des senteurs sur les coupelles. Pour les boules de bain, je veux dire. Les blanches, c'est vanille. Les verts, c'est pomme. Le rouge, le rouge... je ne sais plus. Cerise. Je crois. C'est ça, cerise.
- Noé : Euh, on les jette, comme ça, dans l'eau, tout bêtement ?
- Magali : Oui. Elles fondront, et vous n'aurez qu'à brasser un peu l'eau, pour que leur essence se répande partout.
- Noé : Vous voulez bien me conseiller un parfum ?
- Magali : Pourquoi pas ? Si vous voulez. Je ne sais pas, moi. Vanille ?
- Noé : Mon parfum préféré. Depuis toujours. Vous devez avoir un don.
- Magali : Qu'est-ce que vous allez chercher ? Le hasard. Tout bêtement.
Je vous laisse. Avez-vous tout ce qu'il vous faut ?
- Noé : Bien plus, sûrement. Juste…
- Magali : Oui.
- Noé : Et bien, vous m'avez proposé un peignoir, et Victor, des vêtements. Vous préférez que je mette quoi ?
- Magali : Comme vous voulez. Mais puisqu'on va prendre l'apéritif ensuite, pourquoi ne pas vous habiller ? Mais ce n'est pas une obligation.
- Noé : Donc, les vêtements.
- Magali : Faites comme vous le sentez. Vraiment.
- Noé : Merci encore, Magali. Vous avez un mari formidable.
- Magali : Oui. Victor est un merveilleux mari. Un merveilleux homme.
Je vous laisse.
- Noé : Vous savez, dans la rue, ce qui me manque le plus, c'est la douceur. Bien sûr, avoir faim, ça n'est pas agréable. Avoir froid, non plus. Mais l'affection de quelqu'un. Ses caresses. Ses mots doux à l'oreille. C'est encore meilleur que le pain.
- Magali : Je comprends.
- Noé : Je ne crois pas, non.
- Magali : Qu'est-ce qui vous fait dire ça ?
- Noé : Excusez-moi. Vous m'invitez si gentiment et je me comporte comme un rustre.
- Magali : Ne vous excusez-pas. Vous avez raison. Je ne peux sûrement pas me mettre à votre place. Je vais vous laisser, maintenant. Détendez-vous, Noé. Victor vous l'a dit, prenez tout votre temps.
- Noé : Merci encore. Magali.

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Message  apoutsiak Sam 30 Aoû 2008 - 11:43

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Scène 4

- Magali : J'ai vu ce que tu prépares, dans la cuisine. Tu crois que tu n'en fais pas un peu trop, là ?
- Victor : Je ne crois pas, non. Je pense qu'aujourd'hui est un grand jour.
- Magali : Tu ne crois pas que c'est déjà un choc, pour lui ? Alors, rajouter le champagne, les petits-fours…
- Victor : Et après, un bon magret aux cerises, et j'ouvre notre meilleur Pauillac. Par contre, je ne sais pas si on a un dessert potable.
- Magali : Vraiment ? Tu es sûr que…
- Victor : Parce que c'est un SDF, tu voudrais que je lui serve du Corned Beef ?
- Magali : Je n'ai pas dit ça. C'est comme pour les habits, tout à l'heure.
- Victor : Et bien quoi, les habits ?
- Magali : Tu… tu ne te rendais même pas compte. Mariner, Lee Cooper, on aurait dit un marchand de fringues. Il avait peut-être envie de remettre ses propres habits.
- Victor : Je cherche à lui faire plaisir, c'est tout. Et puis, ils doivent être dans un bel état, tiens, ses habits. Agglutinés dans son sac à dos. Pleins d'humidité. J'ai envie de montrer à cet homme que le monde n'est pas tout le temps ni partout dégueulasse. Qu'il reste des îlots d'humanité. Je voudrais qu'il comprenne que nous lui avons vraiment tendu les bras. Qu'il n'est pas simplement à l'hôtel.
- Magali (se lève, prend le visage de Victor dans ses mains) : Je comprends. Mais je me demande si ce n'est pas une plus grande douleur, qu'on lui prépare par avance.
- Victor : Qu'est-ce que tu veux dire ?
- Magali : Et bien, ce soir, on le bichonne, on va mettre les petits plats dans les grands, il va aller au lit repu, va dormir comme un ange dans un lit douillet. Et demain ?
- Victor : Demain. C'est difficile. Je ne sais pas. Qu'est-ce que tu en penses toi ?
- Magali : Tu aurais le cœur de partir demain matin au boulot en disant : Eh bien, voilà, Noé, on a fait notre part, tu peux sonner chez un voisin ?
- Victor : Non, je ne crois pas. On pourrait… on pourrait l'héberger quelques jours. Le remettre sur pied. Qu'est-ce que tu en dis ?
- Magali : Je dis que je suis fier d'avoir un mari comme toi.
- Victor : Je pensais que tu allais bondir. Héberger un inconnu. Toi qui te méfie toujours des inconnus. Qui te tiens toujours à distance des gens.
- Magali : Je me méfie, moi ? Je me tiens à distance ?
- Victor : Un peu, oui. L'autre jour, à l'hôtel, tu te souviens ? il y avait toute une tribu d'Antillais. Tu n'as dit bonjour à personne. Encore moins parlé.
- Magali : Il y avait une matrone qui parlait tout le temps et se comportait comme si elle était dans sa salle à manger. En deux minutes elle était à tu et à toi avec tout le monde, et j'ai eu l'impression que c'était avec elle que tu prenais le petit-déjeuner.
- Victor : C'était un moment fantastique, pour moi.
- Magali : Pardon ?
- Victor : Ecoute, la plupart du temps où on va à l'hôtel, on entend les mouches voler dans la salle à manger. On croise, recroise les mêmes couples pendant des jours et c'est tout juste si on se salue. Là, tout d'un coup, j'ai vu une femme pleine de vie, avec le désir d'échanger quelque chose avec ses voisins. C'était comme si on avait formé subitement une famille. Ça m'a fait chaud au cœur, c'est tout.
- Magali : Je comprends.
- Victor : Qu'est-ce que tu comprends ?
- Magali : Ton besoin d'amour. Ton besoin d'être aimé de la terre entière. Parce que tu as un gros trou que tu n'arrives pas à combler. Même avec moi. Je me demande même, si avec ce pauvre Noé…
- Victor : Je n'aime pas trop ce que tu t'apprêtes à dire. J'ai eu peur qu'un homme meure de froid. Ensuite, je l'aurais laissé peut-être tourner le coin de la rue, si tu ne m'avais pas demandé d'aller le chercher.
- Magali : C'est vrai. Oublie ce que j'ai dit (on entend faiblement un chant). Ecoute !
- Victor : C'est de l'opéra, non ?
- Magali : Oui. Verdi. Rigoletto. C'est le moment où… le moment où le Duc de Mantoue déclare sa flamme à Gilda. La fille de Rigoletto.
- Victor : Il a plutôt une belle voix, non ?
- Magali : Plutôt, oui.
- Victor : C'est dingue.
- Magali : Qu'est-ce qui est dingue ?
- Victor : Le mélange, comment dire… de la mouise et de l'esthétique.
- Magali : J'ai entendu parler d'un riche baron qui avait tout abandonné et qui vivait dans la rue.
- Victor : Tu parles ! Et pourquoi pas le fils de Bill Gates, pendant que tu y es ? C'est du roman, ça, Mag.
Silence
- Magali : Je… Je voulais te demander une chose.
- Victor : Tout ce que tu veux, ma chérie.
- Magali : Tu pourrais éviter de m'appeler par nos petits surnoms ? Je veux dire devant lui.
- Victor : Tu veux dire devant Noé ?
- Magali : Oui.
- Victor : Je ne vois vraiment pas pourquoi…
- Magali : S'il te plaît. C'est idiot, je sais, mais ça me gêne. Tout à l'heure, ce garçon va être en peignoir devant nous et…
- Victor : J'espère plutôt qu'il aura passé les habits.
- Magali : Oui. Enfin, tu comprends.
- Victor : Bien sûr que je comprends.
- Magali : Tu entends ?
- Victor : Oui. Il a débouché la bonde. Il est sorti de son bain. Il n'est pas resté très longtemps. C'est drôle, j'ai le trac, tout d'un coup. Pas toi ?
- Magali : Comment, le trac ? Que ça se passe mal ?
- Victor : Non. Je ne sais pas. Je me demande de quoi on va parler, par exemple.
- Magali : De l'opéra ?
- Victor : Tu parles. Si ça se trouve, il a entendu l'air dans un magasin. Ou à la télé. Dans une pub pour une lessive. Ou pour une bagnole.
- Magali : Victor. Mon Victor. Tu ne ferais pas un bon détective.
- Victor : Pourquoi tu dis ça ?
- Magali : Il chantonnait les paroles exactes.
- Victor : Et alors ? Il sera tombé un jour dessus. Par hasard.
- Magali : Tiens donc ! Et puis un autre jour il est tombé sur la musique toute seule et il a trouvé qu'elles allaient bien ensemble. Victor ! Et puis…tu as observé ses mains ?
- Victor : Les ongles, oui. Longs. Et il a beau s'être lavé ce matin, ils étaient assez crasseux.
- Magali : Je ne te parle pas de leur état. Je pense à leur nature, aux choses qu'elles racontent sur le personnage. Ce sont des mains fines. Intactes, malgré la dureté qu'on imagine de sa vie.

