Vos écrits
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
-45%
Le deal à ne pas rater :
WHIRLPOOL OWFC3C26X – Lave-vaisselle pose libre 14 couverts – ...
339 € 622 €
Voir le deal

Atelier de radoub

+9
Ba
Sahkti
Rebecca
The mec bidon
Plotine
CROISIC
Arielle
boc21fr
silene82
13 participants

Page 1 sur 8 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8  Suivant

Aller en bas

Atelier de radoub Empty Atelier de radoub

Message  silene82 Mer 9 Sep 2009 - 8:07

Déjà il y a Abdel. Abdel il a eu un peu de mal à venir , il paraît. C'est comme ça que Luc a dit, que quand il s'est pointé la première fois sur sa mob pourrie il osait pas entrer même dans la cour, et que c'est quand il a vu l'autre là, je sais pas son nom, le mec du centre d'alcoolisme, c'est là qu'il a fini par entrer.
Abdel il sait pas dire non, lui-même il explique que s'il en est là c'est qu'il a du mal même à parler aux gens, que c'était pour ça qu'il s'enquillait des demis et du fort, qu'au bout de quelques uns paf, le déclic, même plus peur d'aller parler à des mecs qu'il connaissait pas. Ça c'était avant d'après ce qu'il raconte. Il dit qu'il a eu plein d'accidents bourré, que c'est pour ça qu'ils lui ont sucré le permis. Il raconte tout le temps aussi la fois qu'il a pas raccompagné son vieux parce qu'il avait un truc à faire et que son vieux s'est fait écraser et que depuis c'est sa faute si le père est mort qu'ils lui disent tous. Et lui qui arriverait pas à leur dire d'aller se faire mettre bien profond, qu'il avait vraiment un truc à faire et qu'en plus pour des musulmans ils devraient savoir que tout est écrit, et que c'était son heure au vieux.
Remarque que moi, j'arriverais pas non plus à y dire à mon daron que c'est un gros fils de pute et un gros enculé et qu'il nous a pourri la vie à Isma et à moi, pas à Tarek parce qu'il s'est tiré bien avant, il était plus grand, et à ma mère pareil. Qu'on a rien à foutre de rien depuis toujours, ni de l'école, ni du taf, ni de rien, juste qu'on se maintient dans un état tenable, pas tout à fait vivants, pas encore morts, bien anesthésiés en tous cas. Sûr qu'avec le temps ça devient une habitude et un besoin, le subu mélangé au whisky pas cher de Lidl, ça casse bien. C'est vrai que l'atelier ça me sert de médoc, l'air de rien, y a qu'à voir, les week-ends, je double ou je triple les consos. Y a pas photo.
C'est même pas que j'ai peur de Luc et de ce qu'il va me dire. Au moins il est pas con, quand j'arrive avec le pas de scaphandrier, il me mate du coin de l'œil, puis il me fait son numéro classique, le bureau, on ferme la porte tu parles qu'on ferme la porte, on entend tout dans cet atelier, bon, c'est pas sa faute, et zyva, 
-  Hassan, il me semble qu'il y a un petit souci.
Au moins il fait pas chier à faire le psy, en plus il prend l'accent reubeu, des fois il me fait poiler ce con:
- Alour msiou Hassan hal a pensi ji vien latilier di msio Louk avik pti coup li nahdin subu dans li nahrines, et msio Louk tellement il est bouchi il voit rien di to 
Il me dit on aura l'air malin quand vous vous serez coupé une main et qu'ils boucleront l'atelier parce que c'est un « ripère di drougui ».
Il me dit mollo aujourd'hui, OK, pas de machines, au moins si vous vous plantez le ciseau dans la main, j'aurai moins à recoudre. Il nous vouvoie toujours, il dit que vis-à-vis des gens du dehors c'est important qu'ils voient qu'on est pas des gosses dans un centre aéré. Moi j'aimerais bien qu'il nous tutoie, et pouvoir le tutoyer aussi, mais bon, il a un peu raison, moi ça m'a jamais plu à la zonzon, t'arrive, tu le connais pas le maton, rien, il te parle on dirait que c'est le chef, et tu vas en promenade, et tu ci, et tu là.

Salle de l'étage du Dispositif d'Aide aux Addictions. Réunion hebdo.

- Faudrait quand même changer le nom, bordel, vous croyez pas? Aide aux addictions, c'est un peu limite, non?
- C'est sûr, ça peut prêter à confusion; surtout les cons...
- Bon on a quoi à voir? Hassan? Il se passe quoi avec lui?
- Il a démarré il y a une semaine sur l'atelier de Luc; je l'ai accompagné. Ça a eu l'air d'accrocher assez bien; comme dab, Luc a fait le clown, et l'accent africain, et il chantait du yodl, deux minutes après on a eu droit à Fernande, je bande, je bande, Hassan, vous imaginez, perdu, il me regardait sans savoir trop quoi faire. Le mieux ça a été quand Luc s'est approché, très solennel, lui a mis les mains sur les épaules, l'a regardé bien en face, et lui a dit d'un air grave:

- est-ce qu'il vous a mis au courant des deux contraintes incontournables de l'atelier?  en me désignant.
Hassan, tu parles, muet. Et ce con qui embraye,   
- première chose, la circoncision, avec les outils propres à notre métier, j'y tiens beaucoup, à moins que vous ne soyez déjà équipé. Enfin, équipé, je m'entends, déprépucé. Si c'est le cas, nous allons vérifier. Deuxième, port obligatoire d'un masque de Mickey dans les locaux. C'est mentionné dans le contrat. Question, objection? 
Vous auriez vu la tronche d'Hassan; je me suis empressé de le rassurer

- oui, c'est un peu particulier, c'est le style de Mr Poumarède, il a un peu de mal à être sérieux 
- Il t'a fait des commentaires après?
- Ben tu sais bien comme il est; il faut aller lui sortir les mots. Ça lui a pas trop plu, le délire de Luc, tu sais comment il est, il aime les trucs cadrés, blim blam. J'en ai parlé à Luc après au bigophone, il se marrait « j'ai été soft, là, si c'est trop fort pour lui, qu'il demande une dérogation pour la maison de retraite »
- Et depuis?
- Ça a l'air d'aller...

Il est bon Poumarède, toujours à demander ceci et cela pour son atelier. Ce que je vois, moi, c'est que son atelier, il nous est bien utile, déjà parce qu'il est financé à plusieurs niveaux, et qu'avec le loyer et les charges, ça me dégage de la trésorerie que je peux affecter à reboucher des trous ailleurs.
En plus, ils arrivent à faire plein de choses avec presque rien, je ne sais pas comment ils se débrouillent, mais c'est un fait: ils ont aménagé le local. Et maintenant, il voudrait des machines à bois; c'est logique pour un ancien ébéniste. C'est vrai que ça serait un bon outil d'insertion; mais quand même, ça demande des investissements; pour l'instant, on va essayer de tirer comme c'est pour l'instant.

Hassan il a du pot; il connaît déjà plein de trucs sur le bois, tu parles, il a un CAP. Je sais même pas qu'est-ce qu'il fout là, d'abord. Remarque, moi j'étais maçon, c'est sûr, et je suis là pareil. Mais quand même, putain, moi je galère grave, je suis pas habitué à mesurer. Avec mon patron, avant, c'était pas compliqué, les mesures, il les prenait pas trop, et quand il les prenait, c'était mort: la fois où on a dû péter le linteau toute une après -midi parce qu'il s'était planté de 8 cms...
Moi je pipe pas grand chose au bois; Luc il se fout de ma gueule assez souvent, depuis que je lui ai dit que dans la maçonnerie s'il y a des défauts sur le mur, c'est pas grave, après on crépit par dessus. Depuis j'y ai droit à chaque fois, et msiou Abdel il va crépir son pied de table, puisqu'il lui manque un centimètre, et ci et ça.