On entend du bruit dans la salle de bains.

- Victor : Il arrive !

Victor file en vitesse à la cuisine. Noé apparaît dans la pièce. Victor réapparaît, un plateau à la main, avec du champagne dans un seau et des petits fours dans des coupelles.

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Message  apoutsiak Sam 30 Aoû 2008 - 11:47



Scène 5

- Victor : ta ta ta !
- Noé : Oh non, il ne fallait pas, Victor. Vraiment. Je ne sais pas quoi dire, là.
- Victor : Alors, ne dites rien. C'est une fête en votre honneur, Noé.
- Noé : (Il rit). C'est une drôle de coïncidence, tout de même.
- Victor : C'est votre anniversaire ?
- Noé : Non; pas du tout. Je voulais dire que j'ai déjà bu du champagne pas plus tard que cet après-midi. Et du bon, s'il vous plaît. Cristal Roederer. Oui monsieur.

Victor pose son plateau, l'air renfrogné.

- Victor : Alors, je suppose que vous voulez boire autre chose.
- Noé : Non, non, moi ça me va. J'adore le champagne. Et puis, cet après-midi, je l'ai bu dans la rue. Un copain des Assurances. Un type très haut placé, en fait. Dès qu'il y a un pot de départ, il me descend une coupe. Super sympa, le gars. Mais j'étais dégueu et pas rasé. Ce n'est pas la même chose.

Victor sert le champagne sans desserrer les dents, distribue les flûtes.

- Noé (saisissant sa flûte): Merci. Votre appartement est splendide. Vous avez beaucoup de goût. Vous aimez les voyages, on dirait.
- Victor : Beaucoup. (silence) On a fait le Népal, l'année dernière. Mag tenait absolument à faire un trek, hein, Mag ?
- Magali (sourire forcé en direction de Victor, puis) : Allez, trinquons.
- Victor : Á Noé. Á votre nouvelle vie.
- Noé : Á la vôtre. Merci pour tout. Qu'entendez-vous par "nouvelle vie", Victor ?
- Victor : Et bien… que… ce petit coup de pouce puisse vous permettre de… disons.. rebondir. Qu'il soit une sorte de… tremplin.
- Noé : Demain matin, c'est sûr, je me sentirai plus requinqué que bien d'autres jours, c'est sûr.
- Victor : Et davantage après-demain. Et encore mieux le jour suivant. Vous n'avez pas compris, Noé ? Jusqu'à nouvel ordre, on vous garde. Qu'est-ce que vous en dites ? Ça vous coupe la chique, pas vrai ?
- Noé : C'est très gentil à vous Victor, mais je ne pourrai pas rester.
- Victor : Qu'est-ce que vous racontez ? Rangez vos scrupules au panier, mon vieux ! C'est un plaisir pour nous, croyez-moi. Mag, dis-lui.
- Magali : Nous vous accueillons avec joie, c'est vrai.
- Noé : C'est que je compte partir vers le sud. L'Andalousie. Il y fait déjà chaud. Le nom à lui seul. Ah, l'Espagne ! Tolède ! Cordoue !
- Victor : Et comment vous allez vous débrouiller, là-bas ?
- Noé : J'ai des petites enceintes qui passent de la musique. De l'opéra. Moi, je chante l'air par-dessus. En fait, les gens adorent l'opéra dans la rue. Par petites tranches de trois minutes, en moyenne, ils trouvent ça très beau et très digeste à la fois. Ensuite, ils replongent dans leur train-train quotidien ou continuent leurs visites avec une petite ritournelle dans leur tête. Les plus comblés se fendent d'une petite pièce, parfois un billet. Surtout, en été. Les vacanciers sont heureux. Le pourcentage de généreux augmente.
- Victor : Et pour dormir ?
- Noé : Il fera chaud. Je dormirai à la belle étoile.
- Victor : Et faire votre toilette ?
- Noé : Je me baignerai dans les rivières. Ou dans les bains publics.
- Magali : Tu vois, Victor, il n'y avait pas de raison de te faire tant de soucis.
Victor était très inquiet pour vous. Mais vous nous rassurez. La vie est belle.
- Noé : Le fruit d'un savant calcul, en tout cas.
- Victor : C'est-à-dire ?
- Noé : Et bien, supposons que vous disparaissiez tous les deux autour des
quatre-vingts ans, par exemple, et moi à soixante. Ok, je vois dans vos yeux que je suis trop optimiste. Mettons cinquante. Je perds vingt ans, trente ans, par rapport à vous, mais combien, d'après vous, valent mes années de liberté, sans me soumettre à de mutitudes d'ordres, sans obligations, de contraintes de toutes sortes, sans descendance grincheuse et accapareuse, sans la jalousie d'une femme, sans les turbulences, les déflagrations du couple, sans…
- Victor : Vous nous trouvez vraiment si amochés que ça ?
- Noé : Je ne peux pas me prononcer. On se connaît à peine. Mais ça viendra un jour. Forcément.
- Magali : Bien sûr. Depuis que vous avez érigé le sujet en science exacte ?
- Noé : Oh, il ne faut pas être grand clerc pour le savoir. Je ne suis même pas sûr que les 1ou 2 pour mille que j'ai pu considérer un jour comme exceptionnels n'aient pas tous été de brillants faussaires. Tout ça pour dire que j'estime parfois la valeur des années dont je vous parle au triple ou au quadruple de celles de… (il pouffe) je voulais dire "l'homme de la rue", mais ça introduirait tout de suite de la confusion. Enfin, vous m'avez suivi. Vous pouvez faire le calcul.
- Magali : En conclusion, si j'ai bien compris, les pauvres seraient les gens comme nous, esclaves, la tête dans le charbon, et les riches, les gens comme vous, libres, le nez dans les étoiles.
- Noé : Par moments, il m'arrive de le penser, Magali. En toute sincérité. Mais je comprends parfaitement votre colère. Vous m'accueillez si gentiment et je suis un hôte si méprisable. Et surtout, ne mettez pas cette indignité sur le compte de ma situation. J'ai toujours été ainsi.
- Victor : Mais il n'y a aucun problème, Noé, aucun. Nous ne sommes pas à Versailles, ni à Neuilly. Nous ne sommes pas à une table de bridge ou sur un green. Je préfère une discussion houleuse, voire pugnace, à une conversation de salon, sans épices et sans sel. Je sens qu'il y a des vérités dérangeantes qui se baladent dans vos propos. Sincèrement.
- Noé : J'ai tout de suite pensé que vous étiez quelqu'un d'intelligent, Victor.
- Victor : Merci. C'est gentil, Noé.
- Magali : Des vérités dérangeantes ? Quelles vérités ? Explique-toi, Victor.
- Victor : Je ne sais pas. Pas exactement. C'est vrai qu'on ne se sent pas toujours libre, avec ces prêts dans tous les sens, bagnole, maison, télé, avec les assurances, sur les choses, sur la vie, sur tout, sur le fait de partir bosser chaque matin, du lundi au vendredi. Plus tout le reste. Noé a un peu raison, ça finit par nous étouffer.
- Magali : Mais moi, je n'ai pas l'intention de mourir à cinquante ans, Victor.
- Victor : Faut avouer que ça me fout les jetons aussi. Cinquante ans. C'est demain. Vraiment, Noé, vous… vous n'y pensez pas sans trembler, ?
- Noé : Je vous l'ait dit, il ne faut pas calculer de cette manière, Victor, l'affaire est plus subtile. Les années de liberté sont trois ou quatre fois plus intenses. Les rencontres. Les amitiés. Les méditations. Les couleurs du ciel. Les plaintes des machines. La poésie du macadam. Tous les frissons, les émois, les émerveillements sont amplifiés.
- Magali : Et vieillir avant l'âge. Mourir de froid. De faim. Seul. Comme un chien. C'est un genre de poésie, aussi ? Ne me dites pas que parfois, ce n'est pas dur, Noé, très dur, même. Ne me dites pas que ça ne peut pas aller jusqu'à l'insoutenable.
- Noé : Dur. Bien sûr. Très dur, parfois.
- Magali : Et comment vous intégrez ces douleurs dans vos savants calculs ?
- Noé : Et bien…
- Victor : Et moi, je crois que Noé n'a pas été invité pour parler de tout ça. C'était sensé être une fête, ce soir, non ? Pour oublier les peines, les tracas. Vous ne préfériez pas parler de choses plus gaies ?
- Magali : L'opéra, par exemple ?
- Victor : Pa exemple. Très bien, l'opéra. On vous a entendu chanter, dans votre bain. Rigoletto, c'est ça ?
- Noé : Tout à fait. Vous êtes musicien ?
- Victor : Pas moi. Magali. Elle a fait longtemps du chant, mais elle n'aime pas en parler. Je ne sais pas pourquoi.
- Noé : Alors n'en parlons pas, si le sujet vous dérange, Magali.
- Magali : Ce n'est pas que le sujet me dérange. Mais il n'intéresse pas du tout Victor.
- Victor : C'est-à-dire…
- Magali : Il n'y a pas de quoi être gêné, tu sais. Tu n'aimes pas la musique classique tu n'aimes pas la musique classique, point final, les goûts et les couleurs… Seulement…
- Victor : Seulement ?
- Magali : Quand on aime passionnément une chose, un art surtout (une violente émotion la traverse, elle semble au bord des larmes), on a envie de la partager avec la personne que l'on aime, ça me semble…
- Victor (troublé, prenant la main de Magali, qui la retire) : Mais, ma petite canne à sucre, j'ai essayé, rappelle-toi. Je n'ai pas raté un seul concert auquel tu m'avais invité, j'ai écouté des disques, j'ai fait ce que j'ai pu, moi. Qu'est-ce que j'y peux ? Souvent je me suis cru à la messe. J'ai de très mauvais souvenirs d'enfance à ce sujet, tu comprends ? Comment s'appelle cet opéra de Wagner qu'on a vu, déjà ?
- Magali : Tannhaüser. (sourire de Noé)
- Victor : Ah oui. On se serait cru à une cérémonie mortuaire, je vous jure. Affreux. Avec tous les fidèles, autour. Tous très dévots. Et puis ce truc de Haydn.
- Magali : La Création. Une perle. Rien que d'y penser…
- Victor : Ah ? avec ces longues palabres en allemand.
- Noé : Vous voulez parler des récitatifs ?
- Victor : C'est ça. bla bla bla bla bla, musique, re-bla-bla-bla. Re-musique qui vous réveille plus ou moins. Pour rien arranger, moi j'ai fait espagnol deuxième langue.
- Magali : Et alors ? Il y avait les sous-titres en français, Victor.
- Victor : Bien sûr. Presque au plafond, les sous-titres, alors tu lèves le nez pour lire, tu les baisses pour regarder la scène. Comme ça pendant deux heures et après tu consultes pour un torticolis, ça fait cher le concert ! Non, je ne m'y fais pas, moi. Pour moi, la musique doit être synonyme de fête, de gaieté. Dans tes concerts Magali, excuse-moi, mais on doit poser son cul une fois pour toutes, n'avoir aucun problème intestinal, ni grippe, ni hémorroïdes, rien. Regarde la musique cubaine, africaine. Et même bretonne, tiens, tu te rappelles les Fest-Noz, cet été. On pouvait bouffer, parler, boire, se mettre debout, danser, c'était extra.
- Noé : Je sais ce qu'il vous faut, Victor, pour vous réconcilier avec la musique classique. Un bon Rossini. Un bon Offenbach. Vous n'avez pas vu les affiches, un peu partout ? Il y a une Gazza Ladra à l'Opéra. Á la radio, j'ai entendu dire que c'était pas mal.
- Victor : Gaza quoi ?
- Magali : Gazza ladra, avec deux z, Victor. La pie voleuse, en italien. Un opéra de Rossini.
- Noé : On reste assis, c'est vrai, mais on rit et on ne s'endort pas, je vous le garantis.
- Victor : Alors, vous aussi, vous avez chanté ?
- Noé : Oui. Quelque temps.
- Victor : Apparemment, vous n'en avez pas gardé que de bons souvenirs.
- Noé : Oh, c'est si loin, maintenant.
- Magali : Vous ne buvez pas votre champagne.
- Victor : Tu sais, deux fois du champagne dans la journée…

Noé descend sa coupe un peu rapidement. Le regard perdu.

A SUIVRE

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Message  Invité Sam 30 Aoû 2008 - 16:04

Le rappel de la 1ère scène n'est pas gênant, il aide à replacer l'action.
Les scènes qui suivent sont du même acabit que la 1ère, j'aime beaucoup cette façon de mettre le doigt sur une certaine forme d'hypocrisie des nantis que nous presque tous, confrontés à la question des SDF. J'aime aussi comme le doute s'insinue dans la tête du lecteur qui se demande qui est vraiment ce Noé connaisseur d'opéra et au langage sinon châtié du moins très correct. Les réactions des personnages sont finement observées (j'adore le passage ou Noé annonce avoir déjà bu du champagne dans la journée, et du bon !) de même que la tension sous-jacente du couple. Très bonne impression globale et l'envie de lire la suite.
Juste une question sur l'expression :
Rangez vos scrupules au panier, mon vieux
Ne dit-on pas "ranger ses scrupules au placard" ?

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Message  apoutsiak Sam 30 Aoû 2008 - 16:24

.

Merci, Island, ton commentaire est très encourageant. J'avais encore plus le trac de poster du théâtre qu'autre chose, puisque, je l'avais déjà dit, c'est mon tout premier galop dans la catégorie. Tu as raison pour l'expression, mais pas exactement comme tu l'as souligné : j'avais pensé : "Mettez au panier...". Ranger dans un panier, c'est une bonne idée, mais dans le théâtre des Deschiens, pas ici ! Vraiment chouette, comme premier commentaire de la rentrée !