Chaque nouveau gars, c'est une nouvelle stratégie éducative, comme ils nous serinent dans les écoles d'éducs. Tu parles d'une stratégie, et de réinsertion; réinsertion de quoi, d'abord? Soit c'était des mecs de peu de savoir-faire avant, et alors les réinsérer, ça voudra dire les rendre apte à refaire ce qu'ils faisaient avant, dans le cas d'Abdel, manoeuvre. De toutes façons, pour lui, c'est cuit, il a une interdiction de travailler de la COTOREP. Le seul endroit où il puisse être, c'est dans un atelier occupationnel, en supposant qu'on en trouve un qui veuille le prendre, et s'il y en a un tout court. Parce qu'ici, ça ne court pas les rues.
Hassan, n'en parlons pas, c'est encore plus grave, si c'est possible; étiqueté chômiste longue durée, tu m'étonnes, depuis qu'il marche à la poudre, plus de dix ans. Et avant, compétences réelles dans le bois, puisque c'était son domaine, à ce qu'il paraît? Pour moi, inexistantes ou presque; il ne sait pas tracer, ou très mal, il ne connaît même pas les machines de base, et il aurait un CAP? Remarque, il y a des années, ils sont obligés de le donner, comme le Bac, sinon les statistiques s'effondrent. Et puis dans les métiers, les diplômes, on s'en fout un peu, c'est devant l'établi qu'on juge le mec. Et lui, concrètement, msiou Hassan, s'il a le niveau CAP, moi je suis archevêque. Il fait peut-être illusion avec Abdel, qui de toute façon s'émerveille de tout. Mais on est loin du compte: il ne sait pas construire, il n'a pas de logique opérationnelle, il n'est pas organisé, et en plus il bosse dans un bordel invraisemblable. A croire qu'il a un sacré bordel dans la tête.
Et d'après ce qu'il lâche, par ci par là, effectivement c'est pas dégueu. Il ne larmoie pas plus qu'il faut, s'apitoie plus sur son petit frère que sur son propre cas - il l'accrochait au linteau avec un sac de ciment attaché au pieds, Luc, vous vous rendez compte?- ben ouais je me rends compte, et que tout le monde est ligoté dans ce genre de situations, le môme, la mère, les frères. Dans la famille maltraitance, je demande le père. Mais je peux demander la mère aussi, y a pas de lézard, elle fera payer quelque chose à quelqu'un, gamine violée rituellement pour célébrer, lors de l'apparition de l'impureté menstruelle, sa condition de mère potentielle, apte à enfanter de petits mâles arrogants et terrorisés par l'océan de la vaginitude.
De quoi elle se plaint d'abord, elle avait quinze ans, on a attendu plus qu'il fallait, au bled c'est à douze qu'on commence les festivités, avec les incantations des sorcières si le premier fœtus tarde trop à nider. Et du petit mâle, s'il vous plaît, la femelle, ça compte pas. Enfin, ça compte pas, ça compte pas pour s'en rengorger et recevoir les compliments. Par contre ça rapporte. On la vend. Quand on en a beaucoup, et jolies, c'est la fortune.
En plus on l'a pas mariée au cousin Lakhdar qui la voulait, parce qu'il était un peu âgé, et que c'était dommage de gâcher la gamine avec un septuagénaire. Non non, elle a eu un autre cousin, Mokhtar, impeccable, il travaille en France, les papiers et tout. Sa première femme est morte? Il ne la battait pas plus qu'il faut pourtant.

La psy elle est toujours à essayer de me faire dire. Elle me dit des choses trop zarbi, « que je suis comme étranger à moi-même, qu'on dirait que je suis désincarné, que je ne manifeste pas beaucoup d'affects ». Des trucs de psy, quoi, qu'est-ce qu'elle croit, moi, les choses sont simples, je vois pas ce qu'il y a de compliqué, maintenant j'ai l'atelier, je me fais ma petite semaine, bon c'est vrai que ce qui est compliqué c'est que maintenant c'est plus possible de faire plein d'heures et que comme ça on ait de l'argent quand l'atelier est fermé, que Luc prend des congés. Ils veulent plus la direction. Bon, les week-ends, c'est long, ça c'est vrai. J'ai personne à aller voir, je traîne. Je picole le whisky que j'ai acheté à Lidl la veille. Quand j'ai assez bu, je dors. Moi je vois pas ce qui va pas. Chaque fois ils me sortent les même trucs: « vous vous anesthésiez pour ne pas avoir à vivre » qu'est-ce qu'ils racontent pas avoir à vivre? Bien sûr que je vis, la preuve. Si l'atelier ferme, putain, là je sais pas ce que je ferai.

- Luc, salut. C'est Louisa. Tu vas bien?
- Quand je t'entends, ça va toujours, beauté...(j'aimerais bien lui dire des trucs plus corsés, limite salaces, mais bon, pas de bol, on est entre pros, dans un domaine strictement pro. Pas de bol, vraiment)
- Écoute, j'ai un monsieur (elle a une voix traînante, sans affectation cependant; d'où elle est d'abord? C'est pas un accent d'ici...j'ai un monsieur; elle pourrait pas parler en dialecte, j'ai un mec là. En fait, c'est sa manière de parler, elle bêche pas. Même sa voix m'excite, rauque, un peu masculine, que je superpose mentalement à son beau visage. En fait, à la réflexion, c'est une belle femme, beau cul et tout, mais elle a quelque chose de gauche dans les mouvements, justement, quelque chose de pas féminin. Si ça se trouve, c'est un trans. Et moi un homo refoulé) C'est un monsieur compliqué. Il est très attachant, tu verras, et je suis sûre qu'il va trouver plein de choses dans ton atelier
- Écoute, j'ai confiance en ton jugement (je l'aurais encore plus dans ton coup de rein, poupée, mais je ne sais pas comment te le faire passer. Bon, c'est clair que tu dois le savoir depuis longtemps. Pourquoi tu me regardes toujours avec ce petit sourire mystérieux et lointain, très Joconde, voire sphynge?) Envoie-moi le bonhomme, puis on le rencontrera ensuite ensemble, comme dab.
- Ça roule
- Tu lui dis de me contacter, OK? (c'est toi qui devrais me contacter, oui, qu'est-ce que j'en ai à braire de ton patient, c'est toi que j'ai en tête en ce moment. Je donnerais cher pour savoir comment te séduire. Bon, je sais pas si je le veux vraiment. J'ai jamais franchi ce pas là.)
- A bientôt
silene82
silene82

Nombre de messages : 3553
Age : 66
Localisation : par là
Date d'inscription : 30/05/2009

Revenir en haut Aller en bas

Atelier de radoub Empty Re: Atelier de radoub

Message  Invité Mer 9 Sep 2009 - 8:51

Très alerte, des personnages attachants... Je me régale, et d'autant plus que je sens que c'est pas fini, tout ça, ouh là là non !

Invité
Invité


Revenir en haut Aller en bas

Atelier de radoub Empty Re: Atelier de radoub

Message  Invité Mer 9 Sep 2009 - 8:54

(Ça m'a fait franchement rire, les kouniris de msiou Louk.)

Invité
Invité


Revenir en haut Aller en bas

Atelier de radoub Empty Re: Atelier de radoub

Message  Invité Mer 9 Sep 2009 - 8:55

(Et puis tu aimes tes personnages, c'est précieux.)

Invité
Invité


Revenir en haut Aller en bas

Atelier de radoub Empty Re: Atelier de radoub

Message  Invité Mer 9 Sep 2009 - 8:56

(Ah ah, ti croyis ti avis plein di comms sur ti kouniris, hein !) (Pardon de massacrer l'accent.)

Invité
Invité


Revenir en haut Aller en bas

Atelier de radoub Empty Re: Atelier de radoub

Message  silene82 Mer 9 Sep 2009 - 9:11

à sonia

Ti ti veng en mi pourrissant li fil, ci çà? Ti pas genti...
bisous quand même
silene82
silene82

Nombre de messages : 3553
Age : 66
Localisation : par là
Date d'inscription : 30/05/2009

Revenir en haut Aller en bas

Atelier de radoub Empty Re: Atelier de radoub

Message  boc21fr Mer 9 Sep 2009 - 9:17

Eh beh...
Ce texte parle de ta propre expérience dans un atelier de réinsertion je suppose, merci de nous la faire partager.
Sacré Silène, on t’imaginerait sans difficulté amouraché de la psy du quartier des poly-traumatisés.
Pourtant sa manière de s'exprimer avec les "clients" est un peu délirante : "étranger à moi-même, désincarné, ne manifeste pas beaucoup d'affects...". Comme tu le fais remarquer, eux-mêmes ne s’y retrouvent pas.
Elle ne sait pas vraiment à qui elle s'adresse en définitive ! Je me suis toujours demandé comment et pourquoi certaines psy s’avèrent incapables de se mettre au niveau de langage de leurs interlocuteurs.
Elles ne me semblent pas tant masculines que mécaniques et vaines.
Enfin si celle-ci était séduisante je comprendrais l'intérêt que le narrateur lui portait...quoique…
Il y a du lourd, évidement, parmi ses patients, mais pas là où je l'attendais (c’est jamais où on l’attend et pourtant… c’est toujours les mêmes trucs). Le pompon, la cerise sur le gâteau familial :
"Mais je peux demander la mère aussi, y a pas de lézard, elle fera payer quelque chose à quelqu'un, gamine violée rituellement pour célébrer, lors de l'apparition de l'impureté menstruelle, sa condition de mère potentielle".
Finalement je la comprends cette psy étrangère à elle-même, désincarnée et ne manifestant pas beaucoup d’affects…

J'ai trouvé ton texte assez intéressant pour le lire et relire, vraiment sympa, quoique ce choix qui a été le tiens, de prendre un patient (Hassan) pour premier narrateur avant d’engager un dialogue entre (toi ?) et Poumarède, peut paumer tout en forçant le lecteur à s’identifier à chacun.
Bon allez…j’avoue…je me demande à qui tu ressemblais le plus dans l’histoire…Luc l’éduc déconneur transi d’amour pour la psy de service, Poumarède, son interlocuteur ?
boc21fr
boc21fr

Nombre de messages : 4770
Age : 53
Localisation : Grugeons, ville de culture...de vin rouge et de moutarde
Date d'inscription : 03/01/2008

Revenir en haut Aller en bas

Atelier de radoub Empty Re: Atelier de radoub

Message  silene82 Mer 9 Sep 2009 - 9:29

Salut boc, merci de ton com.
Je vois avec délectation que nonobstant les jolis petits cailloux dont je parsème l'allée, mes visiteurs se perdent avec constance.
Pour l'instant, dans cette fresque grandiose -yen a qui manquent pas d'air, ma parole- nous avons Abdel et Hassan, qui s'observent mutuellement, et se parlent en eux-mêmes, puisqu'il paraît qu'ils ont un eux-même. Ils observent également Luc Poumarède, éduc babacoulisant de la pire espèce, et qui se croit drôle en plus. Chacun se parle in petto, sauf lors des dialogues -ou des trialogues-
Et pour la psy, chuttt! Faut pas me griller!
silene82
silene82

Nombre de messages : 3553
Age : 66
Localisation : par là
Date d'inscription : 30/05/2009

Revenir en haut Aller en bas

Atelier de radoub Empty Re: Atelier de radoub

Message  Arielle Mer 9 Sep 2009 - 10:04

silene82 a écrit:
Pour l'instant, dans cette fresque grandiose -yen a qui manquent pas d'air, ma parole- nous avons Abdel et Hassan, qui s'observent mutuellement, et se parlent en eux-mêmes, puisqu'il paraît qu'ils ont un eux-même. Ils observent également Luc Poumarède, éduc babacoulisant de la pire espèce, et qui se croit drôle en plus. Chacun se parle in petto, sauf lors des dialogues -ou des trialogues-
Et pour la psy, chuttt! Faut pas me griller!