.
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Message  mentor Sam 30 Aoû 2008 - 16:52

Superbe ! j'ai bien fait de faire l'effort de lire, ça valait le coup
D'un autre côté, va falloir que j'attende la suite, à moins qu'elle soit déjà prête ?!
Oui, je trouve l'ensemble réussi à tous niveaux
Victor m'est devenu sympathique au fil du texte, pour Magali, bon, je pense que ça viendra aussi, mais sans doute grâce à Noé qui, lui, cache encore un mystère sur sa personne, c'est certain
Qu'as-tu en tête, Apou ? ;-)
(lors de ton premier postage, je m'étais imaginé que Noé et Magali se connaissaient, mais non, raté)
Tiens,je vais te dire, une pièce de théâtre comme ça, ça donne envie d'y aller, et pas seulement de la regarder à la télé ou de lire le texte.
Et puis je vais faire mon petit B-Mô :
ici
la voisine du deuxième s’était fait agressée
faudrait écrire agressER
Allez, la suite please, te fais pas prier ;-)

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Message  apoutsiak Sam 30 Aoû 2008 - 17:33

.

Content que ça t'ait plu, Mentor. Le reste n'est pas écrit, désolé, mais je m'y mets dès ce soir. Pour les fôtes, je te rassure, il y en a d'autres (inattention, frappe, entre autres).

.
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Message  apoutsiak Sam 30 Aoû 2008 - 17:35

Mais au fait, tu peux corriger la faute citée, toi, non ?
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Message  mentor Sam 30 Aoû 2008 - 18:19

apoutsiak a écrit:Mais au fait, tu peux corriger la faute citée, toi, non ?
je peux... mais que nenni !!
je suis pas là pour ça, et puis mon propre post serait à modifier aussi, et puis, et puis... on n'en sort plus !

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Message  apoutsiak Sam 30 Aoû 2008 - 18:49

Pa ni coeur ! ou lé an ti quimbois ?
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Message  Lucy Sam 30 Aoû 2008 - 19:21

La suite de cette pièce est bien menée. J'étais partie sur Boudu sauvé des eaux et je découvre quelque chose de différent.
Et puis, un peu de théâtre, c'est plutôt agréable.
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Message  mentor Sam 30 Aoû 2008 - 20:12

apoutsiak a écrit:Pa ni coeur ! ou lé an ti quimbois ?
kimbwa ?

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Message  apoutsiak Sam 30 Aoû 2008 - 21:01

quimbois, en Martinique
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Message  apoutsiak Sam 30 Aoû 2008 - 21:18

pardon, quimbois en français, Mentor. Oui, bon, je ne parle pas couramment, hein !
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Message  mentor Sam 30 Aoû 2008 - 21:21

apoutsiak a écrit:pardon, quimbois en français, Mentor. Oui, bon, je ne parle pas couramment, hein !
hem... quand on veut frimer, hein ?! :-)))
pardonné !
pani pwoblèm

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Message  Kilis Lun 1 Sep 2008 - 11:47

Délectable !
J'ai vraiment passé un très bon moment, Apou.

Et j'attends la suite avec impatience.


Cette lecture m’a rappelé un autre très bon moment. Robert Hirsch dans Le Gardien d’Harold Pinter.
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Message  Argon Lun 1 Sep 2008 - 12:11

J'ai tout lu d'une traite. C'est vraiment agréable. On s'attache vite à tes personnages. Je m'attendais un peu à l'effet du Noé sur le couple. Par contre le Noé.... Il reste mystérieux. La suiteuuuuuu!
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Message  Sahkti Lun 1 Sep 2008 - 13:27

Apoutsiak, j'ai relu la première version et mon commentaire d'alors, je me souviens que j'avais beaucoup aimé et que tu maîtrisais bien le genre. Je ressens la même chose en lisant cette scène retravaillée et complétée, c'est un délice!

Quelques petites remarques de ci de là:

- J'apprécie toujours autant les précisions scéniques, qui apportent beaucoup et permettent de visualiser la scène; elles sont indispensables. J'ai une question technique à ce sujet: ne devrais/pourrais-tu pas mettre les indications entre parenthèses en italique? De la sorte, elles seraient en harmonie avec les autres précisions, qui ne font pas partie du texte mais plutôt du contexte et du décor. Je pense ainsi aux notes sur l'accent, sur le fait que Magali se replonge dans sa revue, etc.

- Je dénote tout au long du texte des variations dans le style des expressions employées tant par Victor que par Magali. C'est tantôt très simple, tantôt plus travaillé, parfois proche du lyrisme ou alors très grave. Ce n'est pas vraiment dérangeant mais par écrit, plutôt qu'oralement, ça saute davantage aux yeux, notamment vers la fin, lorsque Noé, Magali et Victor dissertent sur les apparences et l'enfermement provoqué par le confort, où les dialogues sont plus denses et sérieux, contrastant avec d'autres parties plus légères.

- La réaction de Magali à la fenêtre ne me paraît toujours pas très naturelle. Comme dans la première version, quelque chose ne passe pas bien à mes yeux, comme si tout cela était une émotion feinte, quasi superficielle, or je pense que ce n'est pas le cas.

- J'aurais aimé quelques détails sur la scène entre les deux hommes, lorsque Victor va chercher Noé dans la rue. Un passage, même court, avec Magali en "guest star" qui pourrait, à voix haute, faire part de quelques-unes de ses pensées. Je pense à cela parce qu'elle a une réaction très forte lorsqu'elle le voit mais par la suite, tout semble naturel et son émotion a disparu. Elle fait comme si tout allait bien, ne se montre pas réellement embarrassée; on se demande donc ce qui lui a pris. Insérer quelques monologues permettrait peut-être de tempérer cette forte émotion, puisqu'elle va retomber par la suite.

- A l'arrivée de l'homme, le dialogue complètement superficiel genre "nous sommes tous de bons copains" a une portée étrange. Très juste quelque part parce que cette fausseté dans les propos permet de commencer à mesurer à quel point ces gens peuvent être fats. Cela peut désarçonner mais c'est bien vu! Tout comme le coup des marques de vêtements ou les senteurs dans les coupelles de bain... quelle superficialité, proche de la caricature. Très à propos quand on y pense et bien joué.

- On pourrait penser que Magali a reconnu l'homme à la fenêtre, je l'ai dit, or le dialogue avant le bain n'en laisse rien paraître. Peut-être ajouter quelque part, en indications, qu'elle est embarrassée, qu'elle rougit, que sais-je... quelque chose qui entretiendrait ce mystère, si mystère il y a.

- J'adore la réaction de Victor, vexé, quand Noé lui apprend qu'il a déjà but du champagne. En deux phrases, tu arrives à faire ressentir toute cette tension, extra!

- Magali a demandé à Victor de ne pas l'appeler par son petit nom. Est-ce que c'est bien "ma petite canne à sucre" ce surnom ou pas du tout? Parce que si oui, Victor l'emploie vers la fin du texte mais cela ne provoque aucune réaction chez Magali. Or on peut supposer qu'elle avait une raison bien précise de demander cela, sans doute par rapport à Noé qu'elle connaît peut-être, on ne sait pas.


Je me suis régalée en te lisant Apoutsiak!
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Message  apoutsiak Lun 1 Sep 2008 - 15:50

.

Merci, Miss, d'avoir pris beaucoup de temps pour commenter (et relire la première version en plus !) et content d'avoir régalé chaque commentateur (jusque-là, je croise les doigts) : je fais la fête au-dessus de mon écritoire, ce soir ! Me reste un peu de foie gras et de Sauternes (Rayne Vigneau 1978 !!!!) de mon anniv ☺☺☺

- il y a les italiques dans l'original, mais en copiant-collant je me suis rendu compte qu'on perdait tout. J'ai eu la flemme de tout refaire sur VE, je ne l'ai fait que pour les longues didascalies. Mais peut-être y-a-t-il un moyen de transférer fidèlement un texte, tu me l'apprendrais et j'en serais ravi.