Sympa de nous mettre les poings sur les i ! Il me semblait, après une première lecture rapide, que les personnages étaient bien plus nombreux. C'est la verve de l'auteur et ses savoureuses digressions qui doivent me donner cette impression ... mais non je ne suis pas encore tout à fait gâteuse ! Je relirai pour plus de sûreté avant d'aborder le prochain chapitre.
J'ai retrouvé, avec délices, l'accent fleuri du gracieux fils de Pan rencontré à Crozon ;-)

Arielle

Nombre de messages : 5605
Age : 77
Localisation : sous le soleil breton
Date d'inscription : 02/01/2008

http://perso.orange.fr/poesie.herbierdesmots/

Revenir en haut Aller en bas

Atelier de radoub Empty Re: Atelier de radoub

Message  Invité Mer 9 Sep 2009 - 11:01

Il pétille ce Luc, comme celui qui l'inspire ;-)
Comment ne pas déjà l'aimer, lui et son drôle d'accent. Dommage que la psy ne sache pas lui donner la réplique, ç'aurait pu être à mourir de rire...

Sinon, je ne sais pas précisément ce que tu as en tête mais on attend la suite de ce texte savoureux, qui fera bien attention à ne pas emberlificoter les lecteurs avec de trop nombreuses digressions et autres associations ...

Invité
Invité


Revenir en haut Aller en bas

Atelier de radoub Empty Re: Atelier de radoub

Message  CROISIC Mer 9 Sep 2009 - 11:46

Tout cela existe, je sais, j'ai vécu 4 ans à Marseille.
Quelle merveille de les faire parler vrai "sur le papier" !
Tu vois Silène, The Mec Bidon, il a raison, y'a rien d'autre !
CROISIC
CROISIC

Nombre de messages : 2671
Age : 69
Localisation : COGNAC
Date d'inscription : 29/06/2009

http://plumedapolline.canalblog.com/

Revenir en haut Aller en bas

Atelier de radoub Empty Re: Atelier de radoub

Message  Invité Mer 9 Sep 2009 - 12:13

Silène mon compagnon de bruyères, tu dois investir 1 heure de ta vie pour la mise en page à destination de ton prochain. J'te jure que la ligne de commande [justify] aide bien et que les vrais tirets (longs-dont le nom à coucher dehors m'échappe quotidiennement depuis 40 ans) apporteraient un rendu appréciable de ton texte, mais de plus , permettraient une correction plus fouillée, certes de zigotos, mais quand-même.

Le texte emporte bien, on marche sur des copeaux et les tubes d'harissa.

Invité
Invité


Revenir en haut Aller en bas

Atelier de radoub Empty atelier de radoub/suite

Message  silene82 Mer 9 Sep 2009 - 12:22

Hôpital. Pavillon des Conduites Addictives. Bureau de la psy

- Voilà, monsieur Caribet, vous connaissez Luc Poumarède, éducateur technique spécialisé -ouf, j'ai réussi à le dire- que vous avez rencontré à l'atelier et qui est donc disposé à vous accueillir. Nous avons cette rencontre aujourd'hui pour définir les objectifs de cette prise en charge...
- Ah moi, tout me va, vous savez, merci, merci
- Ouhlà, calmez-vous, monsieur Caribet, vous ne connaissez pas encore tous les détails; je ne sais pas si j'ai eu le temps de vous mettre au parfum, mais l'intégration sur l'atelier est conditionnée par un petit geste...
L'homme regarde, ahuri, sans oser rien dire
- Je ne vous avais pas dit, quand nous nous sommes vus, qu'un petit cadeau facilite grandement les choses, comme en Afrique. Il prend l'accent africain, nuance béninoise, avec les r légèrement grasseyants. Tu dévrais té rappeler, mon bon ami, dé mé faire porter quelques sacs de mil avec du beurre de karité car mes femmes se plaignent de notre indigence. Présentément insupportable.
- Oui, j'avais oublié de vous prévenir, monsieur Caribet, monsieur Poumarède plaisante beaucoup, et ce n'est pas toujours très facile de discerner sur quel registre il est
- Oui, oui, j'avais compris

Elle me prend pour un demeuré, la miss. A Montfermeil, la moitié de mes potes étaient blacks, qu'est-ce qu'elle croit? Bon, faut tenir le rôle, je sais pourquoi je suis ici, mais j'aime pas qu'on mélange tout. Les angoisses qui me prennent où je peux plus sortir pendant des 3 mois, OK, c'est une chose. Mais j'ai la comprenure qui marche normal, sans dec. Bon c'est vrai que le calcul, pas top, ça me fait peur. Mais pour le reste, pas de blème. Je comprends pas trop son truc, à l'éduc. Déconner, déconner, c'est bien beau, mais ça fait pas sérieux. Moi j'ai besoin de gens sérieux. Déjà, les fringues, c'est important. Un prof, ça doit s'habiller en prof. C'est comme un tableau: s'il y a pas de cadre, et en plus un beau cadre, c'est pas un tableau. C'est pas vrai ce que je dis?Lui, il s'habille n'importe comment. Bon, ça, c'est les éducs. Typique. Ils font tous pareil. Quand ils se déplument, vers la cinquantaine, y en a plein, ils continuent avec les cheveux longs; ou la queue de cheval. La barbe, garantie: ils doivent naître avec. Lui, ça va à peu près.

Atelier. Lundi matin. Jour d'admission. Enfin, jour d'entrée pour les nouveaux.

- Bonjour messieurs, salut les gars, on ne peut malheureusement pas saluer de filles, voici Hervé, qui nous a demandé l'hospitalité car il est recherché en Espagne: c'est un curé défroqué..
- Sérieux, msieur? C'est quoi, défroqué?
- Abdel, d 'abord, moi, c'est Luc, pas msieur. Msiou à la limite, et encore. Défroqué? Eh bien demandez-lui, c'est pas moi, hein...
- C'est vrai c'qui dit msieur Luc, que t'es un curé dé...troqué?
- Ben ouais, et même si vous voulez, je vous chante la messe. Il ouvre les bras en entonnant Veni Creator. Non, c'est pas vrai, mais j'ai été enfant de chœur, ça oui.
- Et tu faisais quoi?
- Plein de choses, mais après, surtout routier

C'est son obsession à Hervé, bien apprendre. Bien faire, bien tout. Quand je lui demande, goguenard , si c'est grave de se chier sur un truc, il se ferme. Bien sûr que c'est grave qu'il me répond.
- En fait, vous avez raison, Hervé, on ne prend pas la mesure de la gravité de la chose. Je trouve les sanctions inappropriées dans ces cas, pas vous?
- Ah ça, c'est sûr...
- Moi, je pense qu'il faudrait des mesures qui fassent passer l'envie à ceux qui se trompent
- C'est clair
- Par exemple, je verrais bien, le mec fait une plantade, hop, on lui coupe une phalange. On verrait bien s'il réfléchirait pas un peu plus après. - Qu'est-ce que vous en pensez? Abdel?
- Ah non, hein, moi, je suis pas d'accord. En plus que je me plante tout le temps...
- Mais tu vois pas qu'il déconne, le prof? Il va faire quoi, avec des handicapés? Déjà qu'on est pas des lumières...
- Ah, que j'ai bien aimé ça! Qu'il l'a bien dit! Encore, Hassan, ça m'a fait du bien! Encore! Oui, vous n'avez pas entendu? Il a dit: il déconne, le prof...
- Ah ouais, c'est un gros mot, vous allez le punir, msieur?
- Je croyais avoir dit qu'ici yen a pas lé missié, ici nous c'est tous des frères, alleluyah. Mais non, je vais le féliciter, parce qu'il a compris que moi, j'ai envie de faire le prof. Bon, pas tout le temps, je suis pas sadique. Mais de temps en temps. Cela dit, vous, vous avez le droit de râler si ça vous gonfle: ça va m'obliger à être plus synthétique
- Syn...quoi?
- Synthétique, plus concentré, quoi, plus court. Bon, on va regarder le dernier boulot qu'on a rentré. Qu'est-ce que vous avez à m'en dire?
- C'est une table
- Votre sens de l'observation, Abdel, n'a d'égal que la concision de votre analyse. Une taple.(accent local, sud-ouest profond) Fort bien. Mais encore? A vapeur? A dissection? A déshabillage de coquines? A patinage de mouches? Dites-m'en un peu plus.
- Elle est en bois
- Effectivement; lequel?
- D'arbre
- Je vois que nous avons un connaisseur doublé d'un esthète. Je ne vous pose pas la question pour le plaisir de vous voir ne pas répondre, mais pour remonter vos neurones: vous êtes en train de scruter cette table de telle façon que si l'intensité de vos prunelles pouvait révéler une petite plaque signalétique n'apparaissant que sous ce mitraillage, vous m'auriez déjà répondu. Quelles sont les caractéristiques de ce bois? Couleur, aspect, grain, veinage?
- C'est sombre...
Oui, car les UV sont passés par là; c'est comme les hommes, les bois: ils commencent flambards, et regardez moi faire le beau, et qui c'est qu'a la plus belle, puis, au fur et à mesure du temps, on baisse pavillon. Celui-là était fortement veiné, regardez en lumière rasante, vous voyez ces grands cernes? Ils se sont fondus dans le tonalité générale, mais il y a....quelqu'un a une idée de l'âge de ce meuble?
- Au moins cent ans...
- Peut-être plus...
- Si je vous dit Renaissance, vous la situez où? Combien de siècles?
- 4 ou 5...
- C'est presque ça Hassan, avec une petite rallonge. Ce que vous avez devant vous, les enfants – ça vous fait rire?- c'est le même modèle de table que vous pourriez voir au château de Blois si vous avez l'occasion. En noyer de première qualité: regardez, le plateau fait, voyons 92 cms de large, regardez, il est fait d'une seule planche de cœur.
Pas de réaction
- Bon, alors, d'une seule planche de trèfle. C'est quoi une planche de cœur?
- Ben....
- Pourquoi vous ne m'interrompez pas, quand il y a un mot que vous ne connaissez pas? Vous vous rendez compte, je rentre chez moi, innocent, tout content, je mange, je vais au lit, persuadé que vous savez ce qu'est une planche de cœur, je rêve qu'à Qui veut gagner des Millions on vous pose la question, et au moment où vous allez triompher, patatras, vous ne savez pas ce que c'est. J'en pleure de rage.
- Faut pas exagérer...
- Ah, il faut pas exagérer? Alors c'est quoi (mielleux), une planche de cœur?
- Celle qui passe par le milieu
- Eh ben c'était pas trop tôt Hassan, l'ADSL passait mal? Alors, remettons-nous dans les temps; on scie à la main, avec une grande scie de long, deux bonshommes en bas, un en haut qui ne fait que remonter la scie. La bille, le tronc donc, est bloqué sur une espèce de chevalet qui le maintient avec un angle de 15% à peu près. Ça, c'est pour scier pauvre, à la française. Si on veut scier riche, à la hollandaise, on scie sur quartiers, c'est à dire qu'on partage le tronc en quatre, puis on scie perpendiculaire à la circonférence. Vous voyez l'intérêt par rapport à l'autre?
- Ben...
- Dans un cas, on tire des planches qui partent de l'écorce, vont vers le milieu, le cœur, et continuent vers l'écorce de l'autre côté. Le bois du milieu du tronc sera homogène, et ses fibres seront équilibrées. Tout le reste tirera d'un côté ou de l'autre
- Alors c'est pour ça que le bois se tord?
- Bien sûr que c'est pour ça; sur les planches de bord, on est dans l'aubier, mélangé à du bois dur: c'est forcé que ça se torde.
- C'est quoi l'aubier?
- Je rêve...Abdel a posé une question...ah non, là, on appelle la Dépêche, et au trot! L'aubier, c'est le bois en fabrication, qui ajoute couche après couche, cerne après cerne. Il est beaucoup plus tendre que le bois fini. C'est pourquoi quand dans une planche il y a des mélanges de densités de bois, il est certain qu'elle se gauchira...

Moi j'aime bien comment il nous raconte l'histoire Luc; il déconne mais après on se rend compte qu'on a retenu plein de trucs; l'autre jour, mon beauf, celui qui comprend toujours pas pourquoi sa sœur est avec moi, il était sur le cul que je lui explique un truc que je venais d'apprendre dur les assemblages.
silene82
silene82

Nombre de messages : 3553
Age : 66
Localisation : par là
Date d'inscription : 30/05/2009

Revenir en haut Aller en bas

Atelier de radoub Empty Re: Atelier de radoub

Message  Invité Mer 9 Sep 2009 - 12:47

J'ai pas compris c'était quoi le sciage sur quartiers. (Comme beaucoup de femmes, j'ai une très mauvaise vision dans l'espace.) Y aurait une image à montrer ?

Un poil long, peut-être, le moment blagueur, avant la leçon, avec les doigts à couper...

Invité
Invité


Revenir en haut Aller en bas

Atelier de radoub Empty Re: Atelier de radoub

Message  Invité Mer 9 Sep 2009 - 15:21

Le silene nouveau est arrivé : beaucoup de dialogues, ça passe bien.

Invité
Invité


Revenir en haut Aller en bas

Atelier de radoub Empty Re: Atelier de radoub

Message  boc21fr Mer 9 Sep 2009 - 16:19

-le tonalité générale
-l'intégration sur l'atelier
comme en Afrique. (j'aurais fait une phrase interrogative)
-Les angoisses qui me prennent où je peux plus sortir pendant des 3 mois (d'accord le type n'est pas net mais là tu exagères...)

Sinon j'ai toujours bien aimé, la leçon de meunuiserie/bucheronage tout particulièrement, et tes gugusses (le narrateur Luc y compris) toujours aussi attachants...
boc21fr
boc21fr

Nombre de messages : 4770
Age : 53
Localisation : Grugeons, ville de culture...de vin rouge et de moutarde
Date d'inscription : 03/01/2008

Revenir en haut Aller en bas

Atelier de radoub Empty Re: Atelier de radoub

Message  Plotine Mer 9 Sep 2009 - 17:32

Mais c'est quoi ce délire ? Je suis pliée. Rien que le coup de : Quand ils se déplument, vers la cinquantaine, y en a plein, ils continuent avec les cheveux longs; ou la queue de cheval. La barbe, garantie: ils doivent naître avec. Lui, ça va à peu près.
Il faut que je relise ça demain matin au calme.
Plotine
Plotine