- Les réactions de Nathalie ne peuvent pas se comprendre à ce niveau du récit. C'est donc normal que le spectateur les reçoive étrangement. Ce qui est intéressant au niveau du suspense. Quelle émotion ? A cause quoi ? Ils se connaissent ou non ? Et quand tu écris : "tout semble naturel et son émotion a disparu. Elle fait comme si tout allait bien, ne se montre pas réellement embarrassée;", c'est que dans ce moment-là, ce sera au metteur en scène de jouer sur ce qu'il sait du secret de cette histoire, dont une partie va être révélée bientôt, et l'état intérieur de Magali passera par une attitude, un ton particulier. On en reparlera par la suite.

- J'aurais aimé quelques détails sur la scène entre les deux hommes, lorsque Victor va chercher Noé dans la rue.

Moi, je veux bien, mais ce n'est pas un film, je fais comment au théâtre, je fais une scène de rue de 2 mn ? Je ne pense pas que ce soit très cool pour la mise en scène, mais si tu as des idées...

- "On pourrait penser que Magali a reconnu l'homme à la fenêtre, je l'ai dit, or le dialogue avant le bain n'en laisse rien paraître. Peut-être ajouter quelque part, en indications, qu'elle est embarrassée, qu'elle rougit, que sais-je... quelque chose qui entretiendrait ce mystère, si mystère il y a."

Cette remarque m'intéresse beaucoup. En fait, le un metteur en scène est censé connaître le mystère et cela le guidera pour jouer de ce mystère chez les personnages. Mais, dois-je imaginer qu'on ne découvre cette histoire que par la lecture et mettre toutes les indications ? C'est un dilemme. Je me demande ce qu'un auteur de théâtre fait d'habitude dans ce genre de cas. Par ailleurs, j'ai déjà repensé aux didascalies et tu as peut-être remarqué qu'un certain nombre était passé à la trappe : redondance, inutilité si la situation est parlante.

Parce que si oui, Victor l'emploie vers la fin du texte mais cela ne provoque aucune réaction chez Magali.

Elle est en présence de Noé. Elle ne va pas rabrouer Victor à ce sujet devant lui. Autre chose, elle est au coeur d'un sujet conflictuel qui l'accapare émotionnellement : le petit nom passe alors au second plan.

.
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Message  Sahkti Lun 1 Sep 2008 - 16:00

Je comprends ce que tu veux dire mais il y a ici, alors, amalgame entre texte de théâtre joué (auquel cas certaines scènes et précisions ne sont en effet pas nécessaires) et théâtre lu (les indications scéniques sont alors essentielles). Il convient de distinguer les deux procédés, il me semble, dans ta démarche. Le théâtre joué va adapter et s'adapter au texte lu, qui doit être plus complet mais aussi différent, le metteur en scène apportant ses propres indications de jeu.

Pour la scène de rue, je ne visualisais pas de scène de rue, mais Magali devant sa fenêtre, murmurant quelques mots, quelque chose de court, mais peut-être cela passe-t-il mieux par écrit que joué, c'est à voir.
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Message  mentor Lun 1 Sep 2008 - 16:09

apoutsiak a écrit:- Les réactions de Nathalie ne peuvent pas se comprendre à ce niveau du récit. - ]
Nathalie ?
Dis, c'est bien toi qui as écrit tout ça ? :-)))))
Parce que Nathalie je la connais, elle a rien fait dans ce coup là ;-)

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Message  apoutsiak Lun 1 Sep 2008 - 16:23

.

Pardon, pas Nathalie ! Je te jure que ce n'est pas un guet-apens, Mentor et que je n'ai pas encore touché au Sauternes ! Il faudrait trouver une phrase du genre "les cordonniers les plus mal chaussés" pour parler des auteurs qui ne connaissent même pas les noms de leurs personnages.
;-)))
Je comprends, Sahkti. Tu as raison, je vais revoir les indications dans l'optique du théâtre lu. Qui peut le plus peut le moins, non ? Mais, tu remarqueras qu'il y a quand même des petites indications dans la salle de bains : les hésitations, les répétitions, avec beaucoup de points de suspension, par exemple, et aussi le fait qu'elle ne réponde pas à Victor : elle est perturbée (par quoi, hein ?) ou elle ne veut pas participer à ses manifestations de "bonté télévisuelle" (genre).

.
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Message  Sahkti Lun 1 Sep 2008 - 16:32

j'veux la suite! :-)
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Message  apoutsiak Lun 1 Sep 2008 - 22:29

.

Allez, le premier jet des scènes 6 et 7, zou !

Scène 6

Une ambiance matinale. Magali boit un jus d'orange, debout, à une fenêtre. Victor apparaît en costume-cravate, venant de la salle de bains.

- Victor : Fait chier, j'ai pas entendu ce maudit réveil !
- Magali : Tu es pressé, ce matin ? Désolé chéri. Si j'avais su.
- Victor : C'est gentil.
- Magali : Un pt'it café, quand même ?
- Victor : Alors vite fait. Si je n'appuie pas sur le champignon, ils vont tous m'attendre. Ils ne disent jamais rien, dans ces cas-là, mais alors, tout dans le regard. C'est ça qui me mine à l'avance.
- Magali (elle l'enlace) : Allez, mon guerrier, du courage !
- Victor : Ça ira. J'imagine que Noé est au fond de sa couette. Si j'étais à sa place, je trouverais ça tellement paradisiaque qu'il me faudrait un car de CRS pour me sortir de là.
- Magali (feignant l'indifférence avec effort) : Il est parti.
- Victor : Qu'est-ce que tu racontes ?

Il se lève, se précipite dans la chambre d'amis.

- Victor : Il a laissé un mot ? quelque chose ?
- Magali : Non, rien.
- Victor : Tu vois ça…ça… franchement… se tirer comme ça… je ne trouve pas mes mots.
- Magali : Il doit être en route pour l'Espagne. C'est ce qu'il avait l'intention de faire, non ?
- Victor : Il n'était pas tout de même obligé de filer comme un voleur !
- Magali : Tu sais, quand on vit longtemps dans la rue, du moins j'imagine, on oublie la sociabilité. Il ne faut pas lui en vouloir.
- Victor (après un profond soupir) : Après tout, c'est peut-être mieux comme ça. Il n'avait même pas l'air d'apprécier notre geste. Rien que le coup du champagne. Et puis cette histoire d'années qui compte triple. N'importe quoi. Á l'écouter, c'est à nous de nous faire soigner et lui qui se porte comme un charme. T'as vu comme il a descendu le Pauillac ?
- Magali : J'ai vu.
- Victor : Il doit avoir des problèmes de foie, de peau, de rein… Il aurait pu se reposer tranquillement, se faire soigner, chercher un petit boulot. Ce qui est sûr, c'est que ça n'encourage pas beaucoup à porter secours aux gens, ce type d'expérience.
- Magali : C'est vrai. Au fait, pourquoi tu as ressorti ton sac à dos ? Avec du linge dedans, en plus ? Tu pars à la montagne sans moi ? On en vient. La formule ne t'a pas plu ?
- Victor : Je l'avais mis dans l'entrée.
- Magali : Pas très esthétique, je l'ai posé dans la chambre d'amis. Tu n'as pas répondu à ma question.
- Victor : Quand tu as déplacé le sac, notre oiseau était déjà parti ?
- Magali : Oui, mais ça ne me dit pas pourquoi…
- Victor : Merde, ça veut dire que…
- Magali : Sois un peu plus clair, Victor !

On entend une sonnerie.

- Magali : Quelqu'un vient te chercher ?
- Victor : Mon nouveau chauffeur. Mais non. Bien sûr que non.

Magali va répondre à l'interphone.

- Magali: Oui ? (posant une main sur le combiné ) C'est lui.
- Victor : Lui qui ?
- Magali: Noé. Je lui ouvre ?
- Victor : Comment ça, tu lui ouvres ? Bien sûr, que tu lui ouvres.

On entend les pas de Noé, dans l'escalier. C'est Magali qui ouvre la porte d'entrée.