Nombre de messages : 1962
Age : 81
Date d'inscription : 01/08/2009

Revenir en haut Aller en bas

Atelier de radoub Empty atelier de radoub/suite

Message  silene82 Jeu 10 Sep 2009 - 7:56

Fontvieille, quartier est de Bartaban. La campagne. La vraie. Plaine morne et glaiseuse. Il y a des coins du sud-ouest qui sont des trous du cul du monde, celui-là en fait partie. Dans le sud-ouest, c'est pas compliqué, il y a les riantes collines du Gers, oui, le Bonheur est dans le Pré, c'est ça, vous y êtes, la belle lumière du Lot, du côté de Cahors, les falaises splendides du côté de l'Aveyron, la gastronomie, ah, la gastronomie, vous vous rendez compte, dans cette terre bénie des dieux, les canards et les oies ne viennent au monde qu'avec la pensée fixe d'hypertrophier leur foie à coup de mangeaille excessive, pour faire don aux humains qui les ont entourés d'une si tendre sollicitude. La truffe embaume les causses, les sous-bois bruissent de girolles, de trompettes-de-la mort et surtout, de cèpes; le gibier regorge, sangliers, chevreuils, lapins et lièvres, perdrix. Dans les rivières, des sandres combattifs et des brochets voraces, certains comparables à des vieux caïmans, avec leur gueule énorme adornée d'hameçons dont ils ont cassé la ligne. Et la Salers, vache exquise, au beau regard tendre, et à la viande si fondante...mais j'étais sur le glaiseux, la morne plaine, les terres à maïs et l'horizon bête.
Il se lève le matin, comme tous les matins, en pétard contre tout le monde. Il s'est encore pris le bec hier au bistrot avec le patron, quand après son dixième demi il commençait à parler fort, et à débiter un tas d'avis tonitruants et discutables. A mesure que l'ivresse montait, il s'enhardissait, un peu comme si le liquide remplissant sa panse faisait remonter, en les poussant vers le haut, toutes les frustrations, les inachèvements, les complexes qu'il a accumulés depuis des lustres.
Il n'est pas très grand, 1,70 m environ, mais est bâti comme un postier breton. Vous savez, pour ceux peu familiers d'hippologie, ces chevaux de trait massifs et musculeux, moins grands que le percheron, pourvus d'un poitrail et d'une croupe surdimensionnés, d'un cou puissant, que l'on utilisait énormément du temps des diligences, car ils avaient une puissance nerveuse indispensable dans les voyages aventureux qu'étaient la traversée du pays par des routes pentues, pleines de fondrières, avec une charge énorme au cul.
Des membres massifs de forgeron, une ossature énorme; le gaillard pèse aisément son quintal, sans être gros. Quand il roumègue, et que la mauvaise humeur commence à l'habiter, il vaut mieux couper là, car il en viendra rapidement à chercher la bagarre, dans laquelle il peut être destructeur.
Il peste une fois de plus, dans le mal-être de ce matin, contre la mobylette qu'il n'a pas, car il boit tout ce qu'il gagne, contre sa mère qui le houspille, car à presque cinquante ans il devrait au moins avoir un moyen de transport, contre son père qui ne dit rien; contre le gros propriétaire de la pépinière voisine, qui détient ses parents en quasi-otages, en les logeant dans une masure pour un loyer dérisoire, mais en les utilisant comme on en usait avec les domestiques de ferme il y a bien peu encore, dans ces contrées: tout ton temps au patron, disponible à toute heure du jour et de la nuit -eh oui, s'il grêle, il faudra bien aller courir protéger les arbres, quelle que soit l'heure-. Tu as ton dimanche après-midi de libre, de quoi te plains-tu? Dans les années 60, dans ces territoires reculés arrachés à l'Aveyron, où la République, par le bras de ses hussards, étaient parfois contrainte de demander l'intervention de la force armée, sous forme d'une paire de gendarmes à moustaches de sergents-majors, pour contraindre les parents des petites bergères à les envoyer à l'école laïque, gratuite, et surtout obligatoire, tant le travail des enfants était une activité vivrière indispensable, qu'il s'agît de garder les moutons ou de gauler les noix, les enfants des familles-ribambelles, aux temps où la conjonction d'un clergé fort et de l'absence de contraception rendait la natalité explosive, étaient fréquemment placés comme domestiques dans les fermes dès l'âge de huit ans, pour gagner leur soupe quotidienne. Libres le dimanche après-midi, et pleins de la vitalité merveilleuse de la jeunesse, ils partaient danser à Badour, village distant de 15 kms, à pied évidemment, et en revenaient pour soigner, selon le terme vernaculaire, le bétail avant la nuit. Encore le soin en question est-il un euphémisme, puisque une dizaine de vaches, un mulet, un cheval, trois ou quatre porcs qui étaient le minimum d'une ferme modeste boivent-ils, chaque soir, leurs 400 litres d'eau tirée du puits, profond d'une vingtaine de mètres, avec le lourd seau de bois et la poulie grinçante. Sans préjudice du foin à leur distribuer à la grande fourche, du fenil au-dessus des mangeoires, avec le piment du risque de ne pas voir la trappe, et se retrouver encorné un étage plus bas, comme cela arrivait parfois. On peut comprendre après cela que le sort de bonniche en ville, même engrossable par le petit fonctionnaire qui les employait, ait pu paraître enviable, d'autant que les patrons de ferme et les valets ne se gênaient pas non plus, au détour du fenil, pour culbuter les pauvresses.
Il peste donc car le pagès, le maître, qui concède leur logis à ses parents, lui a fait dire qu'il veut qu'il lui exécute des travaux de peinture; car il est peintre, Lucien Delbosc, peintre de son état, peintre de métier, et fier de l'être. Formé à l'ancienne, attention, pas de ces cochonneries de maintenant qu'ils savent même pas ce que c'est que l'impression, et qui salopent tout ce qu'ils touchent: la peinture, travail de finition, est un terrain d'expression de sa rancœur face à la noirceur du monde, quasi inépuisable. Il a réussi le tour de force, malgré des compétences professionnelles reconnues, à lasser tous les employeurs de Bartaban, du gros entrepreneur qui prend des chantiers de quartiers entiers en ravalement et réhabilitation d'intérieurs, au petit artisan qui fait travailler deux ou trois ouvriers. Forcément: quand on engueule les clients, ou qu'on les insulte parce qu'ils ont émis une remarque sur la manière de procéder, même avec une conscience professionnelle indiscutée sur le fini -avec son corollaire, l'extrême lenteur du travail-, on finit par se griller partout.
Il maugrée donc, en allant à son rendez-vous du centre d'alcoologie. Parce que des cures, il en a démarré des dizaines, avortées un soir de déprime, ou pour fêter une victoire de la Ligue: qui n'est pas rugby n'est pas d'ici, on pourrait le poser en ces termes.
Au centre, guet-appens, en tous cas, c'est l'impression que ça lui fait. Déjà, il sent se contracter ses muscles, et il ressent la rage du taureau qu'on emprisonne dans le toril, avant la corrida. Comme le taureau, il a envie de tout casser. D'autant qu'il commence à ressentir le manque: dix heures déjà, et il n'a rien bu. Pas un blanc. Pas un demi.
Il est à cloche-pieds: envie d'arrêter; mais c'est compliqué. Cela fait des mois que la psy du centre lui explique que s'il prend la décision d'arrêter, il va falloir repenser tous les détails de ses rituels ordinaires, reconstruire de nouveaux schémas de vie, se refabriquer de nouvelles relations. S'étayer si possible, après la cure et la post-cure, qui seront nécessaires, en compagnie d'abstinents. Il y a des assos qui existent.
Parallèlement, l'équipe a envie de lui proposer une activité sur un atelier que l'on ne peut à proprement parler qualifier de thérapeutique, mais qui en aura néanmoins la fonction.
Médecin responsable de l'antenne, infirmier et psychologue lui reprécisent les modalités de l'atelier. Il est entendu que l'infirmier l'accompagnera pour une prise de contact.
silene82
silene82

Nombre de messages : 3553
Age : 66
Localisation : par là
Date d'inscription : 30/05/2009

Revenir en haut Aller en bas

Atelier de radoub Empty Re: Atelier de radoub

Message  Invité Jeu 10 Sep 2009 - 8:24

Je sens que ça va donner, avec ce redoutable !

Une ou deux impropriétés, mais je sens que si je te parle des sandres combatifs, et non "combattifs", tu vas appeler à ton aide le célébrissime génie de la langue et que les sandres, ils se battent avec deux "t", oui ou merde ?

Toujours très bien et prenant, cela dit je ne vois pas l'intérêt de ce narrateur à la première personne qui s'est fugitivement glissé ("mais j'étais sur le glaiseux"). Bravo en tout cas pour la conviction avec laquelle tu campes tes personnages, et grand merci à Nath qui t'a permis de maîtriser la justification du texte. Parce que, j'admets, c'est pas mes embrouillaminis qui pouvaient t'aider !

Invité
Invité


Revenir en haut Aller en bas

Atelier de radoub Empty Re: Atelier de radoub

Message  Invité Jeu 10 Sep 2009 - 10:23

Gare au guet-apens !

Moins emballée par la densité revenue dans certains passages. Mais ça reste captivant.

Invité
Invité


Revenir en haut Aller en bas

Atelier de radoub Empty atelier de radoub/suite

Message  silene82 Jeu 10 Sep 2009 - 11:48

Par une ruse du démon, le clavier du portable sur lequel je suis refuse obstinément de faire le long tiret des dialogues. Ci la mizer.

- Il est où, Poumarède?
- Et où voulez vous qu'il soit, monsieur le directeur? A l'atelier de Nérac, pardi, comme de juste...
- Bon, je file le voir...je viens d'avoir le SPIP; ils veuillent nous refiler un longue peine. Le type s'était pris perpète sous Giscard, il peut sortir en probation là, mais il lui faut un lieu d'accueil et que ses journées soient occupées...


Atelier de Nérac. Portail vert, cour miteuse; façade minable de ce qui a dû être un entrepôt: deux grandes portes coulissantes laissent à penser que des camions devaient entrer. Les portes ont peut-être eu de beaux jours, mais il y a longtemps. Lépreuses, pendouillantes, assemblages disjoints, vitres manquantes, la zone.
L'intérieur a été aménagé par Poumarède et ses fines équipes: des jeunes semi-délinquants, échoués en centre d'hébergement comme alternative à l'incarcération, avec soutien éducatif. Les collègues de Poumarède, les éducs du centre d'hébergement, lui aiguillent les jeunes un peu paumés; si le travail du bois leur plaît, ça accroche, et en général on constate des modifications spectaculaires tant dans le comportement que dans la vision du monde.


- Bonjour Luc, ça va, bonjour messieurs, on peut se voir, Luc?
- Mais comment donc, ton illustre grâce sait qu'il n'y a jamais de souci...

Le directeur tutoyant tout le monde, Poumarède, depuis le début, lui a dit qu'il en userait de même avec lui; le directeur excipant d'une prétendue formation d'éducateur, dont il apparaîtra dans le temps qu'elle est usurpée, Poumarède le prend à son propre jeu: le tutoiement est de règle entre éducs, l'eussent-ils été longtemps avant.

- Bon les gars, vous savez ce que vous avez en route, Hassan, vous commencez le démontage de la table, commencez par regarder le montage du dessus, ça devrait être par taquets cloués, faites gaffe à pas massacrer. Abdel, il me semble qu'il va falloir crépir, qu'est ce que c'est que ce désafleur? C'est pour l'aération?
- Ben...
- Ji compreni: msiou Abdel il a rigli la machine à l'envir....Je suis à toi, Jean-Paul...

Tant qu'à tutoyer, autant appeler par le prénom

- Ça à l'air de marcher, ton truc...
- Ben tu sais, le seul problème, c'est les quotas...
- Les quotas? Les quotas de quoi?
- De perte; quand il y en a un qui me casse trop les burnes, je suis obligé de me l'enquiller; avec des quotas, je pourrais le tronçonner...
- Toujours à déconner...Tu leur parle comme ça à tes gars?
- Évidemment. Tu les crois cons au point de pas comprendre quand je déconne? Ici, c'est un atelier, tu sais; dans les ateliers, on a l'habitude de ne pas être trop sérieux: le taf est suffisamment compliqué comme ça, en rigolant, on abaisse les tensions. J'aime bien qu'ils voient aussi que tout le monde est faillible, même moi: ça m'arrive de faire des erreurs d'usinage, quand je vais répondre au téléphone et que je reviens en croyant que la bécane était pointée. Mais je trouve que c'est précisément pédagogique pour ça: même le chef, quand il a la tête ailleurs, il fait di kouniris
- En tous cas, les zigotos de l'hébergement, ils ont l'air contents; tu les verraient à midi, quand ils expliquent aux autres ce qu'ils ont fait...
- Bon, à part ça, tu voulais me parler de quoi?
- Tu te souviens que je t'avais parlé de l'asso avec laquelle on travaille sur les sortants de longues peines?
- Ouais, je suis pas encore gâteux...
- C'est pas ce que je veux dire; le SPIP voudrait qu'on prenne un gars qui sort de 34 ans. Un truc sordide, viol et meurtre d'un môme de 9 ans. Pour l'hébergement, ce sera au centre, mais il lui faut un lieu de boulot; tu te sens de le prendre?
- Tu m'as bien embauché parce que j'avais bossé en prison, non? Moi, y a pas de souci; je veux juste voir le mec avant; tu sais, avec les gars que j'ai en ce moment, ça m'étonnerait qu'il la ramène beaucoup, si c'est ce qui t'inquiète...
- Non non, on lance le truc alors?
- Quand tu veux; ce qui serait pas mal...il est où au fait?
- A Châteauroux
- Il faudrait qu'ils lui filent une perm pour qu'il vienne voir ici, qu'il ne débarque pas en terre inconnue; ça fait 34 ans qu'il n'a pas vu le jour, le pépère...ni autre chose que des taulards et des matons: ça va faire rude
- OK, je m'en occupe

Téléphone. Galopade dans l'atelier.

- Allo Luc, c'est toi?
- Oui mon lapin, et toi, c'est toi?
- C'est Guy...
- Je sais, babou; moi yen a l'oweille musicale: Mamadou sait danser, Luc sait entender
- Et aussi déconner...
- Comme tu dis, bouffi, qu'est-ce qui t'amène?
- Tu te souviens du peintre dont je t'avais parlé?Je peux passer cet aprèm avec lui?
- No problem

Une belle gueule, le cheveu dru, poivre et sel, le salaud, il ne sera jamais chauve, il n'y en a que pour la canaille. S'il n'était pas un peu courtaud, et trop trapu, il aurait pu réussir même comme mannequin. Avec 30 kilos de moins, bien sûr. Ça se gâte au niveau de sa gestion des rapports avec les inconnus. Il est mal à l'aise, se dandine comme un ours. Il en a la stature.

- C'est le monsieur dont je t'avais parlé, Lucien Delbosc...
- Bienvenue! Qu'est-ce que vous avez compris de l'atelier, à travers ce qui vous en a été dit?
- Ben...vous travaillez le bois; déjà, moi, il faut que je vous dise, moi, je suis peintre; peintre de métier
- A l'ancienne?
- Pardi, oui, à l'ancienne
- Impression, ponçage, laquage, faux-bois...?
- Pas faux-bois, non...
- Bon, eh bien au revoir monsieur. Au plaisir.

Il lui serre la main, ainsi qu'à Guy, l'infirmier, impassible. Il connaît le bonhomme. Delbosc est ahuri, et ne sait que dire

- Je plaisante; vous sauriez faire le faux-bois, mais mon pauvre, je vous installe ici un petit trône, je vous évente quand il fait chaud, je vous mets le chauffage quand ça pèle, je cours vous chercher des grands demis bien frais -ah, c'est vrai, vous ne buvez plus, je me les enquille moi, alors- mais vous me faites du faux-bois: vous vous rendez compte, plus personne n'est foutu d'en faire, et nous ça nous permettrait de nous lancer dans la déco. Bon, je vais être bon prince, le faux-marbre, ça oui, vous allez me le faire?
- Eh non...malheureusement...
- Tous mes rêves s'effondrent alors...tant pis
- Je suis désolé...
- Pas autant que moi...Je rigole, désolé de quoi vous êtes?
- De ne pas pouvoir vous contenter
- Ouhlà malheureux, attention à ce que vous dites, que ça pourrait prêter à confusion...Écoutez, moi, peintre peintre, sans l'option faux-bois ça me va très bien: on ne manque pas de choses à peindre. Mais vous apprendrez bien un peu de menuiserie, quand même? Imaginez, plus tard, à la maison de retraite, quand vous casserez votre déambulateur, hop, vous vous le réparez, ni vu ni connu. Même vous vous faites une clientèle: vous pouvez pas imaginer le succès que vous aurez avec les mamies...
- Parlez pas de malheur...
- Bon, eh bien vous voulez démarrer quand?
- Ben...
- Lundi qui vient?
- Ma foi, oui
- C'est dit. A lundi.
silene82
silene82

Nombre de messages : 3553
Age : 66
Localisation : par là
Date d'inscription : 30/05/2009

Revenir en haut Aller en bas

Atelier de radoub Empty Re: Atelier de radoub

Message  Invité Jeu 10 Sep 2009 - 12:06

silene82 a écrit:Par une ruse du démon, le clavier du portable sur lequel je suis refuse obstinément de faire le long tiret des dialogues. Ci la mizer.

(...)

Très bien, ça se met en place. Bordil Phiphi, ji t'ai mis zouli cadratin dans fil Réponses aux commentaires na'din'mok, ti silictionnes ti copies avec Ctrl-C et ti mis où ti veux avec Ctrl-V ti con ou quoi ? Tiens je rifais : —

Invité
Invité


Revenir en haut Aller en bas

Atelier de radoub Empty Re: Atelier de radoub

Message  CROISIC Jeu 10 Sep 2009 - 12:41

Je me régale ! ça valait le coup d'attendre.....l'air Breton, y'a pas mieux pour requinquer la plume du lamantin. ( le lamentin c'est la Z.I autour de l'aéroport de Fort de France/Martinique)
C'est quoi le subu ?
CROISIC
CROISIC

Nombre de messages : 2671
Age : 69
Localisation : COGNAC
Date d'inscription : 29/06/2009

http://plumedapolline.canalblog.com/

Revenir en haut Aller en bas

Atelier de radoub Empty Re: Atelier de radoub

Message  The mec bidon Jeu 10 Sep 2009 - 13:00

Il parle du Subutex®, un médoc censé servir de substituant à l'héroïne pour les toxicomanes. Et comme la plupart des trucs créer pour substituer à une drogue, c'en est devenu une, d'ailleurs l'héroïne était à la base un substituant à la morphine. Du coup, du subu dans du whisky, ci siper dangerou.

Je lis très souvent vos textes, même si en général j'évite de l'ouvrir dessus, encore une fois j'adore et j'attends la suite. C'est dingue d'écrire autant en deux jours, vous devez avoir le cerveau en compote.

Sinon, comme socque, je n'ai pas bien compris les explications sur le sciage. J'essaie d'imaginer des hollandais qui scient des riches et leurs arbres mais rien n'y fait.
The mec bidon
The mec bidon

Nombre de messages : 554
Age : 33
Localisation : Caché
Date d'inscription : 17/05/2009

Revenir en haut Aller en bas

Atelier de radoub Empty Re: Atelier de radoub

Message  silene82 Jeu 10 Sep 2009 - 13:04

à Croisic

le subutex, molécule de substitution à l'héroïne, qui, outre qu'il crée une dépendance sur le même mode que celle qu'il prétend pallier, s'accompagne de divers désagréments, et dans certains cas, d'effets secondaires très inquiétants. Un des problèmes qu'il pose est qu'il est très souvent détourné de son emploi normal, par voie buccale, pour être soit injecté -shooté, donc- par intraveineuse, soit sniffé avec la baguette de fée creuse chère à Colinette. Comme il n'est pas du tout prévu pour ça, toutes sortes de pathologies peuvent se développer, on a parlé d'œdèmes, de caillots avec risque d'embolie, de problèmes respiratoires graves, etc...
Moralité, tant qu'à se droguer, faisons-le à la française, à l'alcool...
silene82
silene82

Nombre de messages : 3553
Age : 66
Localisation : par là
Date d'inscription : 30/05/2009

Revenir en haut Aller en bas

Atelier de radoub Empty Re: Atelier de radoub

Message  The mec bidon Jeu 10 Sep 2009 - 13:09

Et toutes mes excuses à Silène pour ma double pollution sur son joli sujet, mais ici il est d'usage de se corriger après-coup : des trucs créés. C'est affreux.
The mec bidon
The mec bidon

Nombre de messages : 554
Age : 33
Localisation : Caché
Date d'inscription : 17/05/2009

Revenir en haut Aller en bas

Atelier de radoub Empty Re: Atelier de radoub

Message  Invité Jeu 10 Sep 2009 - 14:34

Continue.

Invité
Invité


Revenir en haut Aller en bas

Atelier de radoub Empty Re: Atelier de radoub

Message  Invité Jeu 10 Sep 2009 - 14:35

(je me doute bien que tu n'as pas besoin de mes encouragments !!!)

Invité
Invité


Revenir en haut Aller en bas

Atelier de radoub Empty Re: Atelier de radoub

Message  Plotine Jeu 10 Sep 2009 - 14:35

C'est un feu d'artifice ! J'ai un peu de mal à suivre mais ça me faisait pareil, au début, en lisant Dostoïevski !
Voilà c'est un autre genre de "possédés" mais des possédés quand même ! Je ne savais même pas que ça existait des gens comme ça !
Bon, si rien ne m'a échappé, le violeur n'est pas encore entré en scène. J'attends avec impatience !
Quel talent ! J'espère que tu vas publier tout ça un jour. J'aimerais bien le lire dans un vrai bouquin.
Et, accessoirement, que sont ces ateliers ? Nous sommes où exactement ?
Plotine
Plotine

Nombre de messages : 1962
Age : 81
Date d'inscription : 01/08/2009

Revenir en haut Aller en bas

Atelier de radoub Empty Re: Atelier de radoub

Message  Invité Jeu 10 Sep 2009 - 14:40

Plotine a écrit:C'est un feu d'artifice ! J'ai un peu de mal à suivre mais ça me faisait pareil, au début, en lisant Dostoïevski !
Excuse du peu, silene !!! Je te vois frétiller de bonheur !