- Noé : Ta ta ta ! comme dirait Victor. Vous dormiez tous les deux quand je me suis levé, alors j'ai décidé de vous faire une petite surprise. Le problème, c'est que dans votre coin, c'est dur de trouver une boulangerie ouverte le lundi. Je ne sais pas ce que vous aimez, alors j'ai panaché. Croissants, pains aux raisins, pains au chocolat, brioches.
- Magali : C'est Byzance ! Merci, Noé.
- Victor : Vous êtes fou, Noé ! Il ne fallait pas.
- Noé : Il ne faut pas exagérer, tout de même, ce sont juste quelques viennoiseries.
- Victor : Non non non, vous jouez au prince, mais ça doit représenter…
- Noé : Ne vous en faites pas Victor. J'ai mon petit bas de laine.
- Victor : Tu parles. Magali, aide-moi à le raisonner, quoi !

Magali hausse les épaules

- Magali : Nous acceptons vos cadeaux avec plaisir, Noé. Tout ça a l'air si appétissant !
- Victor : Alors là, bravo !
- Magali : Noé, jus d'oranges frais ? café ?
- Noé : Oh oui, volontiers. J'ai pas mal marché, en plus.
- Magali : Allez, installons-nous.
- Noé : Je m'excuse, j'ai un tout petit souci.
- Victor : Rien, sûrement qu'on ne puisse résoudre. Dites-nous tout.
- Noé : Je ne retrouve pas mon sac à dos. Je l'avais mis…
- Victor : C'est moi le responsable. Je voulais vous faire une surprise. Attendez (Il va dans la chambre d'amis, ramène le nouveau sac à dos). Le vôtre avait l'air un peu… vieux, alors j'ai pensé… Cette nuit, je me suis introduit discrètement dans votre chambre et j'ai fait l'échange. Mais j'ai transvasé toutes vos affaires, soyez tranquille.

Noé ouvre le sac à dos, fouille dans chaque poche.

- Noé : Je ne retrouve pas quelque chose.
- Victor : Tout est là, je peux vous l'assurer. Avant de jeter le sac, j'ai vérifié.
- Noé : Mais, non, non, il y avait quelque chose, dans la poche du haut.
- Victor : Je n'ai pas vu de poches, sur le dessus du sac. Sur les côtés, oui.
- Noé : La poche du haut, je vous dis. Qu'est-ce que vous avez fait ? Le sac. Mon sac, vous l'avez mis où ?
- Victor : Et bien... je l'ai jeté. A la poubelle. En bas.
- Noé : Je descends le répupérer.
- Magali : Je ne crois pas que ça va être possible.
- Noé : Pourquoi ?

Silence

- Noé : Pourquoi ?
- Victor : Les éboueurs sont passés tôt ce matin.
- Noé : Oh non ! Victor !
- Victor : Je suis désolé, Noé. Je suis tellement désolé. Pardonnez-moi. Vous avez perdu une chose de valeur ? Je vous la dédommagerai, ça va sans dire. Et même, au-delà.
- Noé : Vous ne pourrez jamais.
- Victor : Vous voulez dire qu'elle avait une valeur sentimentale ?
- Noé : Oui.
- Victor : Oh, Noé, je ne sais pas quoi vous dire. Je suis tellement désolé.

Victor consulte sa montre.

- Victor : C'est pas vrai !
- Noé : Qu'est-ce qui se passe ?
- Victor : Avec tout ça, je suis sacrément à la bourre. Ce ne sont pas des piques, qu'ils vont m'envoyer là-bas, mais des javelots ! Noé, Magali, je n'ai plus une seconde, à ce soir. Encore pardon, Noé. Tant pis pour le café !

Il s'empare à toute vitesse de son imper, d'une malette, ouvre la porte et la claque derrière lui sans se retourner.

Scène 7

- Noé : Toi… Je veux dire vous, vous avez l'air moins pressée.
- Magali : Oui. Il me reste trois jours de vacances. C'est bon ! Je n'ai aucun problème pour qu'on se tutoie, vous savez.
- Noé : Et après ces trois jours ?
- Magali : Je pars en Espagne. Tu comprends, il y fait déjà beau et bon.
- Noé : Là, tu te fiches carrément de ma poire.
- Magali (elle rit) : Oui !
- Noé : N'empêche que c'est vrai.
- Magali : Et ce qui n'est pas moins vrai, c'est que tu ne pourras pas continuer éternellement cette vie-là.
- Noé : Je n'en demande pas tant.

Silence. Magali sert du jus d'orange.

- Magali : Je vais chercher le café.

Elle revient avec un plateau garni. Sert. Ils boivent un peu en silence. La main de Magali qui tient sa tasse tremble .

- Magali : Qu'est-ce qui s'est passé ?
- Noé : Je ne comprends pas.
- Magali : Tu sais très bien de quoi je parle. Tu... tu m'as lâchement abandonnée. Un soir j'étais dans tes bras, et le matin suivant, tu avais disparu. Pas un mot. Pas une lettre. Jamais. J'ai toujours cru que tu étais mort d'une manière horrible, ce jour-là. Un accident. Un assassinat sordide. J'ai imaginé que personne n'avait jamais retrouvé ton corps. Alors je te pose de nouveau la question : Qu'est-ce qui s'est passé ? Je ne veux pas crier "salaud !" sans raison. Je le crierai sans doute, mais pour l'instant, je me retiens. On ne sait jamais. Tu sauras peut-être m'inventer une histoire abracadabrante qui saura quand même tenir la route. Je me souviens, tu étais très fort, pour les histoires.
- Noé : Pourquoi te la raconter, si tu penses d'avance que je vais te mentir ? De l'eau a coulé sous les ponts, Magali. Gualtier Maldé* est loin, maintenant. Il a pris un sacré coup dans l'aile.

* Verdi, Rigoletto, faux-nom d'étudiant pauvre donné par le Duc de Mantoue à la belle Gilda, pour la séduire.

- Magali : Noé, Noé. Pourquoi m'as-tu abandonnée ?
- Noé : Je ne vois pas l'intérêt que tu portes aujourd'hui à notre histoire. Tu es mariée. Tu aimes ton mari.
- Magali : C'est vrai.
- Noé : Qui te le rend bien.
- Magali : C'est vrai aussi.
- Noé : Tu vois.
- Magali : Justement non, là tu te trompes du tout au tout. Je ne vois plus rien. Plus rien du tout. Avant que tu m'apparaisses dans les jumelles, oui, tout était très clair. Depuis, c'est la nuit.
- Noé : Je ne te suis pas.
- Magali : Tu étais mort pour moi, Noé. Cette mort avait arraché mon cœur par les racines. Apparemment, on peut continuer de vivre sans cœur. On peut remuer bras et jambes. J'ai compris comment. On se retourne et on offre son dos au temps. Jusqu'au jour où on fait volte-face. Un cœur plus petit se remet à pousser. Il se forme et se remplit tout seul. Je ne l'ai pas aidé. Quand Victor est apparu dans ma vie, il avait repris une apparence normale. Je ne sais pas si tout ce qui m'est arrivé est un véritable choix. Tu peux comprendre ça ?
- Noé : C'est-à-dire… non. Je peux parfaitement comprendre que tu m'aies pris pour un salaud, mais mort ? Dans le cas d'un accident, j'imagine qu'on en aurait parlé dans les journaux, à la radio. Quant au meurtre, personne n'aurait eu intérêt à avoir ma peau. Ma peau n'a aucune valeur sur le marché.
- Magali : Ta peau avait une grande valeur pour moi, salaud ! Voilà, j'ai fini par le dire. Salaud ! Salaud ! D'un jour à l'autre elle n'était plus sous mes doigts et elle ne t'avait pas trahi. Elle ne m'a pas parlé une seconde de ta fuite !
- Noé : C'est parce qu'elle n'avait encore rien à cacher, Magali.
- Magali : Mais encore ?

Silence. Noé a le regard vague.

- Noé : Nous avions fait la fête, la veille, tu te souviens ?
- Magali : Une orgie de tout. De vin. De danse. De baisers. Et le matin…
- Noé : Tu dormais encore quand je me suis réveillé. La matinée était avancée. Malgré les persiennes, l'appartement était inondé de lumière. Je suis allé chercher le courrier. Ton odeur était partout sur ma peau. Elle était si puissante et si intime que j'avais peur de rencontrer quelqu'un, dans l'escalier. N'importe qui aurait pu goûter un peu de ton sexe. Dans la boîte, il y avait une lettre. Je suis remonté en vitesse.
- Magali : Tu as fait du café. Quand je me suis levée, j'ai respiré à fond cette délicieuse odeur. Il y avait celle de ton tabac, aussi. Après, quand j'ai vu que tu n'étais pas là, je me suis dit : il est allé marcher. Faire un tour. Et puis, un peu plus tard, j'ai pensé : Il a fait du café, il a fumé trois cigarettes, il va revenir. Un homme qui se lève, fume tranquillement, boit son café à côté d'une femme endormie, n'est pas malheureux d'être près d'elle. Je m'en suis voulue d'avoir peur. Je l'ai dit à haute voix : Tu es idiote d'avoir peur. Vraiment idiote. Mais ça ne m'a pas empêché d'aller regarder dans la penderie. Devant la penderie, un reflet brillant a détourné mon attention. Ta montre. Sur la table de chevet. J'ai souri encore une fois. Je n'ai pas ouvert la penderie. Un homme qui s'en va pour toujours ne laisse pas une si belle montre derrière lui.
- Noé : Je me suis fait un café, oui, j'ai fumé sans me préoccuper de la lettre. Je n'avais pas reconnu l'écriture. Manuela. Une Espagnole que j'avais connue à Séville quelques mois avant. Elle m'annonçait qu'elle était enceinte de moi. Qu'elle allait accoucher. J'ai donné un coup de pied dans la table. Dans le mur. Je me suis fait un mal de chien. Ça aurait pu te réveiller. Je n'ai jamais voulu d'enfant, tu comprends. Je n'en savais rien de rien, quand je t'ai connu. J'avais envie de la tuer. Je suis remonté comme un fou réunir quelques affaires.
- Magali : Ta montre. (Elle se lève, part dans sa chambre, revient).
Elle est… elle est toujours dans un tiroir de ma table de chevet. Noé l'a découverte il y a peu. Il croit qu'elle me vient de mon père.

On entend des pas dans l'escalier. De plus en plus proches. Ils s'arrêtent sur le palier. La clef tourne dans la serrure. Magali cache la montre. Victor apparaît, l'air défait.

- Magali : Victor ? Qu'est-ce qui se passe ?
- Noé : Victor, ça ne va pas ? Vous êtes tout pâle.
- Victor : Viré ! Tu pars le week-end avec les félicitations du jury et tu reviens le lundi matin en proscrit ! Viré ! Une affaire de dingue ! Saloperie !
- Magali : Mais qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Pour quel motif ?
- Victor : Une histoire de comptes. Falsifiés.
- Magali : Ce n'est pas toi…
- Victor : Évidemment non, je n'y suis pour rien, mais pour l'instant je n'en sais pas plus. J'ai passé le pas de la porte, le Directeur Financier m'a pris par le bras, m'a emmené dans une petite pièce, m'a dit que Fergus, tu sais, le gars des fusions-acquisitions, Fergus aurait déconné et, officiellement, je dois trinquer à sa place, mais que tout ça s'arrangerait par la suite, qu'il n'avait pas le temps de m'expliquer, que la brigade financière allait débarquer dans les locaux.
- Magali : Les flics ? Carrément ? C'est une affaire grave alors ! Pourquoi tu n'as pas refusé ?
- Victor : Ça s'est passé tellement vite, Mag ! Il y avait de l'affolement partout. Je peux avoir confiance en Grangier, tu sais, il ne m'a jamais tiré dans les pattes. Il a dû agir vite. Il avait l'air aussi bouleversé que moi.
- Magali : Bon. Bon. Détends-toi. Ce n'est pas la fin du monde. Tu veux du café ?
- Victor : Je veux bien.

Victor reste debout, piétine, agité.

- Noé : Asseyez-vous Victor. Vous allez voir, ça va s'arranger.
- Victor : On sait que ça arrive tous les jours, mais quand ça vous tombe sur la gueule ! Tu l'aurais vu. Il m'emmenait par le bras comme un collégien pris en faute. Les autres me regardaient sans rien dire. Il y avait ce con de Junger. (en se tournant vers Noé) Le DRH. Un mec aussi doux qu'un Scotchbritte. J'avais déjà l'impression d'avoir les menottes.
- Magali : Allons, allons, ne noircis pas le tableau, chéri. Tiens, bois ton café. Rien de tel qu'un bon café, dans ces cas-là.
- Victor : Non. Non. Je crois que je vais aller voir Tom. Il a une journée de repos. Il sort avec la secrétaire de Junger et...
- Magali : Ah bon ? Tu ne me l'as jamais dit, ça.
- Victor : Pas très intéressant. Tom doit avoir des infos. Il faut que j'en sache plus. Vous partez toujours pour l'Espagne ?
- Noé : Euh… oui. A priori, oui.
- Victor : Alors je ne vous reverrai peut-être pas.
- Noé : C'est… c'est possible.
- Victor : Dans ce cas, prenez du bon temps ! Je m'en veux vraiment, pour ma bourde, vous savez. Ce que j'ai oublié dans le sac à dos. Je peux faire quelque chose ?
- Noé : Non. Rien .
- Victor : Je ne sais pas quoi vous dire.
- Noé : Ce n'est pas grave, Victor. C'était des lettres. Je les connais par cœur. Elles sont gravées là (il pointe un index sur sa tempe).
- Victor : Des lettres. D'amour, j'imagine. Vous aggravez mon cas, Noé.
- Noé : Non, ça ira, allez-y Victor, ne vous en faites pas pour moi.
- Victor : C'est vraiment bête de se quitter de cette manière. Á l'occasion, hein ? Vous connaissez l'adresse. Vous repasserez nous dire un petit bonjour. Promis ?
- Noé : Promis.

(Il tend une poigne virile à Noé. Il embrasse sa femme à toute vitesse et file en claquant la porte derrière lui).

.
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Message  kazar Lun 1 Sep 2008 - 23:41

Apou, mon bon Apou...

Je me suis tapé toute les scènes et je dois avouer y avoir pris du plaisir. Alors oui, il y a dans les formes quelques trucs pas toujours heureux, mais l'histoire coule, sans (trop de) longueurs et on se surprend à lire tout ça avec les yeux de chercheurs en relations humaines. Dans ce trio, il est donné assez de matière pour étudier les rapports entre Magali et son mari, Magali et Noé, et Victor et Noé. Ca j'aime bien.

Par contre, j'avais rien vu venir entre Magali et Noé, et si je n'avais pas lu les commentaires des gens bien plus futés que moi, j'aurais pu dire "ah bah merde alors !"

Dans les cènes 6 et 7, il y a quelque chose qui m'ennuie un peu. Peut-être à cause du "mystère" soulevé entre Noé et Magali, qui ôte un peu du mordant...En fait je ne sais pas vraiment quoi. Le dénouement, la rechute de la dame pour son ex, la redondance des lettres ?

En tout cas, chapeau, c'était une bonne lecture ! Espérons que tu nous tiennes encore en haleine !

Apou a écrit:Noé l'a découverte il y a peu.

Victor, bien sûr. Pas Noé.
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Message  apoutsiak Mar 2 Sep 2008 - 9:32

"Dans les cènes 6 et 7, il y a quelque chose qui m'ennuie un peu. "

Oui, c'est l'odeur du Christ. L'est caché dans l'armoire, ouaf ouaf ouaf !!! Marie. Marthe. Magali. Bandait pour les prénoms en M, le gars ! Complètement ouf, cet Apou !
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Message  kazar Mar 2 Sep 2008 - 10:05

C'est petit. Rikiki, même. Rikikinuscule, je dirais.

Et Nathalie ? Une sorte de fille unijambiste, alors ?
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Message  apoutsiak Mar 2 Sep 2008 - 12:00

Nathalie, je ne vois pas, explique-moi. T'as l'air de mauvais poil, ou je me trompe ?
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Message  kazar Mar 2 Sep 2008 - 12:05

Pas du tout, Apou !!

Je ne suis jamais de mauvais poil !

C'est vrai que derrière un écran, il est difficile de montrer son sourire. Ou même faire chanter sa voix de pixels.

Pardon, j'aurais dû mettre un smiley, ou un truc dans le genre.

Non-non ! Je vais très bien ! Désolé !

Et puis, je me sens trop bien ici pour commencer à être de mauvais poil. Surtout avec toi, té !

Bon, le coup de Nathalie c'est un peu tiré par les cheveux, j'avoue.
Tu dis : tu aimes les filles en M. Et tu cites, pourtant, dans un lapsus révélateur, une Nathalie. Et le N, c'est bien un M à qui manque une jambe, non ?

...
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Message  apoutsiak Mar 2 Sep 2008 - 13:09

Ouh là, pour ton énigme faut sortir de St-Cyr, suis qu'un pauv'tit gars tout simplet, moi ;-)))))))))
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Message  kazar Mar 2 Sep 2008 - 13:16

Bah comme ça on est deux ;-))
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Message  Sahkti Mer 3 Sep 2008 - 9:47

J'aime bien la manière dont le naturel chassé revient au galop, un grand classique de l'humanité ça :-)
Victor si charitable retrouve certains réflexes bobo égoïstes, l'air de rien et cela est amorcé avec fluidité.

Le ton du passage qui commence par "Magali: Tu étais mort pour moi, Noé." me paraît différent du reste des paroles prononcées par Magali. C'est plus sérieux, plus travaillé, ça ne lui ressemble pas vraiment. L'image dégagée jusqu'à présent par cette femme est assez superficielle et là, elle deviendrait presque philosophe :-)

Reproche que je formule également pour la suite, l'échange entre Magali et Noé sur la veille de son départ. Cela se rapproche davantage du roman que du théâtre parlé, l'écriture a pris le dessus sur le langage oral. Et puis tout cela est très posé, ils évoquent des souvenirs tristes d'une manière ampoulée et figée, ça ne respire pas vraiment la douleur et la vie, c'est trop statique à mes yeux.
Sans compter que, comment dire... ça sonne très mélo de télénovela ça. Elle se réveille, il est parti, il apprend qu'il est papa, il ne voulait pas d'enfant... bref, pas super enthousiasmant, sujet éculé et un peu pesant.

Heureusement, tu arrives à briser cette monotone langueur avec l'arrivée de Victor et son histoire de comptes falsifiés. Hop, dynamisme et action sont de retour, ça fait du bien.
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Message  Invité Mer 3 Sep 2008 - 12:31

Un mari comédien me rend circonspecte dans mes commentaires sur la lecture de pièces : le jeu peut mettre en valeur des qualités ( ou des défauts) qu'en lectrice de prose romanesque je ne perçois pas.
Ceci dit, j'ai pris plaisir à lire ce début, j'ai envie d'avoir la suite et surtout j'aimerais voir ça sur scène
T'as quoi comme comédiens dans la tête, Kasar ?

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Message  Invité Mer 3 Sep 2008 - 12:35

Zut, je voulais dire : Apou !

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Message  apoutsiak Mer 3 Sep 2008 - 13:01

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Merci de ton commentaire, Coline. Je ne comprends pas ta question. Plutôt, je la comprends, mais je n'en saisis pas l'intérêt. Juste un jeu ? histoire d'imaginer qui de nos acteurs pourraient se mettre dans la peau de tels personnages ? Tu écris "j'aimerais voir ça sur scène", en gras, mais c'est un voeu pieux : la pièce n'est pas fini et c'est déjà difficile de publier un roman, alors monter une pièce ! Mais quand elle sera terminée, bien sûr que je la proposerai ! Dernière chose, as-tu lu les scènes 6 et 7, coincées entre des commentaires ? Car, si je n'ai reçu que des éloges, jusque-là, miss Sahkti émet quelques réserves sur ces scènes-là. J'aimerais bien savoir ce que toi ou les précédents commentateurs en pensent.

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Message  Arielle Mer 3 Sep 2008 - 16:36

J'aime ton écriture et son élégance, Apou, j'aime ton humour, ta sensibilité à fleur de peau, ton sens des réparties. Tout cela je le retrouve dans ce texte. Moi, qui ai tant de mal à glisser des dialogues dans mes propres histoires, je suis épatée par quelqu'un qui, comme toi, parvient à brosser une scène, à m'y faire entrer sans le secours d'aucune description mais...
Je suis désolée, je n'aime pas tes personnages. Leur monde, leurs valeurs, leur manière de penser et de réagir sont la caricature de ce que j'ai fui toute ma vie. Ton Victor, ta Magali me débectent tellement que je ne crois pas être capable de poursuivre, au delà de ces sept épisodes, la lecture de leurs aventures. Je sais bien que c'est très maladroit et stupide de ma part de te dire ça, comme ça, ne le prends surtout pas comme une attaque personnelle!
Si, au moins Noé parvenait à entraîner Victor dans une vraie galère, à lui faire goûter un peu de l'âpreté d'une vie de routard en l'embarquant avec lui vers l'Espagne, à lui coller autre chose dans les mains qu'un seau à champagne et des petits fours…. Mais c'est toi l'auteur, n'est-ce-pas et tu y as peut-être pensé!

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Message  Invité Mer 3 Sep 2008 - 17:46

Beau boulot, en vérité Apou, avec mes encouragements.
Pas moyen de me réconcilier cependant avec le théâtre de boulevard tel
qu'il est et comme tu t'y tentes. Avec plaisir et un certain talent. C'est vrai.
Il faut maintenant continuer et achever. Bon courage.

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Message  apoutsiak Mer 3 Sep 2008 - 19:12

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Arielle, finalement, je trouve ta réaction épidermique très élogieuse. Ces personnages ont l'air si incarnés pour toi que l'auteur serait tenté de croire qu'il a réussi. Tu me pardonneras ma naïveté, peut-être, mais je ne comprends pas en quoi ces héros te débectent. Victor et Magali gagnent un peu plus que la moyenne des gens, n'habitent pas un appartement d'émir, jusque-là, des millions de personnes pourraient se reconnaître. Si diverses actions sont de sa part déplacées, forcées, elles n'en font pas, à mon sens, un personnages exécrable. Au contraire, il reflète une complexité très contemporaine, chez les plus favorisés, de culpabilité de classe, de générosité, couplées à la recherche de leur satisfaction (lot de tous les humains). Victor donne peut-être une somme conséquente sur son salaire à des oeuvres caritatives. Ce n'est pas la panacée, mais as-tu toi-même la solution aux problèmes du monde ? Victor se débrouille avec son origine, son éducation, sa vie, plus mal que d'autres, mieux que certains, qui tuent leur prochain, pillent des richesses naturelles ou collectives, etc... Je comprends (et je partage largement) qu'on ait envie d'être différents, je ne suis pas sûr que beaucoup (dans la même situation) y parviennent vraiment, mais de là à éprouver une telle horreur...

Panda, merci des tes encouragements. Je n'avais pas l'impression de faire du théâtre de boulevard. J'avais l'impression qu'il y avait une situation de départ qui s'apparentait à ce qu'on peut trouver chez Pinter ou O'Neil. Et puis, ce n'est que le début.

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