Invité
Invité


Revenir en haut Aller en bas

Atelier de radoub Empty atelier de radoub/suite

Message  silene82 Jeu 10 Sep 2009 - 15:25

Le petit bonhomme est grisonnant. L'air chafouin. De la ruse dans le regard, mêlée de fourberie. Un petit gringalet de rien du tout, physique de jockey. L'éduc référent l'a amené à l'atelier. A peine entré dans le bureau, il se précipite, obséquieux, main en avant.

Ouh que j'aime pas! Ouh qu'il sent la balance à plein nez, et le lèche-cul! Bon, ressaisissons nous, avec son physique, en zonzon, il n'avait que deux stratégies possibles, soit faire face et aller au carton tous les deux jours, soit se coucher. Voyons un peu où il bossait...j'ai ma petite idée...

— Hé bien bonjour monsieur Paturel, pas trop désorienté par ce que vous trouvez à l'extérieur?
— Un peu quand même, mais vous savez, on a la télé en taule...
— Plus que la télé, dans votre cas, vous étiez en centre pénitentiaire, donc avec ateliers etc...
— Oui...
— Vous étiez sur quel atelier?
— J'ai été un peu sur tous, au fil des années; là, depuis trois ans, j'étais sur la buanderie...
Je le savais, j'en aurais mis ma main au feu; la buanderie, le royaume des balances, des mouchards, où les détenus qui y sont affectés vont de cellule en cellule pour le linge, et recueillent énormément d'infos, qu'ils vont gentiment délivrer à la direction ensuite. Bien sûr, la direction fait pression: s'ils ne ramènent pas d'infos, on peut les mettre sur des quartiers plus exposés: avec les reubeus, les pointeurs assassins comme lui, ils sont mal. Très très très beaucoup. Surtout si les matons sont complices parce qu'ils l'ont dans le nez. Mieux vaut alors être en très bon terme avec eux: ils ont un grand pouvoir à l'intérieur des murs, les directions délèguent, les matons administrent, à leur sauce. Ce que veut la direction, c'est qu'il n'y ait pas de vagues; après, chacun se démerde dans son petit coin.

— Bien, vous avez été mis au courant du fonctionnement...
— Ah moi, il n'y a pas de problème, je viens pour travailler...
— Vous savez, le travail, c'est un support ici, à la limite c'est secondaire...
— Ah bon?
— Eh bien oui, ce que l'on cherche, c'est un mieux-être des bénéficiaires...
— Vous savez, rien qu'être dehors...
— Si c'était si simple...Bon, vous allez être avec d'autres stagiaires, puisque c'est ainsi qu'on vous baptise, vous êtes préparé aux questions qui ne vont pas manquer de surgir? 34 ans, tout le monde comprend que ce n'est pas pour piquer des Carambars...
— Ah, moi, y a pas de soucis de ce côté là, ça m'est arrivé en détention
— Comment ça?
— Ben oui, une fois, un gros caïd, un tueur, disait qu'il allait me faire la peau; mais je lui ai sorti mon arme secrète...
— C'est-à-dire?
— Un bouquin que la sœur du gamin a écrit. Je l'ai fait lire au type, à partir de là, plus de problème. Tenez, lisez-le, comme ça vous me connaîtrez....

L'assassin de mon frère; putain, pas à dire, ça fait envie. Et il a l'air tout fier qu'on parle de lui dans un bouquin. Je vais bien voir.

C'est quoi cette odeur? Mais ils sont cons ou quoi?

— Vous vous foutez de ma gueule, Antonio, où vous cherchez la bagarre?
A l'étage, Antonio Pessoa, petit portugais -pléonasme- à gueule d'ange, blondinet au yeux bleus, d'une dureté minérale néanmoins, tire tranquillement sur un pétard, assis à califourchon sur l'échafaudage. A son côté, Abdel, tranquille, le contemple benoîtement: au Maroc, ce n'est pas un petit pétard qui impressionne.

— Non de Dieu, mais vous êtes malade! Fumer à l'étage, où tout le sol est inflammable! Et du shit en plus, alors que vous êtes censé être en cure! Vous me prenez vraiment pour un con!
— Excusez chef, j'avais trop envie...et puis pour l'atelier, je me suis pas rendu compte...Abdel aurait quand même pu me le dire...
— Vous savez très bien que c'est interdit de fumer dans les locaux, on en a encore reparlé avant-hier; d'autre part le shit, et quoi encore? Un petit rail, ça vous dit rien, histoire de reprendre la pêche?
— Ne me tentez pas, chef, c'est pas sympa...

Celui-là, c'est un numéro. Multi-multi-multi récidiviste, délinquant depuis le berceau -c'est lui qui le dit, qu'il avait monté le gang des culottes courtes- il sait depuis toujours que son air angélique, et sa gueule de petite frappe a des effets sur les personnels féminins, notamment les juges des mineurs: avec un nombre invraisemblable d'agressions, de braquage, de casses foireux, pendant toute son adolescence et les années qui ont suivi -il approche la quarantaine-, il a réussi à ne passer que deux mois en prison en tout et pour tout; et encore, pour conduite en état d'ivresse, sans permis, sans assurance, et ayant blessé un tiers.
Il m'a raconté complaisamment nombre de ses exploits, quand je l'ai reçu avant son admission, jusqu'à ce je finisse excédé de sa suffisance et son sentiment d'impunité

— Et alors, je prends la massette et je la lui envoie à travers l'atelier en le visant...
Il me raconte en se rengorgeant la fois où pour un mot qui ne lui a pas plu il a lancé une massette de maçon sur le chef d'équipe. 1 mois d'invalidité, fracture du crâne.
— Vous courez vite?
— Qu'est-ce que vous voulez dire?
—Que si vous vous amusez à ça ici, je vous conseille de courir très vite...
— Le prenez pas comme ça, je fais plus des trucs comme ça...
— Ça me paraît prudent pour votre santé en tous cas...
silene82
silene82

Nombre de messages : 3553
Age : 66
Localisation : par là
Date d'inscription : 30/05/2009

Revenir en haut Aller en bas

Atelier de radoub Empty Re: Atelier de radoub

Message  Invité Jeu 10 Sep 2009 - 15:51

Alors ça, là, ça, j'adore, comment que ça sonne vrai !
"Celui-là, c'est un numéro. Multi-multi-multi récidiviste, délinquant depuis le berceau -c'est lui qui le dit, qu'il avait monté le gang des culottes courtes- il sait depuis toujours que son air angélique, et sa gueule de petite frappe a des effets sur les personnels féminins, notamment les juges des mineurs: avec un nombre invraisemblable d'agressions, de braquage, de casses foireux, pendant toute son adolescence et les années qui ont suivi -il approche la quarantaine-, il a réussi à ne passer que deux mois en prison en tout et pour tout; et encore, pour conduite en état d'ivresse, sans permis, sans assurance, et ayant blessé un tiers."

Une erreur :
"— Vous vous foutez de ma gueule, Antonio, ou (et non "où") vous cherchez la bagarre?"

Et bravo pour les cadratins, c'est-y pas plus joli comme ça, Fedor ?

Bon, blague à part, c'est très bien et tout mais je pense qu'il faut y aller mollo dans l'introduction de nouveaux personnages, là ça foisonne, bientôt ton atelier il va être archi-plein et les mecs vont se retrouver à tailler leurs planches dans les chiottes ; moi je commence à m'y paumer un peu, il est temps qu'il se passe quelque chose entre tout ce petit monde, je crois...

Invité
Invité


Revenir en haut Aller en bas

Atelier de radoub Empty Re: Atelier de radoub

Message  Invité Jeu 10 Sep 2009 - 16:15

Une autre :
Nom de Dieu, mais vous êtes malade! Fumer à l'étage, où tout le sol est inflammable !


Socque a raison. On les aime tes " stagiaires" (sourire : moi aussi j'ai des stagiaires, un peu différents toutefois) et on ne voudrait pas les perdre de vue, perdus dans la masse.

Invité
Invité


Revenir en haut Aller en bas

Atelier de radoub Empty Re: Atelier de radoub

Message  silene82 Jeu 10 Sep 2009 - 17:03

à Sonia Socquiovna

Fais gaffe, Sonia, si tu me provoques, fini les cadratins -ça sort d'où ce vocable, au fait-?

vous inquiétez pas, fallait remplir la baignoire, qu'ils puissent un peu barboter; et faut pas exagérer, ils ne sont que cinq, pour l'instant.
silene82
silene82

Nombre de messages : 3553
Age : 66
Localisation : par là
Date d'inscription : 30/05/2009

Revenir en haut Aller en bas

Atelier de radoub Empty Re: Atelier de radoub

Message  Invité Jeu 10 Sep 2009 - 17:20

Comme souvent, j'utilise le vocabulaire sans trop savoir, Yali me pardonne (c'est si joli, comme mot, cadratin). Bref, dix secondes de recherches sur Internet m'apprennent que le signe marquant les dialogues a pour nom "tiret cadratin", le cadratin, en typographie, correspondant en fait à une unité de longueur. Pour une police donnée, le cadratin vaut en principe la largeur de la lettre majuscule M dans la police, en pratique il est équivalent à la taille de la police (pour une police "12 points", le cadratin vaudra 12 points).
Le tiret cadratin — est un tiret mesurant un cadratin. Le tiret demi-cadratin –, utilisé pour les incises (c'est l'étape suivante, Philippe ; au lieu de tes traits d'union riquiqui pour encadrer les incises dans les textes, par exemple "-pléonasme-", tu es censé utiliser le demi-cadratin – ti vois ci pas pareil), eh bien il mesure un demi-cadratin, c'est môgique.

Si j'ai dit que des conneries, Yali rectifiera, il est très calé en typographie.

Invité
Invité


Revenir en haut Aller en bas

Atelier de radoub Empty Re: Atelier de radoub

Message  Plotine Jeu 10 Sep 2009 - 17:22

Ça y est j'ai compris à quoi servent ces ateliers : à rien, en fait !
Bon, c'est pour rire, hein !
Plotine
Plotine

Nombre de messages : 1962
Age : 81
Date d'inscription : 01/08/2009

Revenir en haut Aller en bas

Atelier de radoub Empty Re: Atelier de radoub

Message  Invité Jeu 10 Sep 2009 - 18:58

C'est top super Phil. Ton texte, pas mon comm.
Mais j'y reviendrai quand je friterai un peu plus que ce soir.
J'en veux encore.

Invité
Invité


Revenir en haut Aller en bas

Atelier de radoub Empty Re: Atelier de radoub

Message  Rebecca Jeu 10 Sep 2009 - 19:08

Tu aimes bien jouer avec les accents
mais tes dialogues ont surtout un accent de véracité et j'ajouterai ....de sagacité
Tes ateliers de composition et de décomposition de personnages sont les prétextes d'un théâtre aussi comique que tragique comme quand la fiction tente de rattraper la réalité

Encore du texte qui coule de source , ça me douche , ça me réveille ,ça se prend sans fin avec une petite dose de caféine et de nicotine ..même si il est 21 h .....ensuite , on a les idées en place tout est d'équerre même si on sait qu'on fait ici le grand écart entre un quotidien affligeant de banalité et la quatrième dimension....
Rebecca
Rebecca

Nombre de messages : 12502
Age : 65
Date d'inscription : 30/08/2009

Revenir en haut Aller en bas

Atelier de radoub Empty atelier de radoub/suite

Message  silene82 Ven 11 Sep 2009 - 6:11

Moi, je sais ce que je sais; c'est pas à mon âge qu'on va me faire faire ce que j'ai pas envie; les jeunes, là, je comprends, ils savent rien faire du tout. Moi je sais pas comment ça marche maintenant, que avant, avant, quand j'avais leur âge, tu crois qu'on pouvait rester comme ça sans faire quelque chose?
Déjà ils font même plus l'armée. Ça veut tout dire. Ça donne des gonzesses. Pareil. En tous cas, moi je vois que celui qui a un métier, eh bien, on est obligé de le respecter. Le chef, là, il a bien compris la musique: moi, on m'enlève pas le pinceau. Il me dit des trucs que je comprends rien, même que ça m'énerve, mais bon, je vois bien que c'est pas pour se foutre de moi, que sinon il y a longtemps qu'il se serait mangé mon poing dans la tronche. L'autre jour il m'a dit « vous avez du mal à lâcher prise » tu m'étonnes, j'étais champion départemental de judo, moi, que on me pressentait pour le national, alors que les prises, c'est sûr que je les lâche pas. C'est pas que j'ai pas envie d'apprendre des choses nouvelles, mais je veux pas passer pour un demeuré devant les jeunes. Remarque, il a compris, le Luc, il est malin çui-là, il se débrouille pour me montrer des trucs les après-midi où on est seuls, où avec juste l'autre, là, le Patrice, que je sais pas qu'est-ce qu'il a fait, mais que pour moi, 34 ans...je dis rien d'autre...
Où ça va pas, c'est qu'il a pris la Miss, là, la Céline; moi, de comme il la regarde, elle lui plaît, de tout sûr. Si c'est pas une pitié, une jolie fille comme ça que tu sais que c'est une droguée. Je sais même pas qu'est-ce que c'est comme drogue, que j'y connais rien. Si tu regardes bien, en gros, il n'y a que des drogués dans cet atelier, sauf moi et le Patrice. Bon, à l'alcoologie, ils nous disent que l'alcool, c'est une drogue. L'alcool c'est une drogue? N'importe quoi, alors mon père et mon oncle c'est des drogués? Celui-là qui dit ça, il se prend un direct dans la tronche.
Céline, je sais pas pourquoi, elle fait pareil que moi. Peintre. Oui, mais elle, elle a pas appris. Oui, elle se débrouille pas mal. Luc, il est en admiration de tout ce qu'elle fait; sauf qu'elle fait pas dans l'ordre qu'il faut; elle, c'est vroum vroum, elle commence le matin, à cinq heures elle a fini. Le mur entier. Mais moi, si je regarde bien bien, c'est pas dans les règles. C'est propre, ça, y a rien à dire. Mais c'est pas comme ça devrait. Il paraît qu'elle bossait pour Vitrasse. C'est pas un tendre, si il l'a gardée, c'est qu'elle bossait. Mais pour moi, c'est pas dans les règles.

Il est gentil, Luc. L'autre jour, je lui ai fait un petit bisou le matin, il m'a pris à part pour me dire « écoutez Céline, ça me fait très plaisir que vous me saluiez de cette manière, mais vous comprenez, je suis censé garder une distance professionnelle. Ça fait partie de nos frustrations, vous êtes assez intelligente pour le comprendre ». C 'est pas un mateur, l'autre jour, j'avais oublié ma blouse, quand je bossais sur les plinthes, on voyait mes seins. Il regardait ailleurs quand il me parlait. En plus il comprend les choses, j'ai pas besoin de lui faire un dessin. Il a pigé le truc de mon père, je sais pas comment. Personne le sait, sauf ma mère. Comment il m'a dit ça? « Je me trompe peut-être mais il me semble que le mépris dans lequel vous tenez votre corps pourrait avoir à faire avec votre histoire personnelle, sans doute avec un proche de votre famille » J'étais sur le cul, j'ai pas pu dormir, bon ça, c'est comme dab, le lendemain, je lui ai dit

— Qui c'est qui vous a raconté le truc que vous m'avez sorti hier?
— Mais personne, Céline; simplement, il y a des symptômes assez classiques, vous savez, il n'y a pas besoin de plus; c'était juste une supposition: vous êtes ravissante, quoique trop maigre -vous voyez, vous n'êtes pas parfaite-, mais vous transpirez la souffrance. Vous punissez votre corps d'être désirable, par votre anorexie. Sans parler de la défonce...
— Vous savez, ce qui me tient, c'est ma mère...Déjà quand elle su pour moi...elle a pris 20 ans du jour au lendemain. Elle a demandé le divorce immédiatement...
— Et vous vous en êtes voulu, en plus du reste, d'avoir été à l'origine de la séparation de vos parents...
— Bien sûr...
— Vous croyez que votre mère aurait pu accepter de continuer à cohabiter avec votre père en sachant?
— Non, bien sûr...elle m'a dit que si elle ne l'a pas tué, c'était pour que je ne retrouve pas seule quand elle aurait été en prison. Mais que sinon, elle l'aurait fait sans hésiter. Elle me demandait pardon en pleurant de ne pas avoir su me protéger. J'ai tout le temps ça en tête: la pauvre, elle s'en veut que son salaud de mec ait fait ce qu'il a fait à sa propre fille
— Pourquoi vous n'avez pas porté plainte?
— Parce qu'au moment où j'avais accepté l'idée, à cause de la psy de l'hôpital, il y avait prescription. J'avais attendu trop longtemps...
— Comment vous voyez l'avenir?
— (sourire triste) J'aimerais m'occuper de ma mère
— Pour ça, il faut vivre, non? Votre corps ne tiendra pas indéfiniment sur rien...
— Je sais...

Que tout est mal foutu, quand même. Elle est vraiment belle, cette petite, sa maigreur accentue l'éclat de son regard, on dirait une sainte, avec son teint translucide. Redescendons sur terre: le manque d'alimentation fait qu'on pourrait presque voir son sang à travers la peau. Je mets ma main au feu qu'elle est en aménorrhée, et qu'elle s'en réjouit, comme de la disparition de tout ce qui touche au corps. Quel dommage que je ne sois pas plus léger, je lui proposerais une relation informelle, je pense qu'elle marcherait; je sais qu'elle se prostituait à une époque. Mais bon, en fait je n'ai pas vraiment envie de ce type de relation avec elle; déjà, elle me fait trop penser à ma grande. Rien à voir physiquement, à part la maigreur, mais je sais pas...C'est cette tristesse souriante et désespérée en même temps qui me fait mal, et à laquelle je sais que personne ne peut strictement rien; ça me fait chier de la voir avec ce petit con qu'elle a recueilli, qu'elle nourrit, qu'elle héberge, qu'elle fournit en dope, qui la saigne, avec sa tronche de cancrelat. Mais bon, vivre, pour elle, c'est recueillir, soigner, garder; plus ils sont tocards, plus ça la satisfait. C'est vrai que ce que je voudrais vraiment, c'est la câliner comme une petite fille. Arriver à ce qu'elle admette que les hommes peuvent être autre chose que des agresseurs.
silene82
silene82

Nombre de messages : 3553
Age : 66
Localisation : par là
Date d'inscription : 30/05/2009

Revenir en haut Aller en bas

Atelier de radoub Empty Re: Atelier de radoub

Message  Invité Ven 11 Sep 2009 - 6:59

Hmmm ... pas facile de prendre de la distance avec ça, silene.

Invité
Invité


Revenir en haut Aller en bas

Atelier de radoub Empty Re: Atelier de radoub

Message  Contenu sponsorisé


Contenu sponsorisé


Revenir en haut Aller en bas

Page 1 sur 8 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8  Suivant

Revenir en haut

- Sujets similaires

 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum